Sur une île perdue du mexique, ces iguanes ont échappé de justesse à l’extermination
Auteur: Adam David
Un coupable désigné à tort

Sur l’île Clarion, un confetti volcanique perdu dans le Pacifique, un drame écologique a bien failli se jouer. Pendant des décennies, l’iguane à queue épineuse y a été considéré comme un intrus, une espèce invasive menaçant un écosystème fragile. Mais une découverte scientifique récente vient de réécrire toute l’histoire, leur sauvant la vie in extremis.
Clarion, un laboratoire naturel à ciel ouvert

À plus de 700 kilomètres des côtes mexicaines, Clarion n’est pas une île comme les autres. C’est la plus ancienne de l’archipel des Revillagigedo, un sanctuaire de biodiversité souvent comparé aux Galápagos. Née du feu des volcans il y a cinq millions d’années, elle abrite une faune et une flore uniques. C’est dans ce décor que vit le fameux iguane, dont la présence a longtemps posé question.
Quand l’ADN raconte une tout autre histoire

L’hypothèse la plus simple semblait la bonne : l’homme avait dû introduire ces reptiles, peut-être accidentellement via des bateaux. Une erreur de jugement, comme vient de le prouver une étude génétique publiée dans Ecology and Evolution. L’ADN a parlé, et son verdict est sans appel. Les iguanes de Clarion se sont en fait séparés de leurs cousins du continent il y a environ 425 000 ans.
Leur arrivée n’a donc rien d’humain. Ils ont probablement dérivé sur des radeaux de végétation, parcourant plus de 1 100 kilomètres sur l’océan. Un exploit de survie qui précède de loin l’arrivée de l’Homme sur le continent américain.
L’extermination programmée, un projet stoppé net

Cette révélation n’est pas qu’une simple correction dans les manuels de biologie. Elle a eu des conséquences très concrètes. Parce qu’ils étaient considérés comme envahissants, ces reptiles étaient sur la liste des espèces à éradiquer. Un programme de restauration écologique, bien intentionné mais basé sur une fausse prémisse, prévoyait leur extermination pure et simple. Sans cette étude, une population animale parfaitement légitime aurait été anéantie par la main de l’homme, au nom de la protection de la nature.
Comment une illusion d’optique a failli leur coûter la vie

Mais comment a-t-on pu se tromper à ce point ? L’erreur vient, ironiquement, d’autres introductions humaines bien réelles celles-ci. L’arrivée de moutons, de cochons et de lapins sur l’île a ravagé la végétation. Or, ces iguanes sont semi-arboricoles ; privés de leur habitat en hauteur, ils sont devenus beaucoup plus visibles au sol. Ce qui a été perçu comme une explosion démographique n’était en réalité qu’un changement de comportement forcé. Ils n’étaient pas plus nombreux, juste plus faciles à voir.
De nuisible à trésor évolutif

Leur statut a radicalement changé. D’espèce à abattre, l’iguane de Clarion est désormais considéré comme une « unité évolutivement significative ». En clair, c’est une population unique qui mérite d’être étudiée et protégée en priorité. D’autres analyses génétiques sont prévues pour mieux cerner leur particularité et leur état de santé. Une réhabilitation en bonne et due forme, qui rappelle que la nature est souvent plus complexe qu’il n’y paraît.
Conclusion : la prudence, mère de la conservation

Cette histoire sonne comme un avertissement. Elle démontre, comme le souligne l’un des chercheurs, Daniel G. Mulcahy, « l’importance de la recherche génétique pour la conservation ». Avant de vouloir réparer un écosystème que l’on croit déséquilibré, encore faut-il être sûr de son diagnostic. Les iguanes de Clarion, citoyens de longue date de leur île, nous rappellent une leçon d’humilité : la nature n’aime pas les jugements hâtifs.