« Je suis l’allergène » : cette maladie rarissime qui rend les autres allergiques à vous
Auteur: Mathieu Gagnon
Quand le problème, c’est vous

On connaît tous quelqu’un qui est allergique à quelque chose. Les chats, le pollen, les arachides… Mais imaginez un instant que la situation soit inversée. Imaginez que ce soit vous qui déclenchiez des allergies chez les autres. Ça ressemble à un mauvais rêve, et pourtant, c’est la réalité pour une poignée de gens dans le monde.
Cette condition porte un nom qui en dit long : PATM, pour « People Allergic To Me » (les gens sont allergiques à moi). Une jeune femme de 23 ans, touchée par ce mal étrange, l’a résumé de façon poignante : « Je suis l’allergène ». Le plus dur dans tout ça ? Il n’existe aucun remède, aucun traitement. En fait, on commence à peine à comprendre de quoi il s’agit.
Un mystère né sur les forums internet

On peut dire ce qu’on veut d’internet, mais sans lui, le PATM serait probablement encore totalement inconnu. Les premières fois qu’on en a entendu parler, ce n’était pas dans des revues médicales sérieuses. Non, c’était sur des forums en ligne, aux alentours de 2007. Les médecins, eux, avaient tendance à balayer ça d’un revers de main, pensant que c’était dans la tête des gens.
« Je vis cet enfer depuis 5 ans – je déclenche des allergies chez les autres », écrivait une personne à l’époque. Elle décrivait comment les gens se mettaient à renifler, tousser, éternuer en sa présence, comme s’ils étaient entourés de poussière. Pendant des années, ces témoignages sont restés confinés à internet. Il a fallu attendre près de dix ans pour qu’une chercheuse indépendante, Irene Gabashvili, commence à s’y intéresser sérieusement, en faisant un lien avec le biome intestinal des malades.
La piste des gaz corporels

On ne s’en rend pas compte, mais nous dégageons tous un nuage de gaz qui en dit long sur notre santé. C’est pas nouveau, d’ailleurs. Déjà dans la Grèce antique, les médecins sentaient l’haleine de leurs patients pour trouver des indices sur leurs maladies. Ces gaz, ce sont ce qu’on appelle des composés organiques volatils, ou COV.
Ce sont en quelque sorte les déchets de notre corps, produits quand il transforme la nourriture en énergie. On les évacue en respirant, mais aussi directement par la peau. Et c’est là que ça devient intéressant. Selon le professeur Kohji Mitsubayashi, un chercheur japonais, la peau est un excellent moyen de surveiller ces COV en continu. Alors, quel est le rapport avec le PATM ? Des chercheurs ont eu l’idée d’aller voir de plus près les gaz émis par la peau des personnes atteintes.
La découverte d’une substance bien connue

En 2023, une équipe au Japon a analysé les gaz cutanés de personnes souffrant de PATM. Et là, surprise. Parmi les 75 gaz étudiés, un en particulier sortait du lot : le toluène. Vous connaissez sûrement son odeur, c’est ce qui donne aux diluants à peinture et aux marqueurs permanents leur parfum si particulier… et si nocif.
Les niveaux de toluène trouvés chez les personnes atteintes de PATM étaient presque 40 fois plus élevés que la normale. Pourquoi ça fait éternuer les autres ? Parce que le toluène est un irritant connu pour les yeux, la peau et les voies respiratoires. Normalement, notre corps s’en débarrasse. « Il est métabolisé par le foie et excrété dans l’urine », explique le professeur Yoshika Sekine, co-auteur de l’étude. Mais chez les patients PATM, ce processus semble ne pas bien fonctionner. Le toluène s’accumule dans leur sang et finit par être libéré par la peau.
Une vie d’isolement et de souffrance

Savoir d’où vient le problème est une chose. Le régler en est une autre. Et malheureusement, pour ceux qui vivent avec le PATM, la réponse est simple : pour l’instant, on ne peut pas faire grand-chose. La maladie est si rare, si nouvelle pour la science, qu’il n’y a tout simplement pas de traitement.
« Avec le PATM, les médecins disent que même si vous voulez être testé, il n’y a pas de diagnostic », a confié une malade. Certains ont remarqué que leur alimentation (sucre, viande, produits laitiers) pouvait jouer un rôle, mais rien n’est prouvé. Le coût psychologique est immense. Les gens se sentent exclus, coupables, déprimés, certains pensent même au suicide. « Ça vous anéantit, d’une manière que rien d’autre ne peut faire », a raconté une autre personne. « La réalité est si triste. Je ne peux même pas aller au parc du coin, je ne peux rien faire. »
Conclusion : Un espoir malgré tout ?

Alors, que retenir de tout ça ? D’abord, que le PATM n’est pas une maladie imaginaire. Il y a maintenant une preuve physique, une cause probable, le toluène. C’est une immense validation pour des personnes qui ont souvent été traitées de paranoïaques. Rien que ça, c’est déjà une petite victoire.
Cependant, le chemin est encore très long. Trouver un traitement ou un remède prendra du temps, beaucoup de temps. La recherche doit continuer pour comprendre pourquoi leur corps n’arrive pas à éliminer cette substance. En attendant, ces personnes continuent de vivre dans l’ombre, espérant qu’un jour la science leur permettra de se rapprocher des autres sans les faire éternuer. Leur histoire nous rappelle à quel point il est important d’écouter et de croire ceux qui souffrent, même quand leur mal nous semble… incroyable.