Aller au contenu
Derrière les chiffres d’or de pékin, l’inquiétante opacité des statistiques chinoises
Crédit: 中国新闻社, CC BY 3.0, via Wikimedia Commons

Le doute monte face à la croissance chinoise

La question n’est pas nouvelle, mais elle prend aujourd’hui une tournure particulièrement dangereuse : l’économie chinoise est-elle vraiment celle que Pékin décrit ? Alors que les tensions commerciales et le spectre d’une crise immobilière majeure planent sur le pays, l’opacité croissante des chiffres officiels interroge plus que jamais la crédibilité du Parti communiste. Le doute, jadis chuchoté par des sinologues, est désormais crié sur la place publique.

L’économiste qui a lâché la bombe

Le malaise s’est brutalement cristallisé en décembre 2024. Lors d’une conférence à Washington, l’économiste chinois Gao Shanwen a lâché une véritable bombe en affirmant sans détour : « Nous ne connaissons pas le chiffre réel de la croissance chinoise. » Ses estimations personnelles sont d’ailleurs cinglantes. Selon lui, le véritable Produit intérieur brut (PIB) des deux ou trois dernières années aurait plafonné autour de 2 % en moyenne, bien loin des 5 % officiellement communiqués par les autorités.

Le prix de l’honnêteté et la pression géopolitique

credit : lanature.ca (image IA)
L’histoire de Gao Shanwen ne s’arrête pas là, ce qui souligne la haute sensibilité du sujet pour le régime. Suite à ses propos, l’économiste s’est en effet volatilisé pendant près d’un an, avant de refaire surface il y a quelques semaines, comme l’a rapporté le Financial Times. Si la fiabilité des statistiques chinoises a toujours été une source d’interrogation, même durant les décennies de croissance explosive, ces doutes sont devenus obsessionnels. La raison est simple : l’économie ralentit durement, plombée par la crise immobilière structurelle et l’escalade des tensions commerciales avec les États-Unis.

La méthode xie jingping face aux standards internationaux

credit : lanature.ca (image IA)
Cette opacité s’est aggravée de manière visible depuis l’arrivée au pouvoir de Xi Jinping, et surtout depuis le début de son troisième mandat en 2022. La méthodologie chinoise rend presque impossible toute analyse externe sérieuse, notamment parce que Pékin refuse de ventiler clairement les données de croissance trimestrielle entre la consommation intérieure, l’investissement et les exportations nettes. C’est un point technique crucial.Ce manque de transparence vaut d’ailleurs à la Chine une note peu glorieuse auprès du Fonds monétaire international (FMI) : un « C » sur une échelle de A à D. Elle se retrouve ainsi au même niveau que l’Inde, mais derrière le Vietnam, un voisin qui jouit d’une meilleure réputation statistique.

Le paradoxe des chiffres internes

credit : lanature.ca (image IA)
Ironiquement, la Chine continue de publier une myriade d’indicateurs financiers sectoriels qui, eux, sont scrutés de très près par les marchés mondiaux. Ces chiffres partiels révèlent souvent un tableau beaucoup plus sombre que l’histoire officielle : un risque de déflation rampante, une chute persistante des prix immobiliers, ou encore un indicateur d’investissement en berne pour la deuxième année consécutive. Ces signaux d’alerte, très spécifiques, s’avèrent tout bonnement inconciliables avec les taux de croissance officiels communiqués par le gouvernement central. Le décalage est criant.

Le contrôle comme outil de guerre économique

Il faut néanmoins apporter une nuance interne. Le Financial Times signale que même le Bureau national des statistiques (BNS) procède souvent à une révision à la baisse des chiffres reçus des provinces, puisque les fonctionnaires locaux ont la fâcheuse manie d’enjoliver les performances pour satisfaire le Parti. Mais l’explication principale est ailleurs, dans la peur et le contrôle d’État.Pour Daniel Rosen, cofondateur du cabinet Rhodium spécialisé sur la Chine, le vrai changement est géopolitique. Le pays se sent désormais engagé dans une guerre économique larvée contre l’Occident. M. Rosen analyse que depuis 2012-2013, la perception dominante est que la Chine est « entourée d’ennemis » et que sans un contrôle rigide, « l’État-parti va s’effondrer ». Dans ce contexte, la manipulation des données n’est qu’une facette de l’armement du régime et du renforcement de son emprise sur tous les cadres du Parti.

Un appel à la prudence internationale

credit : lanature.ca (image IA)
Que l’ajustement des chiffres soit le fruit d’une pression politique interne, d’une paranoïa d’État ou d’une simple tentative de sauver la face, le résultat est le même : l’opacité est quasi totale. Ces révélations ne font que confirmer la nécessité, pour les analystes financiers et les entreprises internationales, d’accueillir désormais les annonces économiques de Pékin avec la plus grande circonspection. Quand les chiffres ne collent plus, c’est l’économie mondiale qui retient son souffle.
Selon la source : geo.fr

facebook icon twitter icon linkedin icon
Copié!
Plus de contenu