Des anticorps d’une femme tanzanienne supprime la quasi-totalité des variants du VIH testés
Auteur: Simon Kabbaj
Une découverte majeure pourrait changer la donne dans la lutte contre le VIH. Des chercheurs ont identifié un anticorps exceptionnellement puissant chez une femme tanzanienne. Baptisé 04_A06, cet anticorps a montré des capacités extraordinaires lors d’une étude pré-clinique, c’est-à-dire en laboratoire. Il s’est avéré capable de neutraliser la quasi-totalité des souches de VIH testées, y compris celles résistantes à d’autres traitements. Les résultats, publiés dans la prestigieuse revue Nature Immunology par le Dr Lutz Gieselmann et son équipe le 10 novembre 2025, ouvrent des perspectives prometteuses non seulement pour le traitement, mais aussi pour la prévention du VIH.
Le secret de l'anticorps 04_A06 : une "clé" unique pour bloquer le virus
Pour comprendre pourquoi cet anticorps est si spécial, il faut savoir comment le VIH infecte nos cellules. Le virus utilise une protéine à sa surface, la gp120, comme une clé pour s’accrocher à nos cellules immunitaires (les CD4) et y entrer. Le problème est que cette protéine mute constamment, rendant la plupart des anticorps inefficaces. Cependant, certaines parties de la gp120 ne peuvent pas changer, car elles sont essentielles pour que le virus puisse s’accrocher. C’est là que l’anticorps 04_A06 excelle. Il possède une petite pièce supplémentaire dans sa structure – juste 11 ‘briques’ de protéines – qui lui permet d’atteindre une partie du virus que la plupart des autres anticorps ne peuvent pas toucher. Cette portée supplémentaire lui permet de s’agripper au virus de manière beaucoup plus ferme, sur une région qui ne change presque jamais. Le virus a donc beaucoup plus de mal à lui échapper.
La découverte : comment les chercheurs ont trouvé cette perle rare
Pour trouver cet anticorps, les chercheurs de l’Université de Cologne, en Allemagne, ont analysé les échantillons de sang de 2 354 personnes vivant avec le VIH, recrutées dans des cliniques au Tanzanie (44%), en Allemagne (25%), au Népal (25%) et au Cameroun (6%). Parmi eux, ils ont identifié 32 participants qu’ils ont qualifiés d’« élite neutralisants ». Il ne faut pas les confondre avec les « contrôleurs d’élite » : ces derniers suppriment le virus sans traitement, tandis que les « élite neutralisants » produisent des anticorps très puissants, sans forcément contrôler le virus. En analysant les anticorps de ces 32 personnes, les plus puissants provenaient tous d’une seule participante, identifiée comme EN02, la femme tanzanienne.
Des tests en laboratoire aux résultats spectaculaires
L’anticorps 04_A06 a ensuite été soumis à une batterie de tests. Il a d’abord bloqué 100% d’un panel de 12 souches de référence du VIH. Puis, face à un panel beaucoup plus large de 337 souches de laboratoire, il a réussi à en neutraliser 97,3 %. Testé contre 50 souches virales ‘réelles’ provenant de patients, il a atteint un taux de neutralisation de 88 %. Mais le résultat le plus impressionnant est sa capacité à vaincre la résistance. Il a réussi à neutraliser 77 % de toutes les souches de VIH qui étaient résistantes à un autre anticorps très étudié, le VRC01, qui avait montré des résultats décevants dans les essais cliniques en monothérapie.
L'épreuve du vivant : une suppression totale du virus chez les souris
L’étape suivante a été de tester l’anticorps sur des souris humanisées, c’est-à-dire des souris dont le système immunitaire a été modifié pour ressembler à celui de l’homme. Alors que les souris traitées avec le VRC01 ont vu le virus rebondir et devenir résistant, celles traitées avec l’04_A06 ont vu leur charge virale complètement supprimée pendant les 12 semaines du traitement. Plus encore, même les souris chez qui le VRC01 avait échoué ont été totalement guéries virologiquement après 8 semaines de traitement avec l’04_A06. Après l’arrêt du traitement, le rebond viral a mis en moyenne 39 jours à survenir, et 3 des 13 souris n’avaient toujours pas de rebond viral détectable 9 semaines après la fin du traitement. Fait crucial, aucune mutation de résistance claire n’est apparue.
Un immense potentiel pour la prévention du VIH (PrEP)
Les chercheurs ont également exploré le potentiel de l’04_A06 pour la prévention (PrEP). Ils l’ont testé contre des souches virales provenant des grands essais de prévention AMP, qui avaient testé le VRC01. L’04_A06 a inhibé 98 % des virus provenant des participants n’ayant reçu aucun traitement, et 94 % des virus provenant des participants qui ont été infectés malgré la prophylaxie par VRC01. En se basant sur ces données, les chercheurs ont modélisé qu’une version à longue durée d’action de l’anticorps pourrait offrir une protection de 93 % contre le VIH s’il était utilisé comme PrEP.
Conclusion : un anticorps "presque idéal" mais la prudence reste de mise
Note technique : Les pourcentages de neutralisation dans cet article se réfèrent à la performance IC80 de l’anticorps (la concentration qui bloque 80% de l’activité du virus), sauf pour le chiffre de 77% qui est à IC50 (blocage de 50%).
Selon la source : aidsmap.com
Cet article a été rédigé avec l’aide de l’intelligence artificielle puis révisé par un humain afin d’en garantir l’exactitude et la clarté.