L’ennemi invisible de la préhistoire

La peste cachée dans nos dents

Le tableau qui se dessine est celui d’une maladie endémique, présente bien avant les grandes cités ou l’agriculture intensive que l’on pensait être ses berceaux. Une histoire qui commence bien plus tôt qu’on ne l’imaginait.
Un tueur qui n’avait pas besoin des puces

La preuve la plus déroutante vient des rives du lac Baïkal. Là, des chercheurs ont trouvé des traces du pathogène dans des cimetières de chasseurs-cueilleurs, avec des taux d’infection frôlant les 40%. Des familles entières fauchées ensemble, loin des animaux domestiques et de la promiscuité des villes. Le mythe de l’épidémie comme seule conséquence de la sédentarisation s’effondre.
Quand les os racontent l’hécatombe

Cette période coïncide avec l’arrivée en Europe de l’Ouest des Yamnayas, des pasteurs venus des steppes eurasiennes. On a longtemps pensé qu’ils avaient importé la maladie. C’est en partie vrai, car leur mode de vie et leurs troupeaux ont favorisé la circulation de nouveaux microbes. Mais le puzzle est plus complexe : la peste était déjà là, attendant son heure. En Écosse et en Suède, des cas ont été identifiés chez des agriculteurs locaux, sans aucun lien génétique avec les nouveaux arrivants.
Le grand déclin : l’Europe à genoux

Cet arsenal génétique s’est forgé sur un champ de ruines. Entre 5500 et 4500 ans, l’Europe de l’Ouest a connu un effondrement démographique brutal, le « déclin néolithique ». Les terres agricoles ont été abandonnées, les forêts ont regagné du terrain. Longtemps attribué à des crises climatiques ou alimentaires, ce recul massif pourrait bien avoir été déclenché, ou du moins aggravé, par une succession de pandémies. La peste, mais sans doute aussi d’autres maladies, a mis le continent à genoux.
Notre héritage immunitaire, un pacte à double tranchant

C’est un héritage paradoxal. Pour survivre aux fléaux d’hier, notre système immunitaire est devenu plus agressif. Un peu trop, parfois, au point de se retourner contre notre propre corps dans le monde moderne. L’écho de ces épidémies millénaires résonne encore dans notre biologie.
Conclusion : une histoire réécrite par le microbe

En replaçant le microbe au cœur de l’équation, c’est toute notre vision de la fin de la préhistoire qui est amenée à changer. L’histoire de l’Europe n’est pas seulement celle des hommes, mais aussi celle de leur longue, et parfois terrible, cohabitation avec le monde invisible des pathogènes.