Le premier télégraphe au monde ? Une invention des Grecs, 1600 ans avant le code Morse
Auteur: Mathieu Gagnon
On pense souvent que l’ère de la communication instantanée a commencé le 24 mai 1844, avec Samuel Morse et son fameux message télégraphique. Mais en réalité, l’histoire est bien plus ancienne. Imaginez, bien avant nos téléphones et même avant l’électricité, les Grecs avaient déjà trouvé un moyen de s’envoyer des messages à distance. Pas avec des fils, non, mais avec quelque chose de bien plus… élémentaire, pourrait-on dire.
Leur outil ? Le télégraphe optique, qui utilisait des torches pour envoyer des signaux visibles de loin. Une idée brillante, bien plus rapide qu’un messager à cheval, mais qui avait tout de même ses petits défauts.
Le problème des signaux de fumée
Communiquer avec des torches, c’était une avancée, c’est certain. Mais ce n’était pas très précis. Un signal pouvait vouloir dire « l’ennemi arrive », mais… combien sont-ils ? Où vont-ils exactement ? Sur un champ de bataille, ce genre d’imprécision pouvait vite tourner à la catastrophe.
Cette faiblesse agaçait particulièrement un certain Énée le Tacticien, un des premiers grands écrivains sur l’art de la guerre. Il était convaincu qu’on pouvait faire mieux, beaucoup mieux. Heureusement pour nous, l’historien grec Polybe a tout noté, et grâce à lui, on connaît cette invention formidable : le télégraphe hydraulique.
L'ingénieuse solution : le télégraphe hydraulique
Alors, quelle était cette idée de génie ? Quelque chose de simple et de redoutablement efficace. Énée a imaginé un système basé sur deux grands récipients parfaitement identiques, remplis d’eau. À l’intérieur de chacun, une tige verticale flottait grâce à un bouchon de liège.
Et c’est là que ça devient malin : sur chaque tige étaient gravés des messages prédéfinis, des informations cruciales en temps de guerre. Des choses comme « la cavalerie est arrivée », « infanterie lourde », « navires », etc. Il suffisait d’y penser !
Le fonctionnement, pas à pas
Le plus brillant dans tout ça, c’était la synchronisation. L’historien Polybe l’explique très bien. Les deux opérateurs, parfois à des kilomètres l’un de l’autre, devaient percer un trou de taille identique à la base de leur récipient. Au premier signal de torche, ils ouvraient en même temps ce trou. L’eau s’écoulait, et la tige avec les messages descendait tout doucement.
Quand le message à envoyer arrivait au bord du récipient, l’expéditeur levait une deuxième fois sa torche. L’autre opérateur refermait alors son trou au même moment. Il n’avait plus qu’à lire le message qui se trouvait au même niveau sur sa propre tige. C’était simple, précis, et ça fonctionnait.
Un avantage stratégique pour Carthage
Cette invention n’est pas juste restée une curiosité. Elle a été utilisée sur le terrain. On sait par exemple que les Carthaginois s’en sont servis durant la Première Guerre Punique (entre 264 et 261 avant J.-C.) pour communiquer entre la Sicile et Carthage.
Ça leur a donné un avantage de communication indéniable sur les Romains. Savoir ce qui se passe presque en direct, à cette époque, c’était une petite révolution. Mais bon, ça n’a malheureusement pas suffi à compenser l’écrasante supériorité navale de Rome.
Les limites d'un système malgré tout pionnier
Le système était génial pour l’époque, mais il n’était pas parfait, loin de là. D’abord, il fallait une ligne de vue dégagée. Par temps de brouillard ou de forte pluie, c’était inutilisable. Et puis, le plus gros souci, c’était la liste figée de messages.
Que faire si un événement totalement imprévu se produisait ? Polybe lui-même le soulignait : « il n’est ni possible de tout prévoir, ni de tout écrire sur la tige ». On ne pouvait pas indiquer le nombre exact de soldats ou l’endroit précis d’une attaque. On était encore loin de la souplesse de nos SMS !
De l'optique à l'électronique : la longue route vers l'instantané
Il a fallu attendre près de 2000 ans pour voir de vraies améliorations. Juste avant la révolution électrique, Napoléon utilisait le système Chappe, avec ses grandes tours et ses bras articulés qui transmettaient des signaux à travers la France. C’était le même principe optique, mais en beaucoup plus complexe.
Et puis, Morse a tout changé avec son système électronique. L’information a vraiment commencé à voyager à toute vitesse. Aujourd’hui, grâce à la fibre optique, on a des communications planétaires et instantanées, avec TikTok et Facebook… ce qui prouve peut-être que même les technologies les plus modernes ne sont pas à l’abri de quelques petits soucis, finalement.
Conclusion : une belle leçon d'ingéniosité antique
Au final, cette histoire du télégraphe hydraulique est assez fascinante. Elle nous rappelle que l’innovation et l’ingéniosité ne datent pas d’hier. Avec les moyens du bord, les Grecs ont inventé un système de communication rapide qui a marqué son temps. Certes, il était imparfait, mais c’était un bond en avant considérable.
Avant de nous émerveiller devant nos téléphones intelligents, il est bon de se souvenir de ces simples vases remplis d’eau qui, il y a plus de deux millénaires, transmettaient déjà des messages vitaux à travers les collines. Une belle leçon d’ingéniosité qui nous vient du fond des âges.
Selon la source : popularmechanics.com