Aller au contenu
Une troisième voie pour expliquer la conscience : le computationnalisme biologique
Crédit: lanature.ca (image IA)

Sortir de l’impasse actuelle

credit : lanature.ca (image IA)

C’est curieux, n’est-ce pas ? On a parfois l’impression que le débat sur la conscience tourne en rond, figé dans une guerre de tranchées qui dure depuis des années. D’un côté, vous avez les partisans du fonctionnalisme computationnel. Pour eux, tout est affaire de traitement de l’information : si vous avez la bonne organisation fonctionnelle, peu importe que cela tourne sur du silicium ou de la matière grise, vous obtenez une conscience. C’est propre, c’est net.

Et puis, juste en face, il y a le camp du naturalisme biologique. Eux, ils insistent — et peut-être à raison — sur le fait que la conscience est inséparable de la biologie, de notre chair. Pour eux, la biologie n’est pas juste un véhicule, c’est l’essence même de la cognition. Chacun semble détenir une part de vérité, mais cette impasse suggère qu’il manque une pièce au puzzle. C’est là qu’intervient une nouvelle perspective fascinante proposée par l’Estonian Research Council, dans un article édité par Gaby Clark et revu par Robert Egan.

Publié dans Neuroscience & Biobehavioral Reviews (crédité pour 2026, avec le DOI 10.1016/j.neubiorev.2025.106524), ce travail propose une troisième voie : le computationnalisme biologique. L’idée est un peu provocatrice, je l’admets, mais elle a le mérite de clarifier les choses. Ils affirment que notre vision traditionnelle de l’ordinateur est cassée, ou du moins qu’elle ne colle pas du tout à la réalité de nos cerveaux. On a trop longtemps supposé que le cerveau « calcule » comme un PC, comme si la pensée était un logiciel sur du matériel neuronal. Mais le cerveau n’est pas une machine de von Neumann. Si on veut comprendre comment créer des esprits, il va falloir élargir notre définition même du mot « calcul ».

Les propriétés uniques du calcul biologique

credit : lanature.ca (image IA)

Alors, qu’est-ce qui rend ce « calcul biologique » si spécial ? Les auteurs identifient trois propriétés fondamentales qui changent la donne. Premièrement, c’est un système hybride. Imaginez un peu : le cerveau mélange des événements discrets — comme les neurones qui s’activent — avec une dynamique continue. Vous avez des pics d’activité, des libérations de neurotransmetteurs, mais tout cela baigne dans des champs de tension, des gradients chimiques et une diffusion ionique qui évoluent sans cesse. Ce n’est ni purement numérique, ni seulement analogique. C’est un système en couches où le continu façonne le discret, et inversement, dans une boucle infinie.

Ensuite — et c’est là que ça devient compliqué pour nos amis informaticiens — le système est inséparable à l’échelle. Dans un ordinateur classique, on tire un trait net entre le logiciel et le matériel. Dans le cerveau ? Impossible. Comme le note le crédit accordé à Borjan Milinkovic pour l’illustration de ce concept, tout influence tout. Des canaux ioniques aux champs électriques, des circuits jusqu’à la dynamique globale du cerveau, il n’y a pas de frontière propre. L’histoire causale traverse toutes les échelles à la fois. Changer l’implémentation physique, c’est changer le calcul lui-même, car les deux sont profondément enchevêtrés.

Enfin, troisièmement, le calcul biologique est ancré métaboliquement. Le cerveau est un organe qui consomme de l’énergie, et son organisation reflète cette contrainte partout. Ce n’est pas juste une note de bas de page pour les ingénieurs ; cela façonne ce que le cerveau peut apprendre, ce qu’il peut représenter et comment l’information circule. Ce couplage serré entre les niveaux n’est pas un accident complexe, c’est une stratégie d’optimisation énergétique pour produire une intelligence robuste avec des ressources limitées.

Repenser l’IA et les esprits synthétiques

credit : lanature.ca (image IA)

Ces propriétés nous mènent à une conclusion qui peut sembler inconfortable. Le calcul dans le cerveau n’est pas une manipulation abstraite de symboles. Ce n’est pas juste mélanger des représentations selon des règles formelles. Au contraire, dans le computationnalisme biologique, l’algorithme est le substrat. L’organisation physique ne se contente pas de soutenir le calcul ; elle le constitue. Les cerveaux ne font pas simplement tourner un programme ; ils sont un processus physique particulier qui se déploie dans le temps.

Cela met en lumière une limite majeure de l’IA contemporaine. Nos systèmes actuels, aussi puissants soient-ils, simulent des fonctions. Ils font des approximations impressionnantes, mais le calcul reste une procédure numérique exécutée sur un matériel conçu pour un style très différent. Les cerveaux, eux, instancient le calcul dans le temps physique. Les flux d’ions, l’intégration dendritique, les interactions électromagnétiques émergentes… ce ne sont pas des « détails » biologiques qu’on peut ignorer. Ce sont les primitives de calcul du système.

Attention, je ne dis pas — et les auteurs non plus — que la conscience est magiquement réservée à la vie basée sur le carbone. Ce n’est pas un argument « biologie ou rien ». Ce qu’ils disent est plus subtil : si la conscience dépend de ce type de calcul, alors elle pourrait nécessiter une organisation computationnelle de style biologique, même si elle est implémentée dans de nouveaux substrats. La question n’est pas de savoir si c’est biologique, mais si le système instancie la bonne classe de calcul hybride, inséparable à l’échelle et ancré énergétiquement.

Conclusion : Vers une nouvelle matière informatique

credit : lanature.ca (image IA)

Cela change radicalement la cible pour quiconque s’intéresse aux esprits synthétiques. Si le calcul du cerveau est indissociable de sa réalisation physique, alors mettre à l’échelle l’IA numérique seule pourrait ne pas suffire. Le défi plus profond est que nous optimisons peut-être la mauvaise chose : nous améliorons les algorithmes tout en laissant l’ontologie computationnelle sous-jacente intacte.

Le computationnalisme biologique suggère que pour ingénier des systèmes véritablement semblables à l’esprit, nous devrons peut-être construire de nouveaux types de systèmes physiques. Des machines où le calcul n’est pas posé en couches, mais distribué, couplé dynamiquement et ancré dans la physique du temps réel. Si nous voulons une conscience synthétique, le problème n’est peut-être pas « Quel algorithme devons-nous exécuter ? », mais plutôt « Quel genre de système physique doit exister ? ». C’est le changement que cette théorie exige : passer de la recherche du bon programme à la recherche de la bonne matière informatique.

Selon la source : phys.org

Ce contenu a été créé avec l’aide de l’IA.

facebook icon twitter icon linkedin icon
Copié!
Plus de contenu