Un simple reportage télévisé, une publication sur les réseaux sociaux, et la Maison-Blanche est en ébullition. C’est le scénario incroyable qui s’est déroulé ce week-end, lorsque le président Donald Trump, après avoir regardé un reportage sur Fox News, a menacé le Nigeria d’une intervention militaire. Cette réaction impulsive, déclenchée par la situation des chrétiens dans le pays, a pris de court ses propres conseillers et le gouvernement nigérian, et a mis en lumière une manière de gouverner où la politique étrangère se décide parfois en direct sur internet.
Le message qui a mis le feu aux poudres
Tout a commencé le vendredi soir. Selon deux responsables de l’administration, le président Trump regardait un reportage de Fox News sur les violences au Nigeria. Peu de temps après, il a publié un message sur sa plateforme Truth Social, désignant le Nigeria comme un ‘pays particulièrement préoccupant’ pour son incapacité à arrêter le « massacre de masse » des chrétiens. Le samedi, il est allé encore plus loin, menaçant directement d’une action militaire. ‘Si le gouvernement nigérian continue de permettre le meurtre de chrétiens, les États-Unis cesseront immédiatement toute aide […] et pourraient très bien entrer dans ce pays maintenant en disgrâce, ‘armes au poing’, pour anéantir complètement les terroristes islamiques’, a-t-il écrit.
Panique à Washington : des frappes de drones envisagées
Cette série de messages a provoqué une véritable course contre la montre à la Maison-Blanche, où les fonctionnaires se sont empressés de rattraper la politique présidentielle. Selon deux responsables américains, des frappes de drones de précision figurent parmi les options préliminaires envisagées, même si rien n’est encore décidé. Une porte-parole de la Maison-Blanche, Anna Kelly, a confirmé lundi que l’administration ‘planifiait des options pour une action possible’, ajoutant que ‘toute annonce viendra directement du Président’. Lundi, Trump a même laissé entendre qu’il était ouvert à l’envoi de troupes au sol, bien que cette option semble peu probable selon les mêmes sources.
Une vision simpliste qui contredit ses propres conseillers
Le problème, c’est que la vision de Trump d’un « génocide chrétien » est jugée trompeuse et simpliste par de nombreux experts. Pire encore, elle contredit directement l’un de ses propres hauts conseillers du département d’État, Massad Boulos. Le mois dernier, lors d’une rencontre avec le président nigérian Bola Ahmed Tinubu à Rome, M. Boulos avait déclaré, selon le média d’État Voice of Nigeria : ‘Les gens de toutes les religions et de toutes les tribus meurent […] et nous savons même que Boko Haram et l’EI tuent plus de musulmans que de chrétiens. […] Ce n’est pas spécifiquement ciblé contre un groupe ou un autre.’
La réaction surprise mais mesurée du Nigeria
Au Nigeria, les déclarations de Trump ont pris tout le monde par surprise. Cependant, les responsables ont insisté sur les relations amicales entre les deux pays et ont appelé à une approche coopérative. Daniel Bwala, un conseiller du président nigérian, a déclaré à la BBC que toute action militaire contre les groupes islamistes devrait être menée conjointement. Il a affirmé que le Nigeria accueillerait favorablement l’aide américaine, tout en rappelant que son pays était une nation ‘souveraine’.
La réalité complexe d'un pays en proie à de multiples violences
Les experts insistent sur la complexité de la situation. Selon Miriam Adah, analyste pour l’ACLED, « la violence est généralisée et complexe. Elle implique des insurgés, des bandits, des affrontements ethniques et des conflits fonciers — pas une simple campagne pour éliminer les chrétiens ». Le pays fait face à l’insurrection de Boko Haram et d’une branche de l’EI au nord, à un mouvement séparatiste au sud-est, à des gangs de kidnappeurs au nord-ouest, et à des affrontements entre éleveurs musulmans et agriculteurs chrétiens alimentés par le changement climatique. La Commission américaine sur la liberté religieuse internationale a d’ailleurs souligné dans un rapport l’an dernier que la violence affectait ‘un grand nombre de chrétiens et de musulmans’.
Un message avant tout destiné à ses électeurs américains ?
Alors, pourquoi une telle sortie ? Pour de nombreux analystes, les commentaires de Trump pourraient avoir plus à voir avec la politique intérieure américaine qu’avec la sécurité au Nigeria. Il s’agirait d’un message adressé à sa base électorale chrétienne. Darren Kerr, doyen de l’École d’études sur la paix à l’Université de Californie à San Diego, a expliqué que ‘les Républicains […] essaient depuis des années de présenter le Nigeria comme ‘un génocide chrétien ». Il craint que les propos de Trump ne fassent qu’envenimer la situation sur place en menaçant de ‘jeter une allumette’ dans un paysage déjà fragile, où la population est divisée presque à parts égales entre musulmans et chrétiens.
Une diplomatie impulsive et ses dangers
Selon la source : nbcnews.com