La mystérieuse baleine à dents de ginkgo enfin observée vivante, une première mondiale !
Auteur: Mathieu Gagnon
Une rencontre inespérée avec une créature fantôme

Imaginez un animal si discret qu’on ne le connaît que par les quelques individus qui se sont malheureusement échoués sur une plage. C’était le cas de la baleine à bec de ginkgo. Pendant 66 longues années, depuis sa découverte en 1958 près de Tokyo, personne, absolument personne, n’avait pu l’observer vivante et en pleine santé dans son milieu naturel. Une véritable créature fantôme des océans.
Mais voilà que tout a changé. Récemment, des scientifiques ont non seulement réussi à la voir, mais ils ont aussi résolu une vieille énigme sonore qui les taraudait depuis des années. Une double victoire, en quelque sorte.
L’énigme du son ‘BW43’ qui hantait le Pacifique

Dans les profondeurs du Pacifique Nord, les micros sous-marins captaient un son mystérieux, un appel baptisé ‘BW43’. Vous savez, chaque espèce de baleine à bec a sa propre ‘voix’, un peu comme une empreinte digitale sonore. Mais personne ne savait à qui appartenait celle-ci. Un vrai casse-tête.
Certains chercheurs pensaient que c’était peut-être le chant d’une autre espèce tout aussi rare, la baleine à bec de Perrin, elle aussi jamais vue vivante. Alors, depuis 2018, des expéditions ont été lancées pour trouver la source de ce son. Année après année, rien. Le silence radio, ou plutôt, l’océan restait muet quant à ses habitants.
La cinquième expédition fut enfin la bonne

La persévérance, c’est bien ce qui caractérise les scientifiques. En juin 2024, ils sont repartis pour une cinquième tentative, armés jusqu’aux dents de micros ultra-sensibles (des hydrophones) et de jumelles surpuissantes. Et là, bingo ! Ils ont eu six observations de baleines à bec.
Le problème, c’est que ces animaux se ressemblent beaucoup. À l’œil nu, même pour un expert, il est très facile de les confondre. Il fallait donc une preuve irréfutable, quelque chose de plus qu’une simple photo. L’aventure ne faisait que commencer.
Une biopsie mouvementée et un albatros affamé

Pour être sûrs, il leur fallait de l’ADN. Mais comment demander à une baleine un petit échantillon ? Eh bien, ils ont utilisé une sorte d’arbalète modifiée pour prélever un minuscule bout de peau. Une technique délicate mais efficace.
Ils réussissent leur coup… mais c’était sans compter sur un invité surprise. Un albatros, voyant ce petit morceau flotter, s’est dit que ça ferait un excellent en-cas et a foncé dessus ! L’équipe a dû l’effrayer pour récupérer son précieux échantillon. La chercheuse principale, Elizabeth Henderson, a raconté plus tard : « Avec le recul, c’est très drôle, mais sur le moment, c’était terriblement stressant. » On la comprend !
La grande révélation : toute une famille identifiée

L’analyse génétique a parlé. Et le verdict est tombé : c’était bien elle, la fameuse baleine à bec de ginkgo ! Le son BW43, c’était donc sa voix. Le mystère était enfin résolu.
En réalité, cinq des six observations concernaient ces baleines. Les chercheurs ont pu admirer toute une petite communauté : un mâle adulte couvert de cicatrices (probablement dues à des requins), un jeune mâle, une femelle avec son petit, et même des adolescents. C’était la première fois qu’on pouvait décrire la couleur des plus jeunes : une tête un peu plus pâle que le dos, des taches sombres autour des yeux et une petite tache claire juste devant. Des détails précieux pour mieux les reconnaître à l’avenir.
Et ce n’est que le début de l’histoire

Cette découverte va bien au-delà de la simple observation. Elle nous apprend que ces baleines sont finalement bien plus présentes au large de la Californie et du Mexique qu’on ne le pensait. Elles n’étaient pas juste de passage, elles habitent bien là.
Maintenant que les scientifiques connaissent leur « chant », ils peuvent les suivre à la trace, les étudier, et comprendre enfin leur mode de vie. C’est un peu comme si on venait de trouver la clé d’une porte restée fermée pendant des décennies. L’océan n’a pas encore livré tous ses secrets, et l’histoire de la baleine à bec de ginkgo ne fait que commencer.