L’Amazonie en surchauffe : des températures record dans les lacs déciment la faune
Auteur: Mathieu Gagnon
Une tragédie silencieuse au cœur de l’Amazonie

En 2023, une image terrible a fait le tour du monde, celle de la mort de centaines d’animaux aquatiques en Amazonie. Ce n’était pas une maladie, mais bien la chaleur. Au cours d’une sécheresse et d’une canicule d’une violence inouïe, les lacs amazoniens ont littéralement bouilli. On a enregistré des températures jamais vues, grimpant jusqu’à 41 degrés Celsius. C’est plus chaud que la température de notre corps !
Le bilan est lourd, très lourd : des milliers d’animaux aquatiques ont péri, dont des dizaines de dauphins de rivière, ces créatures si emblématiques. Un véritable drame écologique qui nous force à regarder la réalité en face.
Quand la science tire la sonnette d’alarme

Les scientifiques savaient que l’Amazonie se réchauffait, mais l’événement de 2023 a dépassé toutes les craintes. La découverte de plus de 200 carcasses de dauphins d’eau douce flottant dans le lac Tefé a provoqué un électrochoc. Ça a poussé les chercheurs à agir, et vite.
Une équipe menée par Ayan Fleischmann, de l’Institut Mamirauá pour le développement durable au Brésil, s’est immédiatement mise au travail. Ils ont mesuré les températures directement dans dix lacs amazoniens pendant la sécheresse, analysé des données satellites de 24 lacs sur les trente dernières années, et même utilisé des modèles informatiques pour comprendre le pourquoi du comment de cette chaleur extrême.
Des températures tout simplement invivables

Les résultats de leur étude, publiée dans la prestigieuse revue Science, font froid dans le dos. Dans la moitié des lacs étudiés, la température a dépassé les 37 degrés Celsius. Pour les poissons et les autres animaux, c’est une fournaise.
Mais ce n’est pas tout. Ils ont aussi constaté d’énormes variations de température au cours d’une même journée, jusqu’à 13 degrés d’écart ! Imaginez le stress thermique… C’est comme passer son temps à entrer et sortir d’un bain brûlant. Absolument épuisant et mortel pour des organismes non préparés à de tels chocs.
Le cocktail fatal : comment en est-on arrivé là ?

Alors, comment une telle catastrophe a-t-elle pu se produire ? D’après les modèles informatiques, c’est une sorte de « tempête parfaite » de plusieurs facteurs. Un véritable engrenage fatal.
D’abord, un rayonnement solaire extrêmement fort. Ensuite, un niveau d’eau historiquement bas à cause de la sécheresse. Ajoutez à cela une eau trouble, qui absorbe la chaleur du soleil au lieu de la réfléchir, et pour finir, très peu de vent pour rafraîchir la surface. C’est un peu comme une casserole qu’on laisse chauffer à feu vif sans jamais remuer. Le pire, c’est que la chaleur a atteint le fond du lac Tefé, ne laissant aucune chance aux dauphins et aux poissons de trouver un refuge en profondeur.
Ce n’est pas qu’un accident de parcours

On pourrait être tenté de penser que 2023 était juste une année exceptionnellement mauvaise, un coup de malchance. Malheureusement, les données montrent autre chose. Cet événement dramatique s’inscrit dans une tendance de fond bien plus inquiétante.
Les chercheurs ont calculé que la température des lacs amazoniens a augmenté de 0,6 degré Celsius par décennie au cours des 30 dernières années. Ça peut paraître peu, mais c’est une hausse énorme et rapide pour un écosystème aquatique. La catastrophe de 2023 n’est donc pas une anomalie, mais plutôt un aperçu de ce qui risque de devenir la nouvelle norme.
Un avertissement pour l’avenir de la planète

Le message des scientifiques est limpide : alors que le changement climatique ne montre aucun signe de ralentissement, ces épisodes de chaleur extrême vont probablement devenir de plus en plus fréquents. Ce que nous avons vu en Amazonie est une menace majeure pour la biodiversité, mais aussi pour les populations qui dépendent de ces eaux.
Les auteurs de l’étude appellent à une action urgente. Il est devenu impératif de surveiller en permanence ces écosystèmes si fragiles. Les lacs comme Tefé et Coari sont ce qu’ils appellent des « sentinelles du changement climatique ». Ils nous alertent sur les dangers à venir. C’est un appel à l’aide de la nature, et on ferait bien de l’écouter attentivement avant qu’il ne soit trop tard.