Hospitalisé entre la vie et la mort, les médecins découvrent que le coupable est un simple cure-dent
Auteur: Adam David
C’est l’histoire d’une énigme médicale qui a tenu en haleine les équipes du Massachusetts General Hospital, aux États-Unis. Un homme de 36 ans arrive aux urgences, son corps semble se détraquer de toutes parts, et les symptômes, aussi nombreux que variés, ne dessinent aucun tableau clinique cohérent. Pendant des jours, les médecins ont navigué à l’aveugle, jusqu’à découvrir une cause aussi banale que terrifiante.
L'engrenage infernal des symptômes
Tout commence de manière presque anodine. Deux semaines avant d’être hospitalisé, cet habitant de Boston, originaire d’Amérique centrale, ressent des douleurs sourdes dans le bas-ventre et le dos. Rien de très alarmant. Mais neuf jours plus tard, la situation s’emballe : fièvre et courbatures le poussent à se rendre une première fois aux urgences. On le soulage avec des antalgiques et des fluides, puis on le renvoie chez lui.
Mais le répit est de courte durée. Quelques jours plus tard, le mal revient, plus fort. Nausées, vomissements, toux, difficultés à respirer… La liste s’allonge. Lorsqu’il retourne à l’hôpital, son état est critique : le blanc de ses yeux a jauni, son cœur bat la chamade, sa tension est au plus bas et son sang peine à s’oxygéner. Les douleurs abdominales, elles, sont devenues insupportables.
Une enquête médicale à corps perdu
Face à ce tableau clinique chaotique, les médecins lancent une batterie de tests. Chaque résultat ajoute une pièce au puzzle, sans pour autant en dessiner l’image complète. Les analyses de sang et d’urine révèlent une chute inquiétante des plaquettes et des signes de souffrance hépatique. L’imagerie thoracique, elle, montre une « opacité pulmonaire », un jargon médical pour désigner une zone du poumon plus dense que la normale, souvent le signe d’une infection.
Le scanner va encore plus loin. Il dresse un bilan alarmant : foie hypertrophié, voies biliaires épaissies, ganglions enflés, et même un caillot de sang dans la veine du rein droit. Mais l’élément le plus étrange, c’est cette découverte d’un « pont de tissus mous » reliant son intestin grêle à son rein droit. Une anomalie anatomique qui n’a aucun sens.
La première piste : un mode de vie à risque
Les pièces commencent lentement à s’assembler. La présence dans son sang d’une bactérie, la Streptococcus anginosus, explique en partie les problèmes hépatiques et le caillot sanguin. Pour les poumons, les médecins soupçonnent d’abord une infection contractée sur son lieu de travail, dans le bâtiment.
Une autre hypothèse semble également plausible. En interrogeant le patient sur ses habitudes, les médecins identifient des facteurs de risque qui orientent le diagnostic vers une pneumonie par aspiration, une complication fréquente chez certaines personnes présentant des antécédents respiratoires ou digestifs spécifiques. Cette piste aide à expliquer les problèmes pulmonaires, mais ne résout pas encore le mystère du pont de tissus.
Le coup de théâtre : un objet avalé par mégarde
C’est Gurpreet Dhaliwal, un spécialiste de l’Université de Californie à San Francisco appelé en renfort, qui va avoir l’intuition décisive. Et si cette connexion anormale entre l’intestin et le rein était la cicatrice d’une perforation ? Et si le patient avait avalé quelque chose ?
Une endoscopie est pratiquée en urgence. Et là, stupéfaction. Les médecins découvrent l’impensable : un cure-dent, planté dans la paroi de son duodénum, la première partie de l’intestin grêle. L’objet, étant en bois, était tout simplement invisible sur les précédents scanners, qui ne repèrent pas les matières végétales. La perforation avait provoqué une septicémie, une infection généralisée qui a mis le feu à son organisme et explique la cascade de défaillances d’organes.
une guérison et une leçon de prudence
« L’ingestion de cure-dents passe souvent inaperçue, mais une fois identifiée, elle est considérée comme une urgence médicale », explique le Dr Dhaliwal dans une publication du New England Journal of Medicine. Un objet que l’on retrouve dans un club sandwich ou que l’on mâchonne distraitement peut ainsi se transformer en menace sérieuse pour la santé.
Aujourd’hui, l’homme de 36 ans est tiré d’affaire. Un traitement antibiotique adapté lui a permis de se rétablir complètement. Cette histoire rappelle que parfois, les dangers les plus importants se cachent dans les objets les plus anodins de notre quotidien.
Selon la source : science-et-vie.com