Cancer colorectal : la surprenante raison pour laquelle il frappe de plus en plus les jeunes
Auteur: Simon Kabbaj
Depuis quelques années, les cas de cancer colorectal explosent chez les jeunes adultes. Pourtant, cette maladie était autrefois considérée comme une affection des personnes âgées. Cette tendance inquiète les spécialistes, qui cherchent à comprendre pourquoi cette forme de cancer frappe de plus en plus tôt. Un coupable inattendu vient d’être identifié.
Une bactérie bien connue dans le viseur

Des chercheurs de l’Université de Californie, à San Diego, ont publié une étude révélatrice. Leur travail s’est concentré sur Escherichia coli (E. coli), une bactérie présente naturellement dans notre intestin. Mais certaines souches d’E. coli produisent une toxine redoutable : la colibactine. Cette substance est capable de provoquer des mutations dans nos cellules, ce qui peut favoriser le développement de cancers.
Des chiffres qui confirment la tendance

Le cancer colorectal est l’un des cancers les plus fréquents en France, Belgique, Suisse et Luxembourg. En France, il représente la troisième cause de décès par cancer, avec plus de 51 000 nouveaux cas chaque année. En Belgique, on recense environ 7 500 nouveaux cas par an, ce qui en fait la troisième cause de cancer chez les hommes et la deuxième chez les femmes. Près de 2 400 décès sont enregistrés chaque année.
En Suisse, le cancer colorectal reste également très répandu. Si son incidence est stable chez les femmes et en légère baisse chez les hommes, il demeure l’une des principales causes de mortalité par cancer. Du côté du Luxembourg, cette maladie est la deuxième cause de décès par cancer, illustrant une situation similaire aux autres pays européens.
Dans l’ensemble de l’Europe, environ 220 000 personnes sont diagnostiquées chaque année. Si les campagnes de dépistage et les progrès médicaux ont permis de réduire les cas chez les personnes âgées, les jeunes adultes de moins de 50 ans sont de plus en plus touchés. Cette tendance inquiétante pousse la communauté scientifique à chercher des explications à ce phénomène.
Une découverte venue d’ailleurs

Au départ, les chercheurs voulaient comprendre pourquoi certaines régions du monde comptent plus de cas que d’autres. Pour cela, ils ont analysé les profils génétiques de près de 1 000 patients atteints de cancer colorectal dans plusieurs pays. Leur analyse a révélé une surprise de taille : la toxine colibactine laisse une signature bien visible dans l’ADN des tumeurs, surtout chez les jeunes adultes.
Un lien fort avec les jeunes patients

Les résultats ont été frappants : les mutations liées à la colibactine étaient trois fois plus fréquentes dans les cancers chez les jeunes que chez les plus âgés. Mieux encore, ces mutations apparaissent très tôt dans la formation des tumeurs, parfois dès les dix premières années de la vie. Cette découverte suggère un rôle clé de la colibactine dans l’apparition précoce de la maladie.
L'environnement aussi en cause ?

Cependant, la colibactine n’explique pas tout. Les chercheurs ont remarqué que ces mutations étaient rares dans les régions rurales, ce qui laisse penser que l’alimentation, les antibiotiques ou d’autres facteurs environnementaux favorisent la prolifération des E. coli producteurs de colibactine dans des pays comme les États-Unis. Ces éléments pourraient amplifier le risque de cancer colorectal chez les jeunes.
La recherche menacée par des coupes budgétaires

Malgré cette découverte prometteuse, les chercheurs alertent sur les difficultés de financement. Aux États-Unis, le gouvernement de Donald Trump a récemment réduit les budgets du National Institutes of Health (NIH), l’un des principaux organismes finançant la recherche sur le cancer dans le monde. Ces coupes mettent en péril des études essentielles, comme celles sur le lien entre la bactérie E. coli et le cancer colorectal chez les jeunes.
Selon les chercheurs, ces restrictions budgétaires ne freinent pas seulement la recherche américaine, mais ont aussi des répercussions au niveau mondial. En effet, ce financement permettait de collaborer avec des équipes internationales et de recueillir des données de patients dans plusieurs pays, y compris en Europe et au Canada. Sans ces moyens, les grandes découvertes scientifiques risquent de se faire plus rares.
Vers des solutions pour demain

Cette découverte ouvre la voie à de nouvelles pistes de prévention. Des recherches sont en cours pour vérifier si certains probiotiques pourraient éliminer ces souches dangereuses. Les scientifiques travaillent aussi à développer des tests de dépistage capables d’identifier ces mutations très tôt. Mais tout dépendra des financements, fortement menacés par les récentes coupes budgétaires. Malgré ces obstacles, cette avancée représente un espoir majeur pour mieux comprendre et freiner la progression de ces cancers chez les jeunes.
Source : today