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L’ontario découvre l’ampleur de la pénurie médicale : le mirage du recrutement québécois face à l’hémorragie interne
Crédit: Lea-Kim, CC BY-SA 4.0, via Wikimedia Commons | Joey Coleman, CC BY 2.0, via Wikimedia Commons

L’opération charme et le revers de la médaille

Lorsque le premier ministre de l’Ontario, Doug Ford, a lancé une offensive publicitaire tonitruante auprès des médecins québécois en octobre dernier, la réaction de son homologue, François Legault, fut immédiate et indignée. Pourtant, il apparaît que derrière ce coup de semonce médiatique se cache une réalité bien plus complexe et critique pour l’Ontario : la province est en fait en train de perdre ses propres professionnels de la santé à un rythme soutenu.

Un rapport récent de la vérificatrice générale de l’Ontario (VGO) vient jeter un éclairage cru sur les motivations réelles de l’opération Ford, révélant que l’Ontario fait face à un déficit de médecins de famille bien plus important que ce que le gouvernement laissait entendre.

La fuite silencieuse des diplômés ontariens

Loin de n’être qu’une querelle de voisinage, la nécessité de recruter activement des médecins à l’extérieur s’explique par une fuite constante de professionnels formés en Ontario. Selon une compilation du Répertoire canadien sur l’éducation post-M.D. (CAPER), l’Ontario enregistre une perte nette moyenne variant entre 79 et 155 médecins chaque année. Ce solde est calculé en comparant le nombre de médecins qui quittent la province avec ceux qui s’y installent.

Sur une période de sept ans (2016 à 2022), par exemple, l’Ontario a perdu un solde net de 1088 médecins deux ans après la fin de leur formation. C’est une moyenne de 155 départs nets annuels, un chiffre qui témoigne d’une véritable hémorragie. Ce phénomène contraste fortement avec la situation du Québec, qui parvient globalement à attirer autant de médecins qu’il en perd.

Un besoin sous-estimé et une urgence chiffrée

credit: lanature.ca (image IA)

Au-delà de cette migration négative, la vérificatrice générale de l’Ontario, Shelley Spence, a corrigé à la hausse l’évaluation du besoin criant de personnel. Alors que le ministère de la Santé estimait jusqu’à présent le manque à 1300 médecins, l’analyse de la VGO établit que la province a besoin d’au moins 2000 médecins de famille nets supplémentaires dès maintenant pour répondre aux besoins de la population.

Ce chiffre est particulièrement lourd de sens si l’on se souvient des promesses faites durant la dernière campagne électorale, où les principaux partis, y compris les conservateurs de Doug Ford, avaient promis un médecin à chacun des deux millions d’Ontariens qui en sont actuellement dépourvus.

Retards et défaillances dans la formation locale

Face à cette situation, le gouvernement ontarien a engagé d’importants investissements, notamment pour créer deux nouvelles écoles de médecine, 17 cliniques d’enseignement et près de 900 places supplémentaires d’ici l’automne 2028, principalement axées sur la médecine familiale. Or, le rapport de la VGO révèle des obstacles majeurs dans l’exécution de ce plan ambitieux.

Des retards significatifs ont été constatés dans l’aménagement des nouveaux sites d’enseignement. Résultat : d’ici la fin de l’année universitaire 2025-2026, les écoles de médecine risquent de n’offrir que 89 places en médecine familiale, soit 44 % de moins que les 204 places initialement prévues par le ministère. Un écart qui aggrave l’urgence d’un investissement déjà vital.

Le pari de la rétention : former local pour pratiquer local

L’Ontario ne se contente plus de tenter d’attirer l’extérieur ; elle cherche aussi à colmater la fuite à la source. Une nouvelle politique annoncée l’an dernier vise à réserver 95 % des places de premier cycle dans les écoles de médecine aux étudiants ontariens dès l’année prochaine, ne laissant que 5 % aux résidents permanents ou citoyens canadiens des autres provinces.

Ce changement marque une augmentation par rapport aux 88 % de résidents ontariens traditionnellement admis. Interrogée sur cette stratégie de protectionnisme académique, Mme Spence a souligné la nécessité de vigilance : « Je ne peux pas dire si c’est bon ou mauvais […] mais ce que je dis, c’est ‘s’il vous plaît, suivez et voyez si cela fonctionne : gardez-vous plus d’Ontariens formés en Ontario en tant que médecins pratiquant en Ontario?’ »

Un problème structurel, pas seulement politique

L’opération de séduction lancée vers les médecins québécois aura eu le mérite de mettre en lumière la crise du système de santé ontarien. Cependant, les données et les conclusions de la vérificatrice générale le confirment : la véritable bataille de l’Ontario ne se joue pas au Québec, mais bien sur son propre territoire.

Pour résoudre le manque critique de 2000 médecins de famille, il faudra non seulement respecter les engagements d’expansion des capacités de formation, mais aussi comprendre pourquoi tant de jeunes diplômés préfèrent exercer ailleurs, qu’il s’agisse d’autres provinces ou de l’étranger. Les gestes politiques ne suffiront pas sans une solution structurelle et des efforts constants pour améliorer l’attractivité des postes en Ontario.

Selon la source : ici.radio-canada.ca

Ce contenu a été créé avec l’aide de l’IA.

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