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Le barreau se dresse contre le projet de constitution québécoise : un « système illibéral » en gestation?
Crédit: lanature.ca (image IA)

La fronde des juristes s’intensifie

Après le Barreau du Québec, c’est au tour d’une autre institution majeure du droit, l’Association du Barreau canadien (ABC), de dénoncer avec virulence le projet de loi 1 du gouvernement caquiste, visant à doter le Québec d’une constitution. Cette opposition n’est pas de pure forme : dans un geste jugé exceptionnel, la section québécoise de l’ABC réclame le retrait pur et simple de l’ensemble du texte législatif, le qualifiant de menace potentielle pour l’État de droit.

Devant la commission parlementaire mercredi, l’atmosphère était tendue, le ministre de la Justice, Simon Jolin-Barrette, n’hésitant pas à défier directement les critiques des juristes. Pourtant, pour l’ABC, les enjeux sont trop graves pour être ignorés.

Trop de dispositions problématiques

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La liste des griefs soulevés par l’ABC-Québec est longue. Jérémy Boulanger-Bonnelly, professeur de droit et représentant de l’Association, a d’ailleurs souligné en audition que les « dispositions problématiques sont trop nombreuses pour pouvoir toutes les mentionner ». L’organisme craint que le projet de loi 1 ne marque une « tendance vers un système illibéral », un diagnostic sévère qui fait écho aux préoccupations exprimées la veille par le Barreau du Québec, qui craignait une compromission de la protection des droits fondamentaux.

C’est cette accumulation de mesures, plus qu’un point spécifique, qui a motivé l’ABC à demander le retrait complet du projet, une démarche historique pour l’organisation.

Un processus « en vase clos » qui mine la légitimité

Au-delà du contenu, l’ABC-Québec pointe d’abord du doigt le processus même de création de ce document fondamental. L’organisme reproche au gouvernement d’avoir rédigé sa proposition constitutionnelle en « vase clos », sans la moindre consultation préalable. Pour eux, un texte qui se veut la loi fondamentale d’une nation requiert un « maximum de consultations en amont » pour garantir son intégrité et sa légitimité.

Le président du conseil d’administration, Alexandre Forest, a été clair : « Il y a peu de chances que ce document fasse l’unanimité, il est plus diviseur que fédérateur ». Devant ce manque de consensus initial et de failles procédurales, l’ABC maintient qu’il serait préférable de tout annuler et de repartir de zéro.

Le ministre passe à l’attaque

Ces critiques acerbes n’ont pas laissé le ministre Simon Jolin-Barrette sans réaction. Celui qui pilote la pièce législative a rapidement cherché à discréditer l’argument de la légitimité. Il a lancé aux représentants de l’ABC une question rhétorique, demandant si la Constitution canadienne de 1982 – qui, rappelons-le, avait été adoptée sans consultations généralisées – était elle aussi considérée comme illégitime. « C’est rare que je vous ai entendus critiquer la Constitution de 1982 », a-t-il ironisé.

M. Forest a répondu que si la démarche de l’Assemblée nationale était bien « légale », la légitimité de la Constitution de 1982 reposait sur son application et sa reconnaissance historique. Un distinguo subtil entre la légalité des actes du gouvernement et l’acceptabilité sociale et juridique d’un tel document fondamental.

L’affaiblissement des droits individuels

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Comme le Barreau du Québec, l’ABC craint surtout que le projet de loi n’affaiblisse la protection des droits et libertés fondamentaux des individus. Le problème résiderait notamment dans l’énoncé des droits collectifs de la nation québécoise, qui pourrait potentiellement nuire à l’égalité et à des libertés comme la liberté de religion. Alexandre Forest a rappelé un principe simple, mais fondamental : « Les droits de la majorité n’ont pas à être protégés, ils sont déjà protégés. »

Par ailleurs, l’organisation s’oppose fermement à l’idée d’inscrire la liberté des femmes d’avoir recours à l’interruption volontaire de grossesse (IVG) directement dans la loi. Le mémoire rappelle que l’autonomie reproductive est déjà un droit protégé par la jurisprudence. L’inscrire dans un texte législatif, selon l’ABC, risquerait au contraire de le « circonscrire ou l’altérer », le rendant susceptible d’être affaibli par des modifications futures.

L’article 5 et la fin des contestations financées

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Un autre point de friction majeur concerne l’article 5, qui viserait à interdire le financement public d’organismes ayant pour but de contester certaines lois jugées « fondamentales » par le gouvernement (notamment la loi sur le français et la loi sur la laïcité de l’État). L’ABC-Québec est catégorique : cette disposition doit être retirée, car elle constitue un ensemble de « gestes politiques susceptibles de porter atteinte à l’état de droit ».

En restreignant l’accès au financement pour les défis légaux, le gouvernement entrave « significativement la capacité des citoyens et des citoyennes à faire valoir leurs droits et leurs opinions » devant les tribunaux, créant ainsi un dangereux précédent dans un État démocratique. On s’interroge sérieusement sur les conséquences de ce musèlement potentiel.

Un chantier juridique colossal et controversé

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Finalement, l’ABC-Québec a aussi soulevé des inquiétudes concernant la proposition de créer un Conseil constitutionnel, dont les membres seraient nommés par les deux tiers de l’Assemblée nationale. Selon Me Boulanger-Bonnelly, le processus de nomination est inévitablement « vicié » par des impératifs politiques, étant donné que le premier ministre proposera les candidats. Un tel Conseil risquerait de favoriser uniquement l’interprétation des droits collectifs, au détriment des droits individuels.

Alors que ce projet de loi ratisse très large – englobant la laïcité, la langue française, l’aide médicale à mourir, et même une modification à la Loi constitutionnelle de 1867 – et que 211 intervenants sont encore attendus en commission, le débat constitutionnel au Québec ne fait que commencer. Les fondements mêmes du droit québécois sont sur la table, et l’alarme sonnée par les plus hautes instances juridiques semble indiquer que le chemin sera long et semé d’embûches.

Selon la source : lapresse.ca

Ce contenu a été créé avec l’aide de l’IA.

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