Passé le cap de la cinquantaine, la prostate, cette petite glande essentielle à la fonction sexuelle masculine, commence souvent à faire parler d’elle. C’est une réalité biologique : plus de 30 % des hommes de plus de 65 ans ressentent des symptômes liés à son hypertrophie, souvent appelée adénome. Bien qu’elle soit bénigne, cette condition peut devenir un fardeau quotidien.
Pour mieux comprendre cette affection courante et identifier les signes qui nécessitent une consultation, nous nous sommes entretenus avec le Professeur Souhil Lebdai, urologue au CHU d’Angers et expert au sein de l’Association Française d’Urologie (AFU).
Adénome : quand la glande comprime l'urètre
La prostate est située juste sous la vessie, enveloppant le canal par lequel l’urine s’écoule (l’urètre). Son rôle principal est de produire une partie du sperme. Avec le temps, la partie centrale de cet organe, l’adénome, a tendance à prendre du volume. Ce n’est pas anodin, car cette croissance crée une obstruction mécanique.
« En grossissant, la prostate comprime l’urètre, ce qui gêne la vidange complète de la vessie », explique le Professeur Lebdai. Ce phénomène entraîne alors des troubles mictionnels caractéristiques, directement liés à cette difficulté d’évacuation.
Les quatre signaux d’alerte qui rythment le quotidien
Ces troubles, s’ils sont bénins, peuvent grandement altérer la qualité de vie. Il est crucial de reconnaître les quatre manifestations principales qui doivent inciter à consulter. Souvent, c’est l’urgence qui s’installe, ou le besoin d’aller uriner beaucoup plus fréquemment qu’avant, y compris la nuit (nycturie). Ces envies sont parfois incontrôlables.
Vient ensuite le flux urinaire lui-même : il devient plus faible, moins puissant, et il faut souvent forcer pour démarrer la miction. Enfin, et c’est peut-être le plus frustrant, on ressent souvent une sensation de vidange incomplète, comme si une partie de l’urine restait dans la vessie après le passage aux toilettes.
Le spécialiste tient toutefois à rassurer : « Il est important de rappeler que cette pathologie n’a rien à voir avec le cancer ou un état pré-cancéreux. Il s’agit d’un vieillissement naturel de la glande prostatique ».
Premiers pas : hygiène de vie et personnalisation du traitement
La prise en charge de l’adénome est toujours personnalisée et démarre souvent par des ajustements simples. La première étape, c’est l’hygiène de vie : il est recommandé de limiter strictement les boissons contenant de la théine ou de la caféine. Une activité physique régulière et la prévention de la constipation sont également des alliés précieux pour améliorer le confort.
Si cela ne suffit pas, les médicaments entrent en jeu. Le traitement standard repose sur les alpha-bloquants, qui visent à détendre les muscles de la prostate pour faciliter le passage de l’urine. Mais l’approche est délicate : le médecin doit évaluer la fonction sexuelle du patient avant toute prescription, car certains traitements peuvent avoir des effets indésirables.
Naviguer entre efficacité et fonction sexuelle
Le choix des molécules dépend souvent de l’âge du patient et de ses priorités. Certains médicaments, comme les inhibiteurs de la 5 alpha réductase, diminuent efficacement le volume de la prostate, mais peuvent induire des troubles sexuels. Le Professeur Lebdai précise : « Ils sont donc plus souvent proposés à des hommes plus âgés, moins concernés par cet effet secondaire. »
Une alternative intéressante est le tadalafil. Initialement conçu pour la dysfonction érectile, ce médicament, pris à faible dose quotidienne, s’avère efficace pour améliorer les troubles mictionnels. « Ce médicament est très adapté pour les patients plus jeunes atteints d’une hypertrophie bénigne de la prostate et présentant une dysfonction érectile. On améliore alors deux aspects avec un seul médicament », ajoute l’urologue.
Le dilemme de la chirurgie et le compromis sur l'éjaculation
Lorsque les traitements médicamenteux échouent, le recours à la chirurgie devient nécessaire pour désobstruer la prostate. Le traitement chirurgical classique consiste en l’ablation de l’adénome par voie endoscopique, rétablissant ainsi un flux urinaire optimal. C’est la méthode la plus efficace, mais elle n’est pas sans conséquence.
Le principal effet secondaire à anticiper est le risque d’éjaculation rétrograde, où le sperme remonte vers la vessie au lieu d’être émis vers l’extérieur. « Cela n’a aucune conséquence particulière pour la santé, mais il est important que le patient en ait conscience », souligne le praticien. Pour ceux qui souhaitent préserver à tout prix leur fonction éjaculatoire, des techniques mini-invasives (implants intra-prostatiques, injection de vapeur d’eau) existent. Cependant, elles corrigent moins bien les troubles mictionnels. C’est un véritable compromis à négocier en amont avec le spécialiste.
les risques de la négligence
Si les troubles mictionnels peuvent sembler anodins au début, l’absence de prise en charge peut entraîner de sérieuses complications. Avoir une vessie qui ne se vide jamais complètement est le terreau idéal pour des infections urinaires à répétition. Dans les cas extrêmes, une négligence sur le long terme peut détériorer la fonction rénale elle-même.
Au-delà des risques cliniques, c’est toute la qualité de vie qui est impactée : devoir toujours repérer la toilette la plus proche, éviter les longs trajets en voiture ou les spectacles. Dès qu’une gêne urinaire persistante s’installe ou qu’elle s’accompagne d’une baisse de la fonction sexuelle, la consultation s’impose. C’est la seule manière de mettre en place une stratégie adaptée avant que les symptômes ne s’aggravent.
Selon la source : femmeactuelle.fr