La sixième extinction de masse est-elle vraiment à nos portes ? Une étude sème le doute
Auteur: Mathieu Gagnon
Depuis des années, on nous le répète sur tous les tons : la Terre serait en train de vivre sa sixième extinction de masse. Beaucoup d’experts s’accordent à dire que l’activité humaine a fait grimper la disparition des espèces à un rythme qu’on n’avait pas vu depuis l’époque des dinosaures. C’est une idée assez angoissante, n’est-ce pas ?
Pourtant, une nouvelle étude menée par l’Université de l’Arizona vient jeter un pavé dans la mare. Elle suggère que cette crise, bien que réelle, ne s’accélère peut-être pas aussi vite qu’on le croit. Une perspective qui change pas mal de choses.
Quand on regarde les chiffres de plus près
Les chercheurs, Kristen Saban et John Wiens, n’ont pas fait les choses à moitié. Ils ont épluché les données de près de deux millions d’espèces et se sont penchés sur 912 espèces disparues au cours des 500 dernières années. Un travail de titan.
Leur découverte la plus surprenante ? La plupart de ces extinctions ont eu lieu il y a plus d’un siècle et ont surtout touché des espèces vivant sur des îles, en particulier des mollusques et des vertébrés. La cause principale n’était pas le climat, mais plutôt l’introduction d’espèces envahissantes par les humains. Imaginez des rats, des cochons ou des chèvres débarquant sur une île comme Hawaï… pour les espèces locales qui n’avaient jamais connu de tels prédateurs, ce fut un carnage.
Pourquoi le passé n'est pas un bon guide pour l'avenir
C’est là que ça devient intéressant. John Wiens explique que les causes des extinctions d’hier sont très différentes des menaces d’aujourd’hui. « Il est donc problématique d’extrapoler ces anciens schémas au futur », dit-il. En gros, se baser sur le passé pour prédire l’avenir, c’est un peu comme essayer de conduire en ne regardant que dans le rétroviseur.
Avant, le coupable numéro un, c’étaient les espèces envahissantes sur les îles. Maintenant, la plus grande menace, et de loin, c’est la destruction des habitats sur les continents. Les forêts rasées, les rivières polluées… c’est ça, le vrai danger actuel. L’équipe a même été surprise de voir à quel point les extinctions passées étaient de mauvais indicateurs des risques présents.
Des destins très différents selon les espèces
L’étude montre aussi que toutes les espèces ne sont pas logées à la même enseigne. Les mollusques et les vertébrés ont été les plus durement touchés, alors que les plantes et les arthropodes (comme les insectes) s’en sont, pour l’instant, mieux sortis. Encore une fois, la géographie joue un rôle énorme : sur les îles, c’est l’envahisseur qui tue ; sur les continents, c’est la perte de territoire.
Un point particulièrement sensible soulevé par les chercheurs concerne les habitats d’eau douce. Ces écosystèmes fragiles ont été, et sont toujours, extrêmement vulnérables à l’impact de nos activités. C’est un point sur lequel il faut vraiment être vigilant.
Et le changement climatique, on en parle ?
L’une des conclusions qui pourrait faire tiquer, c’est que le changement climatique n’apparaît pas encore comme une cause majeure d’extinction… dans les données passées. Attention, ça ne veut pas dire que la menace n’existe pas ! Comme le souligne Wiens, « cela signifie simplement que les extinctions passées ne reflètent pas les menaces actuelles et futures ».
Il y a probablement un décalage dans le temps. Les effets dévastateurs du réchauffement climatique ne se sont peut-être pas encore pleinement manifestés. Pour avoir une idée de ce qui nous attend, les chercheurs ont examiné le statut de plus de 163 000 espèces selon l’Union Internationale pour la Conservation de la Nature (UICN). Et là, le tableau est clair : les menaces d’aujourd’hui sont bien la destruction de l’habitat et le climat de demain.
Une lueur d'espoir malgré tout
Contrairement à l’idée reçue, l’étude n’a trouvé aucune preuve que les taux d’extinction s’accélèrent. Au contraire ! « Nous montrons que les taux d’extinction ont atteint un pic il y a plusieurs décennies et ont même diminué depuis le début des années 1900 » pour les plantes, les arthropodes et les vertébrés terrestres, affirme Wiens.
Pourquoi cette baisse ? Eh bien, peut-être parce que les efforts paient. De nombreuses personnes et organisations se battent pour sauver des espèces. Et d’autres études le confirment : investir de l’argent dans la conservation, ça marche. C’est sans doute la meilleure nouvelle de cette recherche.
Conclusion : Repenser la crise pour mieux la combattre
Attention, il ne faut surtout pas comprendre que la crise de la biodiversité est terminée. Kristen Saban insiste : « La perte de biodiversité est un problème énorme, et nous n’avons pas encore vu tous ses effets ». L’important, c’est d’en parler avec précision et rigueur scientifique.
En fait, l’objectif de cette étude est de sortir du discours parfois trop alarmiste. Dire qu’on se prend un « astéroïde sur la tête » peut donner l’impression que le problème est insurmontable. Alors qu’en regardant les données froidement, on peut peut-être trouver des solutions plus efficaces. Comprendre précisément la menace, c’est le premier pas pour la combattre intelligemment. Et c’est peut-être ça, le message le plus constructif.
Selon la source : earth.com