
Quand on parle de troubles liés à l’image corporelle, on pense souvent aux adolescentes en quête d’un corps parfait. Pourtant, ce phénomène touche bien au-delà de ce cliché. De plus en plus de jeunes hommes, parfois dès l’adolescence, sont eux aussi piégés par une obsession : celle d’un corps toujours plus musclé, toujours plus imposant. Ce trouble porte un nom : la bigorexie, ou dysmorphie musculaire. Derrière cette quête sans fin de muscles se cache une profonde insatisfaction corporelle, alimentée par des images idéalisées qui pullulent sur les réseaux sociaux. Influenceurs taillés au couteau, célébrités aux physiques retouchés… Autant de modèles inatteignables qui nourrissent ce mal silencieux, souvent invisible aux yeux des parents. Pourtant, les conséquences peuvent être graves, à la fois pour la santé mentale et physique de ceux qui en souffrent.
qu’est-ce que la bigorexie ?

La bigorexie, également appelée dysmorphie musculaire, est un trouble psychologique lié à une perception déformée de son propre corps. Contrairement à ce qu’on pourrait croire, il ne s’agit pas simplement de vouloir être en forme ou de prendre soin de son apparence. Ce trouble pousse la personne à se voir constamment trop maigre ou pas assez musclée, même si elle a une musculature impressionnante.
Cette obsession permanente pour le développement musculaire peut entraîner des comportements extrêmes, comme des heures de sport chaque jour, des régimes alimentaires stricts ou encore la consommation de suppléments douteux. Il est important de comprendre que cette fixation n’a rien à voir avec une simple passion pour le sport. C’est une réelle détresse psychologique.
une perception faussée de leur propre corps

Le plus inquiétant avec la bigorexie, c’est que peu importe à quel point la personne est musclée, elle ne se sent jamais satisfaite. Elle se voit toujours plus petite, plus faible, ou “pas assez”. Cette distorsion de l’image corporelle est similaire à ce qu’on observe dans l’anorexie, sauf qu’ici, l’obsession porte sur le volume musculaire.
Les jeunes touchés peuvent se peser ou se mesurer sans arrêt, passer des heures devant le miroir à scruter leur corps, ou même éviter certaines sorties ou activités sociales par peur de manquer un entraînement ou de mal manger.
Un trouble en forte augmentation chez les jeunes hommes

Même si la bigorexie reste moins connue que l’anorexie, elle est en nette augmentation. Selon une étude menée en 2019, environ 22% des jeunes hommes âgés de 18 à 24 ans présentaient des comportements alimentaires orientés vers la prise de masse musculaire. Cela inclut des régimes stricts, une surconsommation de protéines, et parfois même l’usage de stéroïdes anabolisants.
Ces comportements, qui peuvent paraître anodins ou même “sains” de l’extérieur, peuvent dégénérer en véritable dépendance, avec un impact négatif sur la santé physique et mentale. À terme, cela peut conduire à de la dépression, un isolement social, et dans les cas les plus graves, à des complications cardiaques dues à la combinaison de régimes extrêmes et d’efforts physiques excessifs.
comment repérer les signes de la bigorexie chez votre enfant ou petit-enfant ?

Les signes de la bigorexie peuvent être discrets au début, d’autant plus que la société valorise souvent l’activité physique et la musculature. Cependant, certains indices doivent alerter les parents :
- Des entraînements longs, répétitifs, qui passent avant les études, les amis ou les loisirs.
- Une obsession pour le régime alimentaire, avec des restrictions strictes (pas de gras, peu de glucides) et une attention obsessionnelle aux protéines.
- Un contrôle permanent de l’apparence, avec de nombreux passages devant le miroir et une forte inquiétude au moindre “défaut”.
- Un refus de sortir ou de voyager par peur de manquer la salle de sport ou de mal manger.
- Le port de vêtements amples pour cacher un corps jugé “insuffisant”.
- Des achats compulsifs de compléments alimentaires ou de vêtements mettant en valeur certaines parties du corps.
les facteurs de risque : qui est le plus vulnérable ?

Il est difficile de prédire précisément qui développera une bigorexie, mais plusieurs facteurs augmentent le risque, notamment :
- Un passé de moqueries ou de harcèlement lié au poids ou à l’apparence.
- Une faible estime de soi ou une tendance à l’anxiété.
- Un isolement social, qui pousse à trouver une valeur personnelle à travers l’apparence physique.
- Une consommation excessive de contenus sur les réseaux sociaux, en particulier les comptes fitness ou culturisme.
- La pression culturelle qui valorise les corps musclés comme idéal masculin.
Même si la bigorexie n’est pas officiellement classée comme un trouble alimentaire, elle s’en rapproche par bien des aspects, notamment dans la relation obsessionnelle à la nourriture et à l’exercice.
la frontière floue entre passion et obsession

Pour de nombreux jeunes, se mettre au sport ou adopter une alimentation saine commence souvent de manière positive, avec l’envie de prendre soin de soi. Mais chez certaines personnes, cette motivation bascule lentement vers une obsession maladive. Ce glissement est d’autant plus difficile à détecter que l’entraînement intensif et la surveillance de l’alimentation sont souvent perçus comme des signes de discipline ou de détermination.
Le problème, c’est que dans le cas de la bigorexie, l’activité physique ne procure plus de plaisir. Elle devient une contrainte rigide, indispensable pour calmer l’anxiété liée à l’image corporelle. Il ne s’agit plus de bien-être, mais d’un combat permanent contre une image négative de soi-même, une image souvent bien loin de la réalité.
ce n’est pas de la vanité, c’est de la souffrance

Il est essentiel de comprendre que les jeunes atteints de bigorexie ne sont pas simplement narcissiques ou égocentriques. Leur obsession découle d’un profond mal-être, nourri par une peur constante de ne jamais être “assez bien”. Derrière cette quête de perfection se cachent des insécurités, une peur du rejet, et parfois une grande détresse émotionnelle.
Dans les cas les plus graves, cette souffrance peut entraîner des pensées suicidaires, surtout lorsque la personne sent qu’elle ne parviendra jamais à atteindre l’image idéalisée qu’elle a en tête. Cette détresse est souvent mal comprise par l’entourage, ce qui peut aggraver l’isolement.
l’influence toxique des réseaux sociaux

Les réseaux sociaux, et particulièrement les comptes fitness ou culturisme, jouent un rôle majeur dans le développement de la bigorexie. Les jeunes y sont exposés en permanence à des corps sculptés, retouchés, idéalisés, qui semblent être la norme.
Les likes et les commentaires admiratifs renforcent cette idée que la valeur personnelle dépend du physique. Pour certains, cette quête de reconnaissance peut devenir une véritable obsession, les poussant à adopter des comportements de plus en plus extrêmes.
Pour protéger vos enfants ou petits-enfants, il est important de les encourager à suivre des influenceurs qui valorisent la diversité corporelle et qui promeuvent la santé avant l’apparence.
quelles solutions ? comment aider ?

La bigorexie étant encore peu connue, il existe peu de traitements spécifiquement adaptés. Cependant, les thérapies cognitives et comportementales (TCC), souvent utilisées pour les troubles de l’image corporelle, semblent donner de bons résultats.
L’important est d’ouvrir le dialogue, sans jugement, pour comprendre ce que ressent la personne concernée. Il peut être utile de consulter un psychologue spécialisé, notamment dans les troubles alimentaires ou les troubles dysmorphiques.
Enfin, pour les parents et grands-parents, il est essentiel de valoriser la santé et le bien-être global, plutôt que l’apparence physique. Encouragez vos enfants à pratiquer une activité physique pour le plaisir et la détente, plutôt que pour la performance ou l’apparence.
encourager une relation saine avec le sport et l’alimentation

Dans un monde où l’image est omniprésente, il est essentiel d’aider les jeunes à cultiver une relation équilibrée avec leur corps. Faire du sport, manger sainement, vouloir améliorer sa condition physique, ce sont des objectifs positifs, tant que la finalité reste le bien-être et non une quête de perfection irréaliste.
Les parents et grands-parents peuvent jouer un rôle clé en valorisant la diversité corporelle et en montrant l’exemple. Encouragez vos enfants et petits-enfants à bouger pour le plaisir, à manger pour se sentir bien, sans obséder sur le poids ou l’apparence. Un environnement familial où la santé passe avant l’esthétique aide à prévenir les comportements extrêmes.
Rappelez-leur qu’un corps en bonne santé, c’est un corps qui leur permet de vivre pleinement, de profiter de leurs passions et de leurs proches, et non un simple objet à exhiber.