Le secret millénaire de l’estomac d’une momie : ce que les bactéries nous révèlent
Auteur: Mathieu Gagnon
Imaginez pouvoir remonter le temps, non pas avec une machine, mais en regardant à l’intérieur d’un homme qui a vécu il y a mille ans. C’est un peu ce que des scientifiques ont réussi à faire avec une momie découverte au Mexique. Ils n’ont pas seulement étudié ses os ou ses vêtements, mais quelque chose de bien plus intime et surprenant : les microbes qui vivaient dans son ventre. Ces petites bêtes, invisibles à l’œil nu, ont survécu pendant des siècles et nous racontent aujourd’hui une histoire fascinante sur ce que mangeaient nos ancêtres.
La découverte de l'homme de Zimapán
C’est dans les montagnes de la région de Zimapán, au cœur du Mexique, qu’un secret ancien a été mis au jour. Des archéologues ont trouvé, cachée dans une grotte, une sépulture très spéciale. Il s’agissait d’un homme, soigneusement momifié et enveloppé dans plusieurs couches de tissus en coton et en fibres de maguey (une sorte d’agave). Cet emballage soigné laisse penser qu’il était quelqu’un d’important dans sa communauté, le peuple Otopame, l’un des plus anciens de cette région.
Cet homme, que l’on appelle aujourd’hui ‘l’homme de Zimapán’ ou ‘Hna Hnu’, serait mort alors qu’il avait entre 21 et 35 ans, il y a environ 1000 ans. On ne sait pas de quoi il est mort, mais le climat très sec a permis une chose incroyable : la conservation de ses intestins.
Un 'microbiome' vieux de 1000 ans
Alors, qu’est-ce que les scientifiques ont trouvé de si spécial ? Dans les restes de ses intestins et de ses excréments (que les experts appellent ‘paléofèces’), ils ont découvert tout un monde de bactéries. L’ensemble de ces microbes qui vivent en nous, c’est ce qu’on appelle le microbiome intestinal. C’est un peu comme un jardin intérieur qui nous aide à digérer et à rester en bonne santé.
Trouver un microbiome aussi ancien et aussi bien conservé est extrêmement rare. D’habitude, avec le temps, tout se dégrade. Mais ici, grâce à des techniques modernes, les chercheurs ont pu analyser l’ADN de ces bactéries et dresser un portrait de la vie de cet homme.
Des bactéries surprenantes et inattendues
La première surprise fut de trouver en grande quantité une bactérie appelée Jeotgalicoccus. Ce n’est pas une bactérie qu’on trouve habituellement dans notre ventre. Elle adore le sel et vit normalement dans des environnements marins. Sa présence ici reste un peu un mystère, mais elle montre déjà que le microbiome de cet homme était très différent du nôtre.
À côté de cela, ils ont aussi identifié des familles de bactéries plus classiques, qui sont de bonnes alliées pour notre corps. Elles aident à la digestion, à la production de vitamines et au bon équilibre de notre intestin.
Un régime alimentaire à base d'insectes
L’une des découvertes les plus concrètes concerne son alimentation. Les scientifiques ont trouvé des bactéries de la famille Clostridium qui produisent des enzymes spéciales. Ces enzymes servent à décomposer la chitine, qui est la matière rigide qui forme les exosquelettes des insectes. Autrement dit, c’est la preuve directe que l’homme de Zimapán, comme beaucoup d’anciens peuples de cette région, mangeait régulièrement des insectes. Ce n’est pas si étonnant, car les insectes sont une excellente source de protéines !
Des plantes difficiles à digérer au menu
Son menu ne s’arrêtait pas là. D’autres bactéries, les Lachnospiraceae, ont révélé un autre aspect de son régime. Celles-ci sont championnes pour décomposer les fibres très dures des plantes, comme la cellulose. Cela indique que l’homme de Zimapán mangeait des végétaux que notre estomac aurait bien du mal à digérer aujourd’hui. On pense notamment à l’agave, au yucca, au mesquite ou encore aux figues de Barbarie, le fruit du cactus. Ces plantes étaient une part essentielle de leur alimentation, leur fournissant des nutriments importants.
Les mystères et les bactéries manquantes
Les chercheurs ont tout de même remarqué quelque chose d’étrange : il manquait certaines bactéries qui sont normalement très abondantes dans nos intestins. Est-ce que cela veut dire que l’homme de Zimapán ne les avait pas ? Pas forcément. Les scientifiques pensent qu’il est plus probable que l’ADN de ces microbes fragiles se soit simplement dégradé au fil des 1000 dernières années. Il est très difficile de tout conserver parfaitement sur une si longue période. Le puzzle n’est donc pas encore tout à fait complet.
Conclusion : ce que cette momie nous apprend
Au final, que retenir de cette histoire ? L’homme de Zimapán nous a ouvert une fenêtre incroyable sur le passé. Grâce aux minuscules habitants de son ventre, nous comprenons mieux comment vivait le peuple Otopame, ce qu’il mangeait et comment son corps s’était adapté à son environnement.
Cette découverte nous rappelle que l’étude du passé ne se limite pas aux poteries et aux pyramides. Parfois, les plus grands trésors sont invisibles et se cachent à l’intérieur même de ceux qui nous ont précédés. C’est une belle leçon sur l’histoire de l’humanité et sur notre relation, vieille comme le monde, avec le monde microscopique.
Selon la source : popularmechanics.com