Faut-il créer une « Catégorie 6 » pour les ouragans ? La question qui divise les scientifiques
Auteur: Mathieu Gagnon
Quand l’échelle actuelle ne suffit plus

On a tous en tête ces images effrayantes des bulletins météo. La fameuse catégorie 5. C’est, pour l’instant, le sommet de l’échelle, le niveau d’alerte ultime qui crie au danger de mort et à la destruction imminente. Mais voilà, avec le climat qui se réchauffe et des prévisions qui ne sont guère optimistes, on est en droit de se poser une question… disons, un peu effrayante : est-ce que ce plafond est encore suffisant ?
Les ouragans gagnent en puissance, c’est un fait, et de nombreux scientifiques commencent à murmurer — voire à clamer haut et fort — qu’il serait temps d’introduire un nouvel échelon : la Catégorie 6. Actuellement, nous utilisons l’échelle des vents d’ouragan Saffir-Simpson. Elle classe ces monstres de la nature de 1 à 5, uniquement en se basant sur la vitesse maximale soutenue des vents. Pour décrocher le triste titre de catégorie 5, un ouragan doit souffler à 252 kilomètres par heure (soit 157 miles par heure) ou plus. C’est énorme, on est d’accord.
Cette échelle est aussi censée nous donner une idée des dégâts potentiels. Une tempête de catégorie 5 est synonyme de « dommages catastrophiques », rendant les zones touchées inhabitables pour des semaines, voire des mois. Mais le problème, c’est que cette catégorie n’a pas de limite supérieure. Que le vent souffle à 253 km/h ou à 350 km/h, c’est la même étiquette. Et c’est là que le bât blesse, car certains phénomènes récents ont largement dépassé les bornes de ce que l’on imaginait possible il y a quelques décennies.
Une proposition qui gagne du terrain : les arguments en faveur du changement

Ce n’est pas une idée qui sort de nulle part, loin de là. Cela fait plusieurs années que des chercheurs tirent la sonnette d’alarme, demandant une révision de cette échelle. Avec la multiplication des événements extrêmes ces derniers temps, leurs voix portent enfin un peu plus. Le Dr Tom Matthews, maître de conférences en géographie environnementale au King’s College de Londres, a confié à BBC Science Focus que l’argument est solide. Selon lui, nous allons tellement loin dans la catégorie 5 qu’il devient presque trompeur de continuer à utiliser ce terme pour des tempêtes d’une violence inédite.
L’année dernière, une étude menée par des chercheurs du Lawrence Berkeley National Laboratory et de l’Université du Wisconsin–Madison a apporté de l’eau au moulin de cette théorie. Tenez-vous bien : ils ont constaté que depuis 2013, au moins cinq tempêtes avaient atteint des vents dépassant les 309 kilomètres par heure (192 miles par heure). Ce chiffre, 309 km/h, c’est la limite proposée pour basculer dans cette fameuse catégorie 6. On est bien au-dessus du seuil actuel de la catégorie 5.
James Kossin, l’un des auteurs de cette étude de 2024, a souligné un point intéressant. Il admet que l’ajout d’une 6ème catégorie ne résoudrait pas tous les problèmes de communication (on y reviendra), mais cela aurait le mérite de sensibiliser le public aux périls accrus liés au réchauffement climatique. L’idée n’est pas juste de changer une échelle pour le plaisir, mais de faire comprendre que le risque éolien des tempêtes actuelles classées catégorie 5 a augmenté et va continuer de grimper. C’est un signal d’alarme, en quelque sorte.
Le débat : le vent ne fait pas tout, quid des inondations ?

Cependant, tout n’est pas si simple. Il y a toujours un « mais », n’est-ce pas ? Certains experts craignent que le fait de se focaliser uniquement sur la vitesse du vent ne soit contre-productif, voire dangereux. Prenons l’exemple de l’ouragan Katrina. Quand il a touché terre, il n’était « que » de catégorie 3. Pourtant, les dégâts ont été apocalyptiques. Pourquoi ? À cause de l’onde de tempête, la montée des eaux. Le vent n’était pas le seul coupable.
Le professeur Jennifer Collins, chercheuse sur les ouragans à l’école des géosciences de l’Université de Floride du Sud, a mis le doigt sur ce problème. Elle explique que les gens utilisent souvent la catégorie de la tempête pour décider d’évacuer ou non. C’est un comportement humain assez logique, je suppose. Mais c’est incroyablement risqué. Si on annonce une tempête tropicale ou une catégorie 1, aucune sonnette d’alarme ne retentit chez les habitants, alors que le risque d’inondation peut être mortel. Elle a d’ailleurs co-écrit une étude récente plaidant pour que le risque d’inondation et d’onde de tempête soit inclus dans la classification.
C’est un sujet très actif en ce moment. James Kossin le reconnait lui-même : les messages sur les risques doivent évoluer pour mieux informer le public sur les inondations à l’intérieur des terres, des phénomènes pour lesquels une échelle basée sur le vent n’est que… comment dire… tangentiellement pertinente.
L’avenir nous réserve-t-il plus de monstres météorologiques ?

Malheureusement, il semble que les prévisions de Kossin sur l’avenir des ouragans soient justes. Une nouvelle étude, présentée tout récemment lors de la réunion annuelle 2025 de l’American Geophysical Union, ne laisse guère de place au doute. Dirigée par I-I Lin, professeur au département des sciences atmosphériques de l’Université nationale de Taïwan, cette recherche a identifié des « points chauds » où ces potentiels ouragans de catégorie 6 ont tendance à se former.
Le plus grand de ces points chauds se trouve à l’est des Philippines et de Bornéo, dans le Pacifique occidental. Dans ces zones, l’eau est chaude non seulement en surface, mais aussi en profondeur. C’est comme du carburant pour les tempêtes : elles n’ont aucune occasion de se refroidir et de perdre en intensité. Et ce n’est pas tout… Lin a noté que ces régions de points chauds se sont étendues. Si une partie de cette expansion est due à des fluctuations naturelles, une part massive, estimée entre 60 et 70 %, est attribuable au changement climatique causé par l’homme.
Cela ne veut pas dire que chaque tempête dans ces zones deviendra une catégorie 6, heureusement. Mais avec le réchauffement continu, la probabilité augmente. I-I Lin défend l’idée d’une catégorie 6 depuis 2014 déjà. Pour lui, reconnaître officiellement cette catégorie permettrait une meilleure planification, tant dans ces points chauds qu’ailleurs. Comme il le conclut si bien : « Nous pensons vraiment qu’il est nécessaire de fournir au public des informations plus importantes. »
Conclusion : Vers une prise de conscience nécessaire

Alors, faut-il franchir le pas ? La science semble nous dire que nos vieilles échelles de mesure sont en train de devenir obsolètes face à la nouvelle réalité climatique. Que l’on adopte ou non cette « Catégorie 6 », le message de fond reste le même et il est crucial : les tempêtes changent, elles deviennent plus féroces, et nos méthodes pour nous en protéger doivent évoluer.
C’est peut-être juste un chiffre sur une échelle, mais si ce chiffre peut sauver des vies en faisant prendre conscience du danger réel, alors la question mérite d’être posée sérieusement. En attendant, restons vigilants et écoutons les experts, qu’ils parlent de vent ou d’eau.
Ce contenu a été créé avec l’aide de l’IA.