Avi Loeb fait (enfin) marche arrière : l’objet 3I/ATLAS est « probablement naturel »
Auteur: Mathieu Gagnon
Un visiteur interstellaire… et beaucoup de bruit pour rien ?

Vous avez sûrement déjà entendu parler d’Avi Loeb, non ? C’est ce physicien théoricien de Harvard, un peu la « rock star » controversée de l’astronomie moderne, qui a tendance à voir des signes de technologies extraterrestres un peu partout. Eh bien, figurez-vous qu’il vient de faire une déclaration plutôt surprenante, ou devrais-je dire, rassurante. Celui qui est à l’origine de l’hypothèse souvent jugée inutile du « vaisseau mère alien » a finalement admis que la comète interstellaire 3I/ATLAS est, je cite, « très probablement naturelle ». C’est un changement de ton notable alors que l’objet s’éloigne actuellement de la Terre.
Pour remettre les choses dans leur contexte, tout a commencé le 1er juillet 2025. Ce jour-là, le système d’alerte ATLAS (Asteroid Terrestrial-impact Last Alert System) a repéré un objet traversant notre système solaire sur une trajectoire d’échappement. Et quand je dis qu’il traverse, il ne traîne pas : il file à une vitesse hallucinante de 54 kilomètres par seconde (soit environ 33 miles par seconde). C’est tout simplement l’objet interstellaire le plus rapide que nous ayons jamais enregistré, même si, pour être honnête, c’est seulement le troisième du genre que nous observons. C’est une comète fascinante, vraiment. Durant la courte fenêtre où nous avons pu l’observer avant qu’elle ne nous quitte, nous avons appris énormément, notamment la présence de molécules clés pour la vie et le fait qu’elle pourrait être une sorte de capsule temporelle d’un âge antérieur de l’univers, venant d’une autre partie de notre galaxie.
Mais voilà, comme souvent avec ce genre de découverte, la science s’est retrouvée noyée sous une vague de spéculations et, disons-le franchement, de grand n’importe quoi. Si on s’attend toujours à ce que les réseaux sociaux s’enflamment avec des « C’EST DES ALIENS ? », il est plus rare que l’huile sur le feu soit jetée par un professeur de Harvard. Pourtant, c’est bien ce qu’Avi Loeb a fait, au grand dam de certains de ses collègues scientifiques.
Entre science-fiction et réalité : la théorie de la « Forêt Sombre »

Le 16 juillet, Loeb, accompagné d’Adam Hibberd et Adam Crowl, a publié un papier qu’il a lui-même qualifié de « largement un exercice pédagogique ». Mouais, un exercice qui a quand même fait frémir pas mal de monde. Ils y proposaient que l’objet puisse être un vaisseau spatial extraterrestre hostile, s’appuyant sur l’hypothèse de la « Forêt Sombre ». Pour faire simple — et je vous conseille vivement de lire le livre dont c’est tiré, vous ne le regretterez pas —, cette théorie suggère que vu les ressources finies de l’univers, toute forme de vie pourrait vouloir attaquer préventivement toute autre forme de vie avant qu’elle ne devienne une menace. Joyeux, n’est-ce pas ? Selon leur papier, 3I/ATLAS aurait pu être là pour ça.
Loeb est allé assez loin dans son raisonnement, écrivant sur son blog : « 3I/ATLAS atteint son périhélie du côté opposé du Soleil par rapport à la Terre. Cela pourrait être intentionnel pour éviter des observations détaillées depuis les télescopes terrestres au moment où l’objet est le plus brillant ». Il suggérait même que c’était le moment idéal pour une manœuvre cachée, invisible à nos yeux à cause de l’éblouissement du Soleil. Sauf que… le périhélie (le point le plus proche du Soleil) est passé, et aucune manœuvre n’a eu lieu. Rien. Nada.
En août, il a alors pointé du doigt l’absence de queue comme une anomalie majeure. Il racontait s’être fait attaquer par des blogueurs quand il remettait en cause l’aspect cométaire de l’objet, affirmant que « plus nous collectons de données, plus il sera difficile pour les scientifiques de glisser les anomalies de 3I/ATLAS sous le tapis de la pensée traditionnelle ». Il comparait cette rencontre interstellaire à un « rendez-vous à l’aveugle à l’échelle astronomique ». C’est poétique, certes, mais est-ce scientifique ?
La panique sur Internet face aux faits scientifiques

Et comme par hasard — ou plutôt, comme la physique le dicte souvent — la comète a fini par développer une queue, et même une anti-queue. Loeb, fidèle à lui-même, a classé ça comme une autre anomalie. Mais là, l’astronome Jason Wright a mis le holà. Il a écrit : « C’est vrai que peu de comètes font ça, mais ce n’est hardly unique ». Il ajoute même sèchement que Loeb prétend faussement être le premier à expliquer ce phénomène naturellement, alors que c’est compris depuis 50 ans. Ça pique un peu, non ?
Le problème, c’est que ces affirmations n’ont pas été sans conséquences. J’ai fait un tour sur Reddit et d’autres coins d’Internet depuis la découverte de la comète, et franchement, l’ambiance était lourde. Les gens étaient sincèrement anxieux à propos d’un caillou qui ne faisait que passer inoffensivement. Un utilisateur écrivait par exemple : « J’ai vraiment du mal à gérer l’anxiété de 3I/ATLAS. Si c’est des aliens, je crains qu’on assiste à un effondrement sociétal complet et à la panique. J’ai une vie relativement heureuse et je m’inquiète que ce soit un scénario vraiment apocalyptique ». C’est triste de voir à quel point la spéculation peut affecter la vie des gens.
Ces peurs ont culminé lorsque la comète a fait son approche la plus proche de la Terre, le 19 décembre. Elle est passée — je le répète, sans danger — à une distance de 270 millions de kilomètres (soit 168 millions de miles). Si c’était un espion envoyé pour nous détruire, comme beaucoup sur Internet semblaient le croire, il n’a pas eu une très bonne vue ! Depuis ce passage, Loeb s’est confié à News Nation. Plutôt que de parler d’anomalies, il a souligné : « Jusqu’ici, tout va bien. 3I/ATLAS n’a pas manœuvré ni montré d’activité inhabituelle ». Il a ajouté : « À ce stade, étant donné toutes les données que nous avons, je serais d’accord pour dire que c’est très probablement naturel« , tout en gardant une petite porte ouverte sur des choses qu’on ne comprendrait pas encore.
Le risque de crier au loup : vers Jupiter et au-delà

Ce n’est pas la première fois que Loeb revient à la raison. Il avait créé « l’échelle de Loeb » pour classer ces objets de 0 (naturel) à 10 (technologique). Pour cet objet, il l’avait classé au maximum à 4. Pour le grand public, 4 ça semble élevé vu qu’on n’a jamais vu d’aliens, mais bon… Aujourd’hui, alors que la comète se dirige vers Jupiter avant de quitter notre Système solaire, Loeb semble calmer le jeu. Il écrit sur son blog : « Mais en l’absence d’une signature technologique claire, je réviserai mon rang sur l’échelle de Loeb à la baisse », tout en surveillant d’éventuelles lumières artificielles près de Jupiter (on ne se refait pas complètement !).
Le souci, c’est que Loeb avait déjà fait des affirmations similaires pour notre premier visiteur, 1I/’Oumuamua. On commence à le comparer au « garçon qui criait au loup ». Et c’est là le vrai danger. Comme l’explique Bryan Gaensler, astronome à l’Université de Toronto : « Si et quand nous trouverons des extraterrestres — et je pense qu’il y a une vraie chance qu’on détecte une forme de vie dans la prochaine décennie ou deux — nous allons avoir un problème de type ‘garçon qui criait au loup’. Les gens qui trouveront de vraies preuves n’auront probablement pas le crédit qu’ils méritent, parce qu’on aura déjà entendu tout ça avant ».
Pour être juste envers Loeb, disons que 3I/ATLAS aura été un bon exercice pédagogique, surtout pour apprendre à ne pas crier « Aliens ! » avant d’avoir bien regardé. Les probabilités écrasantes suggèrent que tout ce qu’on a vu jusqu’ici est naturel. Un point à garder en tête quand on découvrira notre quatrième visiteur interstellaire, histoire d’éviter que l’Internet ne s’emballe encore une fois.
Ce contenu a été créé avec l’aide de l’IA.