Santé mentale des ados : les conflits à la maison et à l’école sont les pires ennemis
Auteur: Mathieu Gagnon
On le sait tous, l’adolescence, ce n’est pas toujours une partie de plaisir. Entre les changements du corps et les tempêtes dans la tête, il est parfois difficile de garder le cap. Les chercheurs essaient depuis des lustres de comprendre ce qui fait basculer certains jeunes vers la dépression ou l’anxiété. On a souvent pointé du doigt des événements difficiles durant l’enfance, mais c’était toujours un peu flou, difficile à mesurer précisément.
Mais voilà qu’une nouvelle étude, menée par des chercheurs de l’Université Washington à St. Louis, vient mettre un grand coup de pied dans la fourmilière. Grâce à des outils informatiques très puissants, ils ont analysé une quantité gigantesque de données. Et leurs conclusions sont… eh bien, elles sont assez claires et peut-être un peu dérangeantes pour nous, les adultes.
Une enquête d'une ampleur inédite
Pour en arriver là, les scientifiques n’ont pas fait les choses à moitié. Ils ont utilisé ce qu’on appelle des techniques de « data mining » – en gros, ils ont demandé à des ordinateurs de fouiller dans des montagnes de données pour y dénicher des schémas, des liens cachés. Un peu comme chercher une aiguille dans une botte de foin, mais avec un aimant surpuissant.
L’équipe, menée par Robert J. Jirsaraie et Deanne M. Barch, a exploité les informations de l’étude « Adolescent Brain Cognitive Developmental » (ou ABCD). C’est tout simplement l’une des plus grandes études jamais réalisées sur le développement du cerveau des jeunes.
Des milliers de jeunes suivis à la loupe
Imaginez un peu : l’étude ABCD suit plus de 11 500 enfants à travers 21 centres de recherche aux États-Unis. Et ce, depuis 2016, alors qu’ils n’avaient que 9 ou 10 ans. Régulièrement, on leur fait passer des tests, on les interroge sur leur vie, leur comportement, et on réalise même des images de leur cerveau. C’est une véritable mine d’or d’informations pour comprendre ce qui se passe dans la tête de nos ados au fil du temps.
C’est donc dans cette base de données colossale que les chercheurs sont allés piocher pour tenter de prédire les problèmes de santé mentale.
Le verdict : les relations sociales avant tout
Et alors, le résultat ? Il est sans appel. Les facteurs qui prédisent le mieux les problèmes psychologiques chez les adolescents ne sont ni démographiques, ni liés à ce qu’on voit sur les scanners du cerveau. Non. Ce sont les conflits sociaux. Et plus précisément, deux choses sortent du lot : les disputes familiales et les problèmes avec les camarades, comme le harcèlement ou la perte de réputation.
C’est assez fou quand on y pense. Plus que tout autre chose, c’est la qualité des relations humaines qui semble forger la santé mentale de nos jeunes. Les chercheurs ont aussi noté que le sexe de l’adolescent jouait un rôle important dans l’évolution de ces troubles sur le long terme.
Et les scanners du cerveau dans tout ça ?
C’est peut-être la plus grande surprise de cette étude. On aurait pu croire que les images du cerveau, avec toute la technologie qu’il y a derrière, nous donneraient des clés essentielles. Eh bien, pas vraiment. Les chercheurs ont été très clairs : de tous les facteurs étudiés, les données d’imagerie cérébrale étaient les moins utiles pour prédire la santé mentale d’un ado.
Cela suggère que l’environnement dans lequel un jeune grandit, les disputes qu’il entend à la maison ou les moqueries qu’il subit à l’école ont un impact bien plus direct et mesurable sur son bien-être que les subtiles variations de son anatomie cérébrale. C’est une leçon d’humilité pour la science, et un rappel de l’importance de l’humain.
Conclusion : une pièce du puzzle, mais une pièce cruciale
Alors, que faut-il retenir ? Que tout est joué d’avance si l’ambiance est mauvaise à la maison ou au collège ? Non, bien sûr. Les chercheurs précisent que même leur modèle le plus performant n’explique « que » jusqu’à 40 % des différences entre les individus. Il reste donc encore beaucoup de facteurs à découvrir pour avoir une image complète.
Néanmoins, ce chiffre de 40% est déjà énorme. Il nous dit une chose essentielle : si on veut aider nos jeunes, il faut avant tout se préoccuper de leur environnement social. Créer un foyer apaisé et lutter contre le harcèlement scolaire ne sont pas juste des objectifs moraux, ce sont des impératifs de santé publique. Ces travaux, publiés dans la prestigieuse revue Nature Mental Health, pourraient bien changer la manière dont on accompagne nos adolescents vers l’âge adulte.
Selon la source : medicalxpress.com