Le désert d’atacama, cathédrale des étoiles, face à la rançon du succès touristique et industriel
Auteur: Adam David
Quand le ciel raconte l'histoire des ancêtres andins
Le point culminant de cette immersion se trouve à l’extérieur : un miroir d’eau. « Nos ancêtres observaient le reflet des cieux sur des plans d’eau », murmure José Hernández, enveloppé dans son poncho. Seules les étoiles « vivantes » pouvaient s’y distinguer, disait-on. Plus tard, le groupe s’allonge sur des gradins de pierre pour contempler, sous un firmament d’une pureté saisissante, le même ciel que leurs ancêtres, entre rêverie et émotion — parfois même jusqu’au ronflement, comme ce fut le cas pour un visiteur emporté par le sommeil.
Le laboratoire scientifique mondial
Plus haut encore, sur le plateau de Chajnantor (5 104 mètres), se dresse l’ALMA (Atacama Large Millimeter/submillimeter Array), considéré comme le plus grand radiotélescope au monde. Ce sont une soixantaine de paraboles démesurées, braquées sur les cieux, qui ont permis au Chili de concentrer aujourd’hui près de 40 % des télescopes de grande puissance de la planète, un chiffre qui pourrait atteindre 70 % d’ici 2030.
L'engouement du stargazing et ses chiffres fous
Cet engouement est particulièrement visible au SPACE (San Pedro de Atacama Celestial Explorations). Son fondateur, Alain Maury, ancien du CNRS, s’est lancé dans l’astrotourisme bien avant la vague, dès 2003. Il accueille aujourd’hui quelque 15 000 visiteurs par an. Devant ses télescopes, les Nuages de Magellan, la nébuleuse de la Tarentule, Jupiter et le Scorpion défilent, offrant une clarté optique qui laisse pantois les voyageurs venus de France, de Belgique ou du Québec.
Les fragments sombres venus de l'espace
Pour les plus aventureux, il organise des visites du cratère de Monturaqui, une spectaculaire cicatrice de 400 mètres de diamètre laissée par l’impact d’un météore il y a 600 000 ans. On estime que la puissance de l’impact fut deux fois supérieure à celle de la bombe atomique d’Hiroshima. Cependant, cette chasse au trésor cosmique n’est pas sans danger. Les plaines ocres se ressemblent toutes, et l’absence de réglementation menace le site. Rodrigo dénonce le passage irrévérencieux de 4×4, soulignant que, si le désert conserve exceptionnellement bien les météorites, il doit être protégé contre la négligence humaine.
La saturation du désert et la voix des communautés locales
La Calle Caracoles, centrale et animée, est saturée de boutiques de souvenirs et de restaurants. Cette manne économique a cependant un revers. Certaines communautés indigènes dénoncent la disparition de leurs coutumes et l’accaparement des terres. « Lorsque les étrangers ont compris que San Pedro était la poule aux œufs d’or, ils ont acheté des terrains pour une bouchée de pain », déplore Elías, un trentenaire qui milite pour la préservation des traditions autochtones, soulignant l’ignorance des habitants locaux face aux spéculateurs.
Les menaces qui pèsent sur la pureté du firmament
À cela s’ajoute le fléau moderne des constellations de satellites en orbite basse, comme Starlink. En réfléchissant la lumière solaire, ils perturbent tant le travail des chercheurs que l’observation des amateurs. João Pizarro, guide brésilien et militant contre la pollution lumineuse, le constate amèrement : « La qualité des conditions d’observation s’est beaucoup dégradée depuis 2007. » Face à l’urgence, des mesures ont été prises : le gouvernement a adopté fin 2024 une loi pour protéger les cieux chiliens, entraînant l’installation de lampadaires à lumière chaude et détection de mouvement à San Pedro. Sans action, prévient Pizarro, la commune pourrait « vite devenir le prochain Humberstone », référence à la ville fantôme, autrefois florissante, abandonnée après la crise du salpêtre.
l'éclat fragile d'un privilège
Selon la source : geo.fr