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Les baleines pourraient vivre jusqu’à 200 ans, mais une triste réalité nous empêche de le confirmer
Crédit: lanature.ca (image IA)

Une longévité méconnue et sous-estimée

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Certaines espèces sur notre planète défient littéralement le temps. On pense tout de suite aux arbres millénaires, bien sûr, mais il y a aussi des créatures marines fascinantes, comme Ming la praire, ce mollusque dont la vie s’est arrêtée prématurément alors qu’il était incroyablement vieux. Dans cet océan de longévité, les baleines occupent une place à part. On a longtemps soupçonné qu’elles pouvaient vivre plusieurs siècles, mais pendant des décennies, ces cas ont été considérés comme des anomalies statistiques, quelques individus chanceux plutôt qu’une règle générale pour l’espèce.

Pourtant, des scientifiques se sont penchés sur la question pour vérifier si notre scepticisme était justifié. La réponse qui émerge aujourd’hui est bouleversante : oui, elles vivent probablement bien plus longtemps que nous l’imaginions. Si nous ne le savions pas avec certitude jusqu’à présent, c’est pour une raison tragique, directement liée à notre propre histoire.

Les indices du passé : harpons et cérumen

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Déterminer l’âge précis d’une baleine, ce n’est pas une mince affaire. C’est un peu comme une enquête policière. Par le passé, on utilisait les couches de cérumen accumulées dans les oreilles — oui, de la cire d’oreille de baleine — qui se forment strate par strate chaque année. Mais les preuves les plus flagrantes de leur longévité extrême ont souvent été retrouvées… directement plantées dans leur graisse. C’est assez glaçant quand on y pense.

Prenez cet exemple frappant survenu en 2007 : on a découvert une pointe de harpon, un modèle utilisé par les chasseurs de baleines yankees, incrustée dans la graisse d’une baleine boréale. Après analyse, il s’est avéré que cet outil avait été fabriqué en 1885. Cela suggère que l’animal naviguait dans les océans depuis au moins deux siècles. Des recherches ultérieures ont d’ailleurs étayé l’idée que ces géants peuvent vivre au moins jusqu’à 200 ans.

L’année dernière, Greg Breed, professeur associé à l’Université d’Alaska Fairbanks, a mené des recherches révélatrices sur les baleines franches. Selon ses travaux, ces animaux peuvent probablement dépasser les 130 ans. Cette longévité extrême serait la norme, et non l’exception, chez les balaenidés (qui incluent les baleines boréales et les baleines franches de l’Atlantique Nord). Mais alors, pourquoi ne le découvre-t-on que maintenant ? Greg Breed l’explique avec une simplicité déconcertante : « Nous n’avons su comment déterminer l’âge des baleines à fanons qu’en 1955, ce qui correspondait à la toute fin de la chasse industrielle à la baleine. »

Le drame est là : le temps que nous comprenions comment lire leur âge, il ne restait presque plus de vieilles baleines à étudier. Nous les avions déjà toutes tuées. Nous avons donc bêtement supposé qu’elles ne vivaient pas si longtemps, simplement parce que les survivantes étaient jeunes.

Disparités tragiques entre le Nord et le Sud

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Dans leur étude, Breed et ses collègues ont utilisé la modélisation informatique pour estimer la durée de vie des baleines franches australes (Eubalaena australis) et de leurs cousines de l’Atlantique Nord (Eubalaena glacialis). Les résultats pour les baleines du sud sont impressionnants : elles pourraient vivre plus de 130 ans, même si les estimations actuelles, plus prudentes, parlent de 70 à 80 ans.

La situation est bien plus sombre pour les baleines franches de l’Atlantique Nord (NARW). Les modèles prédisent une espérance de vie ridicule de seulement 22 ans. C’est une anomalie incompréhensible d’un point de vue biologique, car ces deux espèces partagent une physiologie et une écologie très similaires. L’équipe est convaincue qu’elles ont toutes deux la capacité d’atteindre 100, voire 150 ans. La différence ? C’est nous. L’impact humain a artificiellement fauché leur espérance de vie.

Il faut dire que ces baleines portent le lourd fardeau de leur nom anglais, « Right whale » : c’était la « bonne » baleine à tuer. Pourquoi ? Parce qu’elles sont lentes, dociles, riches en graisse (ce qui les fait flotter une fois mortes, facilitant la récupération) et possèdent des fanons qui étaient très prisés pour la fabrication de corsets. Dans les années 1890, les baleiniers ont poussé l’espèce au bord de l’extinction.

Même si la chasse n’est plus la menace principale, la population n’a jamais pu retrouver ses chiffres d’antan à cause de nos activités incessantes : pêche, exploitation minière en haute mer, chalutage et le bruit infernal des océans. On estime qu’il ne reste aujourd’hui que quelques centaines d’individus de cette espèce. Les chercheurs soulignent un point mathématique effrayant : « La chasse industrielle, qui ne s’est arrêtée pour la plupart des espèces qu’il y a 60 ans, aurait obligé tout individu âgé de plus de 100 ans aujourd’hui à survivre à au moins 40 ans de chasse intense. Pour un individu de 150 ans, il aurait fallu survivre à 90 ans de ce massacre. » Autant dire que les chances qu’il reste de très vieilles baleines sont infimes.

Conclusion : L’importance vitale des aînés

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La science progresse, heureusement. Une technique appelée racémisation de l’acide aspartique (AAR) permet désormais d’estimer l’âge en mesurant la conversion naturelle de l’acide L-aspartique en acide D-aspartique dans le cristallin de l’œil. Mais c’est une méthode complexe qui nécessite souvent… des animaux morts. Beaucoup de nos données actuelles proviennent d’ailleurs de l’industrie baleinière japonaise ou d’animaux échoués, dont les tissus se décomposent hélas très vite.

Avec des baleines boréales atteignant 200 ans et des baleines franches potentiellement capables de vivre 150 ans, le moratoire mondial de la Commission baleinière internationale de 1986 est arrivé bien tard. « Pour obtenir des populations saines comprenant des animaux âgés, le rétablissement pourrait prendre des centaines d’années », prévient Greg Breed. C’est logique : pour des animaux qui vivent un siècle et demi et ne donnent naissance à un petit survivant que tous les 10 ans environ, la patience est de mise.

Mais ce n’est pas qu’une question de chiffres ou de biomasse. C’est une question de culture. Breed insiste sur un point fondamental : « Il y a une reconnaissance croissante que le rétablissement ne concerne pas seulement le nombre d’individus. Il s’agit du savoir que ces animaux transmettent. » Ce savoir n’est pas génétique, il est comportemental. Les vieilles baleines enseignent aux jeunes où se nourrir, comment migrer, comment survivre. Quand nous tuons les aînés, nous brisons cette chaîne de transmission essentielle, mettant en péril la survie même des générations futures. Espérons qu’en leur laissant un peu de répit pour les cent prochaines années, nous pourrons enfin voir de nos propres yeux ce que signifie vraiment « vieillir » pour une baleine.

Selon la source : iflscience.com

Ce contenu a été créé avec l’aide de l’IA.

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