Le secret des baleines boréales : comment ces géants des mers peuvent-ils vivre 200 ans ?
Auteur: Mathieu Gagnon
Imaginez un peu… un mammifère qui peut vivre jusqu’à 200 ans. C’est presque irréel, n’est-ce pas ? Eh bien, cet animal existe, c’est la baleine boréale. Un véritable titan des mers qui pèse plus de 80 000 kilos et qui a longtemps laissé les scientifiques perplexes. Comment diable fait-elle pour vivre si longtemps ?
Une étude récente vient enfin lever un coin du voile sur ce secret de longévité. Et ce qu’ils ont trouvé pourrait bien, un jour, nous aider à mieux vieillir nous aussi. C’est une histoire fascinante qui nous emmène des eaux glacées de l’Arctique jusqu’aux laboratoires les plus pointus.
Le paradoxe des géants
Normalement, plus un animal est grand et vit longtemps, plus il devrait avoir de risques de développer un cancer. C’est logique : plus de cellules, plus de divisions cellulaires, donc plus de chances qu’une mutation tourne mal. Pourtant, chez la baleine boréale, comme chez d’autres géants, ça ne se passe pas comme ça. C’est ce qu’on appelle le paradoxe de Peto.
Cette contradiction a poussé les chercheurs à se dire que la baleine boréale devait posséder des mécanismes de défense exceptionnels contre le cancer et les maladies liées à l’âge. Jusqu’à présent, on ne savait pas grand-chose. Comme le dit Zhiyong Mao, un biologiste moléculaire qui n’a pas participé à l’étude : « Tout le monde sait que la baleine boréale vit très longtemps, mais personne ne savait pourquoi ».
Une protéine activée par le froid
La clé du mystère semble se cacher dans une protéine. Une équipe de l’Université de Rochester a identifié une protéine activée par le froid qui aide à réparer l’ADN endommagé. Son petit nom ? CIRBP. Et tenez-vous bien, on la trouve à des niveaux beaucoup, beaucoup plus élevés chez les baleines boréales que chez n’importe quel autre mammifère. On parle de niveaux 100 fois supérieurs, ce n’est pas rien.
Cette protéine est particulièrement douée pour réparer les cassures double-brin de l’ADN – le genre de dégât qui peut vraiment mener à un cancer. Et le fait qu’elle soit activée par le froid prend tout son sens quand on pense à l’habitat de ces baleines… les eaux glaciales de l’Arctique ! « Si on baisse la température de quelques degrés, les cellules fabriquent plus de protéine CIRBP », explique le professeur Andrei Seluanov, co-auteur de l’étude.
De l'Arctique au laboratoire
Étudier une espèce menacée comme la baleine boréale, ce n’est pas simple. Les chercheurs ont dû compter sur des échantillons de tissus fournis par la communauté Iñupiat d’Alaska, qui est autorisée à chasser ces animaux dans le cadre de leurs traditions culturelles ancestrales.
Grâce à ces précieux échantillons, ils ont pu cultiver des cellules de baleine en laboratoire. Et là, surprise : ces cellules se sont révélées bien meilleures pour réparer l’ADN endommagé que nos propres cellules humaines. Elles avaient aussi un taux de mutation plus faible. C’est là que plusieurs protéines ont attiré leur attention, mais la CIRBP sortait vraiment du lot.
Et si c'était aussi une piste pour nous ?
Le plus fou dans tout ça, c’est que la protéine CIRBP, nous l’avons aussi chez les humains. Alors forcément, la question se pose : pourrait-on s’inspirer de la baleine pour vivre plus longtemps et en meilleure santé ? L’équipe a tenté l’expérience. Ils ont inséré la protéine de la baleine dans des cellules humaines, et leur capacité à réparer l’ADN s’est améliorée. Ils ont même fait le test sur des mouches (les drosophiles), et ça a prolongé leur durée de vie.
Vera Gorbunova, l’auteure principale de l’étude, est optimiste. Elle pense qu’on pourrait soit stimuler notre propre production de CIRBP, soit introduire directement la protéine. Elle suggère même, avec un sourire je suppose, que des changements de style de vie comme… prendre des douches froides pourraient y contribuer. C’est une idée à explorer !
Conclusion : Un espoir venu du grand froid
Bien sûr, il reste encore beaucoup de recherches à faire avant de crier victoire. On ne va pas tous se mettre aux bains glacés demain matin en espérant vivre 200 ans. Mais cette découverte est vraiment prometteuse. Elle montre à quel point il est crucial de bien entretenir notre génome pour vivre longtemps.
En étudiant le seul mammifère à sang chaud qui vit plus longtemps que nous, les scientifiques ont ouvert une porte incroyable. Peut-être qu’un jour, grâce à cette baleine géante et si âgée, nous pourrons améliorer la réparation de notre ADN, mieux résister au cancer et ralentir les effets du vieillissement. C’est une perspective assez vertigineuse, et tout ça, grâce à un secret bien gardé dans les profondeurs de l’océan Arctique.
Selon la source : iflscience.com