Dans le tumulte des cuisines du Népal, il existe un invariant, une présence réconfortante qui ne demande presque rien et offre beaucoup : le chapati. À la croisée du pain et de la galette, cette base culinaire se consomme du matin au soir, accompagnant sans faillir les currys épicés (*tarkari*) ou le réconfort d’un plat de lentilles (*dal*). Mais sous cette apparente simplicité se cache un vrai savoir-faire, celui que Tiana Salles, autrice du livre culinaire « Népal », nous invite à redécouvrir depuis nos propres cuisines.
Le « roti » : minimalisme et technique
Souvent appelé *roti*, ce pain plat non levé est le contraire du célèbre naan, riche en levure, yaourt et souvent matière grasse. Le chapati est un minimaliste assumé : de la farine, de l’eau et une pincée de sel. C’est tout. Tiana Salles le décrit comme essentiel : « C’est le pain du quotidien, celui qu’on prépare sans réfléchir, presque machinalement, mais qui fait toute la différence dans un repas. » Cette absence d’artifices impose une maîtrise du geste, car obtenir ce pain souple, légèrement grillé, qui gonfle à la cuisson, relève presque du miracle.
Il sert de couvert naturel, que l’on déchire avec les doigts pour mieux saisir les aliments. Si le concept est simple, la texture doit être irréprochable : ni trop sec, ni trop pâteux.
Le choix crucial de la farine : trouver l'équilibre
Le premier secret, c’est bien évidemment la farine. Traditionnellement, au Népal et en Inde, on utilise l’*atta*, une farine complète d’une finesse particulière, presque introuvable dans nos supermarchés européens. Tiana Salles conseille donc d’adapter la recette en utilisant une farine semi-complète, idéalement une T80. Elle explique que cette alternative offre le meilleur compromis : « La farine, c’est la base. Trop blanche, la pâte sera fade, trop complète, elle manquera de légèreté et de cette élasticité fondamentale. »
L’art d’écouter la pâte
Une fois la farine sélectionnée, l’hydratation se fait doucement, avec de l’eau tiède ajoutée progressivement. L’objectif n’est pas la rapidité, mais l’écoute de la matière. Il faut pétrir la pâte jusqu’à obtenir une texture souple et élastique qui ne colle plus aux doigts. Quelques minutes suffisent, mais c’est le temps de repos qui fait la magie. Une attente de 30 minutes, voire plusieurs heures, permet au gluten de se développer et de conférer à la pâte cette souplesse essentielle. C’est cette élasticité bien développée qui garantira que le chapati gonflera parfaitement à la chaleur.
La magie de la cuisson sur plaque brûlante
Contrairement à d’autres pains, le chapati ne passe pas au four. Sa cuisson est radicale : à sec, sur une poêle très chaude, idéalement un *tawa*, cette plaque de métal plate typique de la région. Si vous vous lancez à la maison, l’urgence est la même : la chaleur doit être maximale.
Tiana Salles est catégorique sur ce point : « La poêle doit être brûlante avant de poser la pâte, sinon elle sèche sans jamais gonfler. Il faut oser la chaleur ! » Dès que des bulles apparaissent, on le retourne, on appuie légèrement, et l’effet se produit : le pain s’emplit d’air chaud, se soulève comme un ballon, prêt à être dégusté immédiatement. Il est important de maintenir un rythme soutenu pour que la cuisson soit uniforme et rapide.
Le geste traditionnel : saisir la flamme
Dans certaines régions du Népal, on pousse l’audace un peu plus loin en terminant la cuisson directement sur la flamme nue. La chaleur, extrêmement vive, saisit le chapati en quelques secondes, lui donnant ce moelleux incomparable et cette légère note de grillé que l’on recherche. C’est un geste à la fois technique et profondément beau. « C’est un moment que j’adore : poser le chapati sur le feu, le voir gonfler comme un ballon, puis le déguster encore chaud. C’est tout le charme de cette cuisine vivante, simple et généreuse », confie Tiana Salles.
Chez nous, une simple crêpière ou une bonne poêle en fonte fait parfaitement l’affaire. Un peu d’entraînement et ce pain sans levure devient un allié du quotidien, capable d’accompagner n’importe quel plat.
Un pain plein d'âme
Le chapati, c’est l’essence de la cuisine népalaise : l’ingéniosité et la générosité nées du peu. Il nous rappelle qu’avec trois fois rien – de l’eau, de la farine et du temps – on peut créer quelque chose de profondément nourrissant et universel. Cette galette, pleine d’âme, est une invitation accessible au voyage, un petit bout du Népal que l’on peut enfourner dans sa propre cuisine. Il ne reste plus qu’à s’y mettre et à oser la chaleur pour voir opérer la magie.
Selon la source : femmeactuelle.fr