La conscience : et si nous avions tout faux sur son origine dans le cerveau ?
Auteur: Mathieu Gagnon
On a longtemps pensé, et on nous l’a souvent répété, que ce qui nous rend vraiment humains – notre capacité à penser, à parler, à rêver – se nichait dans la partie la plus récente de notre cerveau, le fameux néocortex. C’est un peu comme si l’on disait que toute notre personnalité se trouvait dans le grenier d’une vieille maison. Mais un neuroscientifique, Peter Coppola, vient tout chambouler. Et si la véritable étincelle de la conscience venait d’ailleurs ? D’une partie bien plus ancienne, bien plus profonde de notre crâne ?
Cette question, qui peut sembler un peu technique, a en réalité des conséquences immenses, notamment pour les personnes dans le coma ou dans ce qu’on appelle un état végétatif. C’est une porte ouverte sur une nouvelle façon de comprendre ce que signifie être conscient.
Le 'vieux cerveau' contre le nouveau
Pour bien comprendre, il faut imaginer notre cerveau en deux parties. D’un côté, il y a le néocortex, cette couche extérieure qui gère la logique, le langage, bref, tout ce qui nous semble sophistiqué. Il est apparu il y a environ 200 millions d’années. Mais bien en dessous, il y a un système beaucoup plus ancien, le tronc cérébral et ses connexions, qui existe depuis un demi-milliard d’années, bien avant les dinosaures. C’est lui qui s’occupe des choses de base : la faim, la respiration, la douleur… le B.A.-ba de la survie, en somme.
Pendant des décennies, la science a un peu snobé cette vieille machinerie, la considérant comme primitive. Coppola, lui, pense que c’est là que tout commence. Que la conscience fondamentale, le simple fait de ‘sentir’ qu’on existe, pourrait y résider.
Des cas étranges qui font réfléchir
Ce qui rend l’idée de Coppola si crédible, ce sont les preuves qu’il a rassemblées. Il a examiné des études sur plus d’un siècle. Et des schémas troublants apparaissent. Par exemple, des personnes nées sans une grande partie de leur cortex cérébral pouvaient quand même sourire, reconnaître de la musique ou même jouer. Comment est-ce possible si le cortex est censé tout contrôler ?
Plus fort encore : des animaux dont on avait retiré le cortex continuaient de s’occuper de leurs petits ou d’apprendre des choses. À l’inverse, quand des scientifiques stimulaient ou endommageaient les régions plus anciennes comme le tronc cérébral, ils pouvaient littéralement ‘allumer’ ou ‘éteindre’ la conscience de leurs sujets, ou même provoquer des hallucinations. Pour Coppola, la conclusion est claire : le vieux cerveau suffit pour une conscience de base, et le néocortex ne ferait que l’enrichir, la peaufiner.
Et si les animaux étaient bien plus conscients qu'on ne le pense ?
Si la conscience ne dépend pas forcément de notre cerveau ‘moderne’, alors ça ouvre des perspectives vertigineuses. Qu’en est-il du monde animal ? On a souvent tendance à les voir comme des êtres d’instinct, mais peut-être que leur expérience subjective est bien plus riche que ce que nous imaginons. Bien sûr, comme le dit Coppola, c’est difficile de comparer. Leur soif est-elle comme la nôtre ? Probablement. Mais leur vision du monde, modifiée par un cortex différent ou absent, reste un mystère.
Cette idée n’est pas totalement nouvelle. Un autre chercheur, Jaak Panksepp, avait déjà suggéré que les émotions prenaient racine dans ces circuits très anciens. C’est un peu comme découvrir que les fondations de notre maison sont bien plus vastes et importantes qu’on ne le croyait.
Un débat loin d'être clos : la conscience est-elle un lieu ou un réseau ?
Évidemment, tout le monde n’est pas d’accord. Un autre scientifique, Juan Sánchez-Ramos, pense que chercher ‘où’ se trouve la conscience est une erreur. Pour lui, elle ne réside pas dans un quartier précis du cerveau. Non, elle émergerait de la collaboration de plusieurs régions, un peu comme une symphonie qui n’existe que lorsque tous les musiciens jouent ensemble. Le ‘vieux cerveau’ et le néocortex seraient indissociables.
Il prend pour exemple les effets des drogues psychédéliques, qui montrent bien que de vastes réseaux cérébraux doivent coopérer pour créer notre réalité. C’est une vision différente, qui voit la conscience comme un processus dynamique plutôt qu’une fonction localisée. Au fond, la science est encore en train de tâtonner. Il existe plus de 200 théories sur la conscience… c’est dire si le mystère reste entier.
Conclusion : Prendre soin de nos racines pour éclairer notre esprit
Au final, que retenir de tout ça ? L’idée de Peter Coppola est fascinante car elle nous ramène à l’essentiel. Si l’étincelle de notre conscience dépend de ces circuits si anciens, alors prendre soin des fonctions les plus basiques de notre corps – bien respirer, bien dormir, bien manger – pourrait être tout aussi crucial pour notre bien-être mental que la pensée la plus élaborée.
Cela nous rappelle que nous sommes des êtres biologiques avant tout. Peut-être que le secret d’une conscience claire et apaisée ne se trouve pas uniquement dans la philosophie ou la psychologie, mais aussi, et tout simplement, dans le respect des rythmes fondamentaux de notre corps. Une pensée à la fois simple et, je trouve, profondément réconfortante.
Selon la source : popularmechanics.com