Nos requins extraordinaires disparaissent, est-il encore temps de les sauver ?
Auteur: Mathieu Gagnon
Un cri d’alarme silencieux sous les vagues

Imaginez un peu… Les requins sillonnent nos océans depuis plus de 400 millions d’années. C’est un temps si long qu’il est difficile à concevoir. Ils ont survécu à des extinctions massives, à des changements climatiques radicaux. Et pourtant, aujourd’hui, ils font face à une menace qu’ils ne pourront peut-être pas surmonter : nous, les humains.
La surpêche, la pollution, la destruction de leur habitat… tout cela a poussé environ un tiers des 500 espèces de requins connues au bord de l’extinction. C’est une bien triste nouvelle pour les océans, et aussi pour nous.
Ce ne sont pas les plus célèbres qui souffrent le plus

Quand on pense aux requins en danger, on imagine tout de suite le grand requin blanc ou le requin-marteau. Mais en réalité, le danger est encore plus grand pour d’autres. Une étude récente nous apprend que les espèces les plus menacées sont souvent les plus… originales. Celles qui vivent dans les profondeurs abyssales ou qui ont des régimes alimentaires très spécifiques.
Si ces requins uniques disparaissent, on ne perd pas juste un nom sur une liste. On perd des comportements, des rôles écologiques que personne d’autre ne peut remplir. C’est tout un pan de la vie qui s’efface.
Les dents des requins nous racontent une histoire

Comment les scientifiques peuvent-ils savoir tout ça ? Eh bien, des chercheurs de l’Université de Stanford se sont penchés sur un groupe de requins appelé Carcharhinus. Dans ce groupe, on trouve des noms connus comme le requin bouledogue ou le requin longimane, deux prédateurs puissants qui sont, malheureusement, très menacés.
Pour comprendre le risque, ils ont analysé plus de 1 200 dents, fossiles et modernes. C’est incroyable ce qu’une dent peut révéler ! Sa taille donne une idée de la corpulence de l’animal, et sa forme nous dit ce qu’il aimait manger. En étudiant ces indices, ils ont découvert une tendance inquiétante : les requins qui sortent de l’ordinaire sont les plus susceptibles de disparaître.
Un monde plus… ennuyeux sans eux

Pourquoi est-ce que ça compte ? C’est assez simple, finalement. Un requin plus grand que la moyenne a besoin de beaucoup de nourriture. Si ses proies se font rares, il est en danger. Un requin très spécialisé, qui vit dans un type de lieu bien précis, comme une côte peu profonde, ne s’adapte pas facilement si cet environnement est abîmé.
Du coup, les survivants risquent d’être les requins de taille moyenne, pas trop difficiles, qui vivent au milieu de l’océan. Comme l’a dit un des chercheurs, Mohamad Bazzi, si cela arrive, « le monde deviendra plus ennuyeux, avec moins de diversité ». Même les petites différences entre les espèces comptent. Chacune apporte quelque chose d’unique.
Nous perdons bien plus que des animaux

Cette perte d’originalité n’est pas qu’une question d’esthétique. Cela touche au fonctionnement de tout l’écosystème. On l’a déjà vu ailleurs : quand les vautours ont décliné en Asie du Sud, des maladies ont augmenté. Quand les prédateurs des oursins ont disparu, les récifs coralliens en ont beaucoup souffert.
Jonathan Payne, un autre professeur de Stanford, explique que nous risquons de perdre des caractéristiques uniques : des structures corporelles, une résistance aux maladies, des stratégies de chasse… qui pourraient un jour nous inspirer pour de nouvelles technologies ou des médicaments. La nature est un professeur formidable. En la laissant se dégrader, nous perdons non seulement des animaux, mais aussi des connaissances précieuses. C’est comme si on effaçait des millions d’années d’évolution.
Conclusion : Tout n’est pas perdu, nous pouvons encore agir

Cette histoire, cette tendance à voir disparaître ce qui est rare au profit de ce qui est « moyen », on l’observe partout, chez les oiseaux, les reptiles, et même les plantes. Ça appauvrit notre monde. Mais il n’est pas trop tard pour changer de cap. La plus grande menace pour les requins, c’est la surpêche, et ça, c’est quelque chose que nous pouvons contrôler.
On a déjà sauvé des espèces qui étaient au bord du gouffre. Pensez à l’éléphant de mer du Nord. Au 19ème siècle, il n’en restait qu’une vingtaine ! Aujourd’hui, grâce à l’interdiction de la chasse, ils sont environ 150 000. C’est la preuve que nos efforts peuvent payer, et plus vite qu’on ne le pense.
Comme le dit le professeur Payne, ce n’est pas théorique. Si nous agissons maintenant, nous pourrions voir des changements positifs en quelques décennies seulement. En arrêtant la surpêche, nous pouvons espérer que les océans gardent leurs requins étranges et merveilleux, pour notre plus grand bien à tous.