Le secret des parasites du paludisme : de minuscules fusées dans nos cellules
Auteur: Mathieu Gagnon
Vous savez, le monde est plein de mystères, même à une échelle si petite qu’on ne peut la voir. Prenez le paludisme, cette maladie terrible. Elle est causée par un minuscule parasite, le Plasmodium falciparum. Chaque cellule de ce parasite abrite quelque chose de vraiment étrange : une petite poche remplie de cristaux de fer microscopiques. Et tant que le parasite est en vie, ces cristaux ne s’arrêtent jamais de bouger.
Imaginez une machine à laver en surrégime. Ils tourbillonnent, s’entrechoquent, dansent une gigue folle et chaotique. C’est un spectacle si rapide que les scientifiques n’arrivaient même pas à le suivre avec leurs instruments. Et puis, quand le parasite meurt, tout s’arrête. Le silence. Ce ballet incessant a intrigué les chercheurs pendant des décennies.
Un mystère qui a duré des dizaines d'années
Pendant très longtemps, cette agitation des cristaux de fer était une énigme. Les scientifiques savaient que ces cristaux étaient importants, car beaucoup de médicaments contre le paludisme les ciblent. Mais pourquoi bougeaient-ils comme ça ? Personne n’en avait la moindre idée. C’était un peu comme un sujet tabou dans le monde de la parasitologie. On n’aime pas trop parler de ce qu’on ne comprend pas, n’est-ce pas ?
Paul Sigala, un professeur de biochimie à l’Université de l’Utah, a bien résumé la situation : ce mouvement était si bizarre, si mystérieux, qu’il est resté un angle mort de la recherche pendant des décennies. On observait, on constatait, mais l’explication… elle restait hors de portée.
La grande découverte : du carburant de fusée !
Et puis, enfin, la lumière fut ! L’équipe du professeur Sigala a trouvé la réponse, et elle est pour le moins surprenante. Ce qui fait danser ces cristaux, c’est la même réaction chimique qui propulse les fusées dans l’espace. Oui, vous avez bien lu, des fusées !
Les chercheurs ont découvert que les cristaux déclenchent la décomposition du peroxyde d’hydrogène (vous savez, l’eau oxygénée qu’on utilise pour désinfecter les petites plaies) en eau et en oxygène. Cette réaction libère une petite explosion d’énergie, un « coup de pouce » qui met les cristaux en mouvement. C’est une forme de propulsion bien connue des ingénieurs aérospatiaux, mais qu’on n’avait, semble-t-il, jamais observée dans le monde biologique. Une première !
Comment les scientifiques ont-ils été si sûrs ?
Pour être certains de leur coup, les scientifiques ont mené des expériences très astucieuses. D’abord, ils ont isolé ces fameux cristaux de fer. Ils les ont sortis du parasite et les ont mis en présence de peroxyde d’hydrogène. Et bingo ! Les cristaux se sont mis à tourner tout seuls, sans avoir besoin du reste du parasite. La preuve était là.
Ensuite, ils ont fait l’inverse. Ils ont élevé des parasites dans un environnement avec très peu d’oxygène. Dans ces conditions, le parasite produit beaucoup moins de peroxyde d’hydrogène. Résultat ? Les cristaux ont ralenti, tournant à environ la moitié de leur vitesse normale, même si les parasites étaient en parfaite santé par ailleurs. Le lien de cause à effet était clairement établi.
Mais à quoi sert toute cette agitation ?
D’accord, ils tournent grâce à une réaction chimique, mais pourquoi le parasite se donne-t-il tout ce mal ? Les chercheurs ont deux idées principales. La première, c’est que cette agitation aide le parasite à se débarrasser d’un déchet très toxique : le peroxyde d’hydrogène lui-même. En le « brûlant » de cette façon, le parasite s’en protège.
La deuxième raison est liée à un autre déchet, le « hème », qui compose les cristaux. En maintenant les cristaux en mouvement constant, le parasite les empêche de s’agglutiner. Des cristaux séparés offrent plus de surface pour stocker rapidement de nouveaux déchets de hème. C’est une manière très efficace de faire le ménage à l’intérieur de sa propre cellule pour rester en vie.
Vers des robots microscopiques et de nouveaux médicaments
Cette découverte dépasse largement le simple cadre du paludisme. Ces cristaux sont le premier exemple connu dans la nature de nanoparticules métalliques qui se propulsent toutes seules. Cela pourrait inspirer la conception de robots microscopiques pour l’industrie ou même pour administrer des médicaments directement là où on en a besoin dans le corps.
Mais le plus important, c’est l’espoir que cela donne pour lutter contre le paludisme. Ce mécanisme de propulsion est totalement unique au parasite ; on ne trouve rien de tel dans nos propres cellules humaines. Cela en fait une cible idéale. Si on parvient à développer un médicament qui bloque cette réaction, on pourrait tuer le parasite sans provoquer d’effets secondaires dangereux pour le patient. Comme l’explique la chercheuse Erica Hastings, « si nous pouvons définir en quoi ce parasite est différent de notre corps, cela nous ouvre de nouvelles pistes pour des médicaments. »
Conclusion : Un petit pas pour un cristal, un grand pas pour la médecine
Voilà comment une vieille énigme scientifique a été résolue. Ce qui n’était qu’un étrange ballet de cristaux s’est révélé être un mécanisme de survie ingénieux, propulsé par une chimie digne des fusées spatiales. C’est une histoire fascinante, qui nous rappelle à quel point le monde vivant est plein de surprises.
Au-delà de la beauté de la découverte, c’est surtout une nouvelle porte qui s’ouvre. La possibilité de créer des traitements contre le paludisme plus efficaces et plus sûrs est maintenant un peu plus proche. Et tout ça, grâce à la curiosité de chercheurs qui se sont penchés sur la danse folle de quelques cristaux de fer invisibles à l’œil nu.
Selon la source : phys.org