Ces fruits d’hiver que nous aimons sont-ils des « bombes » de pesticides ? L’alerte de Générations futures
Auteur: Adam David
Derrière l’éclat des agrumes, une réalité persistante

En plein cœur de l’hiver, nos étals sont remplis de couleurs vives et de promesses de vitamine C : pommes croquantes, poires juteuses, et bien sûr, la star de la saison, les agrumes. Pourtant, derrière cet éclat saisonnier se cache une réalité plus sombre, régulièrement mise en lumière par les associations. L’ONG Générations Futures vient de publier une mise à jour de son rapport sur les résidus de pesticides, dressant un bilan préoccupant pour les fruits non biologiques que nous consommons le plus froid.
Des chiffres d’exposition élevés pour les fruits conventionnels

L’étude repose sur la compilation et l’analyse des données issues des plans de surveillance officiels français sur plusieurs années (2017-2021), actualisée avec les contrôles de 2022. Le constat est sans appel : les fruits non bio affichent un taux de contamination largement supérieur à celui des légumes. Entre 2017 et 2021, pas moins de 73 % des fruits contrôlés contenaient au moins un résidu de pesticide, contre 45 % des légumes.
La situation ne semble guère s’améliorer si l’on regarde les chiffres de 2022. Sur les 1996 échantillons analysés cette année-là, 62 % de l’ensemble des végétaux présentaient des traces de pesticides. Mais si l’on isole uniquement la catégorie des fruits, ce taux grimpe à 80 %, loin devant les 48 % relevés pour les légumes.
Les agrumes et les fruits à pépins sur la sellette

Sans surprise, ce sont les fruits typiques de la saison froide, ainsi que ceux dont la durée de conservation est longue, qui concentrent les niveaux de contamination les plus élevés. Les agrumes et les fruits à pépins (pommes, poires) s’inscrivent durablement en tête de ce classement délicat. Le raisin, souvent consommé jusqu’à la fin de l’automne, maintient lui aussi des niveaux importants d’année en année.
L’inquiétude se focalise particulièrement sur les petits agrumes comme les mandarines et les clémentines. Des analyses spécifiques menées en 2023 ont révélé une présence massive de fongicides utilisés pour la post-récolte : l’imazalil a été détecté dans 56,1 % des échantillons, et le pyriméthanil et le thiabendazole dans 31,8 %.
Des substances classées CMR et des perturbateurs endocriniens

Ce qui rend ces chiffres si préoccupants, au-delà de la fréquence de détection, c’est la nature de ces substances. Une partie d’entre elles est classée comme potentiellement Cancérogène, Mutagène ou Reprotoxique (CMR), ou identifiée comme perturbateur endocrinien. Ce sont ces éléments qui incitent les associations à appeler à une plus grande vigilance.
François Veillerette, porte-parole de Générations Futures, a rappelé la nécessité d’une évolution agricole de fond. Il estime que « Les résidus de pesticides dans les végétaux, ce n’est pas un problème qui est derrière nous », soulignant l’écart persistant entre la préoccupation croissante des consommateurs et la nécessité de politiques incitatives fortes.
Comment réduire l’exposition au quotidien ?

Heureusement, le consommateur dispose de plusieurs leviers d’action pour limiter l’ingestion de ces résidus. Le geste le plus efficace dépend souvent du fruit lui-même. Pour les fruits à peau épaisse que l’on ne consomme pas intégralement, comme les agrumes, la banane ou le kaki, le simple fait d’éplucher réduit considérablement l’exposition, d’autant plus si vous n’utilisez pas le zeste en cuisine.
Dans le cas des fruits consommés avec la peau (pommes, poires, raisin), le bio reste l’option la plus sûre si vous souhaitez réduire au maximum les risques. Pour ceux qui consomment conventionnel, un lavage à l’eau claire est indispensable. Certains préconisent l’utilisation d’un bain au vinaigre ou au bicarbonate pour aider à décoller les résidus de surface, bien que l’efficacité soit limitée pour les résidus systémiques. Il faut impérativement éviter d’utiliser de la Javel à la maison, le risque d’intoxication étant trop élevé.
Le kiwi, l’exception qui confirme la règle

Il est intéressant de noter que dans ce panorama souvent accablant, certains fruits d’hiver font figure de bons élèves. C’est le cas notamment du kiwi, qui se démarquait très nettement dans l’Observatoire de l’UFC Que Choisir 2020-2021 : seulement 20 % des échantillons présentaient des résidus « tous pesticides » et surtout, aucun ne présentait de traces des « pesticides les plus à risque ».
Ces données ne visent pas à diaboliser l’ensemble de la production conventionnelle, mais à guider l’acheteur. Elles servent de boussole pour hiérarchiser les priorités, incitant à privilégier l’achat en bio pour les fruits à fort risque, où l’on garde la peau, ou pour les agrumes dont on utilise le zeste. En attendant que le système agricole évolue, la vigilance dans nos cuisines reste notre meilleur allié.