La peur : cet héritage de nos ancêtres qui nous protège autant qu’il nous paralyse
Auteur: Mathieu Gagnon
La peur, on la connaît tous. Elle est là, tapie dans un coin de notre tête. Peur pour nos enfants, peur avant un examen médical, et même, soyons honnêtes, peur de cette araignée dans la salle de bain. La liste pourrait continuer encore et encore. Mais d’où vient-elle ? Pour Arash Javanbakht, un psychiatre qui a passé sa vie à étudier le sujet, c’est simple : c’est un cadeau de nos ancêtres. Un mécanisme de survie. Le problème, c’est que nos cerveaux, parfois, en font un peu trop. Ils nous surprotègent et déclenchent ce que le spécialiste nomme des « alertes inadaptées » à notre monde moderne. En gros, notre système d’alarme interne se met en route pour un rien.
Apprivoiser la bête plutôt que la fuir
Lui-même a dû faire face à sa propre peur. Un jour, en pleine randonnée, le vertige l’a saisi. Sa réaction ? Au lieu de faire demi-tour, il a insisté. Sa philosophie est assez directe : « Si j’ai peur de quelque chose alors que ce n’est pas dangereux, j’y vais. » Pourquoi ? Parce que, selon lui, l’évitement ne fait qu’aggraver les choses. La peur prend plus de place, elle s’installe confortablement. Loin de vouloir l’éliminer, il nous invite plutôt à la connaître, à l’apprivoiser. Et même, parfois, à y trouver une certaine forme d’excitation, un moteur.
Faire la différence entre peur et anxiété
Il y a une distinction capitale à faire, et on a tendance à tout mélanger. La peur, la vraie, c’est une réaction immédiate face à un danger bien réel, identifiable. Un gros chien qui aboie, le vide sous nos pieds… c’est clair, net, précis. L’anxiété, c’est tout autre chose. C’est plus flou, plus diffus. C’est une anticipation. On s’inquiète pour des choses qui ne sont pas encore arrivées, et qui n’arriveront peut-être jamais. Le Dr Javanbakht le dit bien : « Nous craignons des choses floues et avons l’illusion que s’inquiéter nous prépare au pire. » Une illusion, voilà le mot juste.
Comment dialoguer avec sa sentinelle intérieure ?
Alors, on fait quoi ? On ne peut pas juste décider d’arrêter d’avoir peur, ce serait trop simple. Ce n’est pas un organe malade qu’on peut enlever. C’est une partie de nous. L’idée, c’est d’apprendre à vivre avec cette sentinelle qui veille au grain. Le psychiatre propose une astuce toute simple : quand l’angoisse monte, demandez-vous ce qu’un ami de confiance, quelqu’un de sage, vous conseillerait à ce moment précis. Ce petit pas de côté permet souvent de voir les choses plus clairement. Une autre technique : mettre un nom sur ce qu’on ressent. Identifier l’émotion, la nommer, c’est déjà lui enlever une partie de son pouvoir.
S'informer, s'exposer, et reprendre le contrôle
La connaissance est une arme redoutable contre l’anxiété. Vous avez peur des requins ? Renseignez-vous sur la probabilité réelle de se faire attaquer. C’est souvent bien moins élevé que ce qu’on imagine. Savoir, ça redonne un sentiment de contrôle. Et puis, il y a l’exposition. Progressive, bien sûr. Il ne s’agit pas de sauter dans un bassin rempli de requins. Mais plus on évite ce qui nous angoisse, plus on lui donne de la force. C’est un cercle vicieux. Plus on évite, plus la peur gagne du terrain. C’est aussi simple, et compliqué, que ça.
Le curieux plaisir d'avoir peur
Et les films d’horreur dans tout ça ? Les montagnes russes ? Pourquoi on se jette volontairement dans la gueule du loup ? C’est une excellente question. La réponse est fascinante : la frontière entre la peur et l’excitation est incroyablement mince. Les sensations physiques – le cœur qui bat la chamade, la respiration qui s’accélère – sont presque les mêmes. La différence fondamentale, c’est qu’on sait qu’on est en sécurité. On peut donc profiter de cette montée d’adrénaline sans aucun risque réel. C’est un peu comme un jeu, finalement.
Conclusion : Reprendre les rênes de sa vie
Au final, le message est clair : il faut éviter de devenir prisonnier de ses propres craintes. La liberté, c’est ce qu’on a de plus précieux. Être prudent, c’est un choix. Mais le faire parce que la peur nous y oblige, c’est une autre histoire. L’important, c’est de ne pas la laisser prendre le volant de notre vie. Et surtout, il faut se souvenir d’une chose essentielle : la peur et l’anxiété ne sont jamais des signes de faiblesse. C’est un sentiment humain, universel, que beaucoup de gens ressentent en silence. Juste le fait de s’autoriser à l’éprouver, sans se juger, c’est déjà un grand pas pour en alléger le poids et, petit à petit, reprendre le pouvoir sur soi-même.
Selon la source : slate.fr