Ce qui a vraiment décimé l’armée de Napoléon en Russie : de nouvelles découvertes
Auteur: Mathieu Gagnon
Un désastre historique qui n’a pas encore livré tous ses secrets

Tout le monde, ou presque, a entendu parler de la funeste campagne de Russie menée par Napoléon Bonaparte. On nous l’apprend à l’école, c’est devenu une sorte d’expression pour dire qu’il ne faut jamais, au grand jamais, tenter d’envahir la Russie par la terre. Un conseil de bon sens, rétrospectivement. En 1812, l’Empereur y a conduit près de 600 000 hommes. À peine 30 000 sont revenus… Un carnage.
On a longtemps cru tout savoir sur les raisons de cette hécatombe. Le froid mordant, la faim, les batailles, bien sûr. Mais il s’avère que les livres d’histoire n’avaient pas toute l’histoire. C’est fou de se dire qu’après plus de deux siècles, la science arrive encore à nous surprendre et à lever le voile sur des détails qui changent notre perception des choses.
On accusait le froid, la faim et le typhus

Jusqu’à présent, on attribuait principalement la mort de ces centaines de milliers de soldats au trio infernal : le combat, la famine et le fameux « général Hiver ». Et puis, il y avait la maladie. On parlait de la « fièvre des camps », ce fléau qui se propageait comme une traînée de poudre dans les armées en campagne. On sait aujourd’hui qu’il s’agissait du typhus.
Un médecin de l’armée de l’époque, un certain Joseph Romain Louis de Kirckhoff, avait d’ailleurs bien décrit la situation dans ses mémoires. Il pointait du doigt les « vêtements sales, la mauvaise nourriture, l’épuisement et le surpeuplement ». Franchement, pas besoin d’être un grand savant pour imaginer le tableau. C’était le cocktail parfait pour une épidémie dévastatrice.
Quand les dents des soldats se mettent à parler

L’histoire a pris un tournant inattendu en 2001, quand une fosse commune a été découverte en Lituanie, pleine de restes de ces malheureux soldats. C’est là que la science moderne entre en jeu. En 2006, une première équipe de chercheurs a analysé la pulpe dentaire de ces squelettes. Pourquoi les dents ? Parce qu’elles sont comme de petites capsules temporelles qui protègent l’ADN des microbes pendant des siècles.
Et bingo. Ils y avaient trouvé la bactérie responsable du typhus, la Rickettsia prowazekii. C’était la confirmation scientifique de ce que les historiens suspectaient. On pensait l’affaire classée. Mais c’était sans compter sur les progrès fulgurants de la technologie.
Deux nouveaux tueurs silencieux identifiés

Une nouvelle étude, tout juste publiée, a décidé de réexaminer ces mêmes restes, mais avec des outils bien plus puissants. Et là, surprise ! Les chercheurs ont mis en évidence la présence de deux autres agents pathogènes. Des sales bêtes, pour parler franchement. La première, c’est la Salmonella enterica, qui provoque ce qu’on appelle la fièvre paratyphoïde. La seconde, Borrelia recurrentis, est la cause de la fièvre récurrente, une maladie transmise par les poux.
Ce que ça change ? Eh bien, tout. Le typhus n’était pas le seul monstre invisible à décimer les rangs. Les soldats de Napoléon étaient en fait attaqués par plusieurs maladies en même temps. Rémi Barbieri, l’auteur principal de l’étude, l’a dit lui-même : on a maintenant la preuve directe que plusieurs maladies infectieuses différentes étaient présentes sur ce site.
Une technologie de pointe pour éclairer le passé

Comment ont-ils fait ? Ils ont utilisé une méthode appelée « séquençage à haut débit ». Sans entrer dans des détails trop compliqués, c’est une technique qui permet de lire des millions de fragments d’ADN en même temps, même s’ils sont très anciens et abîmés. C’est un peu comme reconstituer un puzzle gigantesque dont on n’aurait que des pièces minuscules et dégradées.
Grâce à cela, on obtient une image beaucoup plus claire des maladies qui circulaient à l’époque. Nicolás Rascovan, qui a supervisé ces travaux, explique que cela nous aide non seulement à comprendre le passé, mais aussi à voir comment des événements historiques ont pu façonner le paysage des maladies infectieuses que nous connaissons aujourd’hui. C’est fascinant, non ?
Conclusion : L’histoire, une enquête sans fin

Finalement, cette découverte nous rappelle une chose essentielle : l’histoire n’est jamais figée. Elle est constamment réécrite, ou plutôt, précisée, grâce à de nouveaux outils. La retraite de Russie n’était pas seulement une défaite militaire contre les hommes et le climat, c’était aussi une guerre perdue contre un ennemi invisible et multiple : les microbes.
Ces soldats ne sont pas morts d’une seule cause, mais d’un ensemble de conditions terribles qui ont permis à plusieurs maladies de prospérer. Cette étude ne contredit pas les précédentes, elle les enrichit. Et qui sait ce que de futures analyses nous apprendront encore ? Une chose est sûre, la science nous donne une leçon d’humilité et nous rapproche, un peu plus, de la vérité de ces événements tragiques. Et elle confirme, si besoin était, le fameux conseil : n’essayez jamais d’envahir la Russie par la terre.