Partir dans l’espace, ce n’est pas seulement flotter en apesanteur et admirer des paysages à couper le souffle. Non, ça a aussi un impact très concret sur notre corps. Et plus particulièrement sur notre système immunitaire. C’est le sujet d’un tout nouveau champ de recherche passionnant : l’astro-immunologie.
Depuis des décennies, on entend les astronautes raconter leurs petits et grands soucis de santé au retour sur Terre. Des infections respiratoires qui traînent, des éruptions cutanées bizarres… tout un tas de choses. Le plus inquiétant dans tout ça ? Ces problèmes semblent s’aggraver avec la durée du séjour loin de notre planète. Alors, forcément, avec les projets de voyages vers la Lune et même Mars qui se précisent, les scientifiques prennent le sujet très au sérieux. Ils veulent comprendre. Vraiment comprendre.
L'immunité perdue dans l'espace : un corps tout déboussolé
Il faut dire que l’espace malmène sacrément le corps humain. Pensez-y : plus de gravité, une exposition constante aux rayonnements cosmiques, des cycles de sommeil complètement chamboulés, et le stress de vivre dans des espaces confinés avec des routines ultra-strictes. Franchement, qui ne serait pas un peu perdu ? Tout ça mis ensemble, ça vient perturber et affaiblir nos défenses immunitaires.
Jusqu’à récemment, les chercheurs savaient que l’espace avait un effet, bien sûr, mais ils ne savaient pas exactement comment, ni pourquoi. C’était un peu un mystère. Mais les choses sont en train de changer, et vite. Une grande équipe de scientifiques, en collaboration avec la NASA, l’Agence Spatiale Européenne et plusieurs universités de renom, vient de publier une sorte de carte complète des changements que subit notre système immunitaire pendant un vol spatial.
La naissance de l'astro-immunologie, une science pour l'avenir
« Pour certains, l’avenir de l’humanité passera par la vie dans l’espace ou sur des mondes lointains », explique le Dr Dan Winer, l’auteur principal de cette étude. « L’objectif plus large en créant cette nouvelle sous-spécialité, l’astro-immunologie, est de développer des contre-mesures pour protéger la santé de ceux qui exploreront la vie en dehors de la Terre. »
Ce travail colossal rassemble des années de données. Des simulations de vols spatiaux sur Terre aux missions réelles à bord de la Station Spatiale Internationale, en passant même par la mission privée SpaceX Inspiration4. Les chercheurs ont aussi analysé les résultats de la fameuse étude des jumeaux de la NASA, qui a suivi deux astronautes — l’un dans l’espace, l’autre sur Terre — en même temps. Un cas d’école.
« Avant, on voyait bien que le système immunitaire était perturbé, mais on ne savait pas vraiment pourquoi il fonctionnait moins bien là-haut », ajoute Winer. « Maintenant, avec des outils comme la multiomique, on peut enfin identifier les mécanismes précis et les signes de ce dysfonctionnement. »
Nos cellules sous la pression du cosmos
Ce nouveau guide nous dresse un portrait assez peu réjouissant de ce qui se passe dans notre corps là-haut. Les astronautes sont soumis à un stress constant, ça, on s’en doutait. Mais ce n’est que le début.
Les bactéries présentes dans leur intestin, ce qu’on appelle le microbiome, peuvent se modifier de manière totalement inattendue. Pire encore, de vieux virus qui dormaient tranquillement dans leur organisme depuis des années peuvent se réactiver et se mettre à causer des problèmes. C’est un peu comme si le corps baissait la garde.
Grâce à des outils de pointe comme l’analyse multiomique, qui permet de voir en détail comment nos cellules se comportent, les scientifiques peuvent observer ces changements à une échelle microscopique. Ils voient même comment chaque cellule, individuellement, réagit au vol spatial. C’est fascinant et un peu effrayant à la fois.
Comment protéger nos futurs explorateurs de l'espace ?
Identifier le problème, c’est bien. Trouver des solutions, c’est mieux. Et c’est la prochaine grande étape. L’équipe derrière cette étude ne se contente pas de faire un constat ; elle propose déjà des pistes pour l’avenir.
Les chercheurs évoquent plusieurs contre-mesures possibles pour protéger la santé des astronautes. Parmi elles, on trouve le suivi en temps réel de leur système immunitaire pendant les missions, ou encore le développement de vaccins spécialement conçus pour l’environnement spatial. L’idée est aussi de créer des plans de santé immunitaire personnalisés et d’utiliser l’intelligence artificielle pour identifier les nutriments qui pourraient aider le corps à mieux s’adapter.
D’ailleurs, le laboratoire du Dr Winer a récemment publié une étude qui a identifié un potentiel stimulant immunitaire : la quercétine. C’est un composé végétal qui pourrait aider à normaliser l’immunité en microgravité. Une piste très prometteuse.
La Lune, Mars et les microbes : les défis à venir
Ce guide ne se limite pas à l’orbite terrestre. Il se projette bien plus loin, vers la vie sur d’autres mondes. Les scientifiques se préparent déjà à étudier la santé des astronautes sur les futures stations spatiales, les bases lunaires et lors des missions martiennes.
L’une des priorités est la biobanque, c’est-à-dire la collecte et le stockage d’échantillons biologiques des astronautes pour suivre les changements sur le long terme. Mais de nouveaux environnements signifient de nouveaux risques. La poussière martienne, des radiations plus élevées, une gravité plus faible… tout cela pourrait modifier le fonctionnement de nos cellules immunitaires, et probablement pas pour le meilleur.
« Nous pouvons maintenant suivre précisément comment chaque cellule du système immunitaire s’adapte à l’espace et aux différents environnements planétaires », s’enthousiasme Christopher Mason, de Weill Cornell Medicine. « Cela peut guider la préparation des nouvelles missions et aider à garder les astronautes en sécurité. »
Conclusion : Le début d'une grande aventure scientifique
Le travail de l’astro-immunologie ne fait que commencer. La bonne nouvelle, c’est que de plus en plus de données sur la santé des astronautes arrivent, et les scientifiques les utilisent déjà pour construire des protections plus solides pour les futurs voyageurs de l’espace.
« L’étude de l’astro-immunologie en est encore à ses balbutiements », conclut le Dr Winer. « Nous pensons que cet article sert de guide pour les recherches futures sur l’un des systèmes corporels les plus touchés par le vol spatial. » Une chose est sûre, c’est une période incroyablement excitante pour la recherche spatiale. L’humanité se prépare à explorer les étoiles, et la science s’assure qu’elle le fera en bonne santé.
Selon la source : earth.com