
Depuis des millénaires, les humains vivent aux côtés d’animaux qui grognent, chantent, hurlent ou miaulent sans que nous puissions réellement les comprendre. Aujourd’hui, avec l’aide de l’intelligence artificielle, la science commence à déchiffrer ce que les animaux se disent entre eux… et même à imaginer une forme de réponse. Mais à mesure que cette barrière tombe, une nouvelle question surgit : est-ce une bonne idée de tenter de leur parler en retour ?
L’océan révèle ses secrets sonores

Parmi les pionniers de cette révolution, un projet étonnant : CETI, qui s’intéresse au langage des cachalots. Grâce à l’IA, les chercheurs ont analysé plus de 8 000 séquences de clics échangés entre ces géants marins. Résultat ? Un système de communication complexe, structuré, presque musical, avec des variations baptisées “rubato” ou “ornementation”. Ces clics ne sont pas juste des bruits : ils semblent porteurs d’émotions et de contexte, comme une sorte d’alphabet phonétique animal.
Quand les dauphins apprennent à « parler » avec une IA

Autre espèce fascinante : les dauphins. Le Wild Dolphin Project, en collaboration avec Google DeepMind, a mis au point une IA appelée DolphinGemma, nourrie de 40 ans d’enregistrements. Elle ne se contente pas de reconnaître les sons : elle les anticipe, les classe, et peut même en générer pour simuler des échanges vocaux crédibles.
Une interface pour dialoguer avec les dauphins

Avec cette technologie est né le système CHAT, une interface mobile permettant aux dauphins de demander des objets comme des foulards ou des plantes aquatiques. Ce n’est pas encore une conversation au sens humain du terme, mais c’est déjà un échange. Et cet outil ouvre une porte inédite : les dauphins peuvent formuler une demande, et recevoir une réponse adaptée.
L’intelligence humaine au service des chiens ?

Sur terre, d’autres animaux intéressent les scientifiques. Une équipe menée par l’Université du Michigan a testé un modèle d’IA vocal, initialement conçu pour la voix humaine. Résultat surprenant : ce modèle s’est montré plus performant pour analyser les aboiements de chiens que ceux spécifiquement entraînés sur des données canines. L’IA est capable de détecter l’émotion, le sexe, la race et même l’identité d’un chien, simplement à partir de ses aboiements.
Les chats, moins silencieux qu’on le pense

Les félins, souvent réputés pour leur distance, n’échappent pas non plus à l’étude. Une recherche française a montré que les chats réagissent plus fortement à la voix de leur maître lorsqu’il utilise un ton spécialement adapté – ce qu’on appelle parfois le “baby talk”. Cela suggère qu’ils perçoivent non seulement les mots, mais aussi l’intention émotionnelle derrière la voix humaine.
Les gestes silencieux des créatures marines

D’autres formes de communication, plus visuelles, émergent aussi. Des chercheurs ont observé chez les seiches un langage corporel basé sur des vagues de mouvements. L’IA pourrait bientôt classifier automatiquement ces gestes et comprendre leurs contextes : un flirt, une menace ou une simple reconnaissance.
Des brevets pour traduire les miaulements ?

Même les grandes entreprises s’y intéressent. En Chine, le moteur de recherche Baidu a déposé un brevet pour un système traduisant les vocalises des chats en langage humain. En analysant des données enregistrées chez vous, l’IA pourrait détecter l’humeur de votre chat et vous dire ce qu’il “essaie” de communiquer. Une idée qui semble futuriste, mais qui avance à grands pas.
Un traducteur universel animal : rêve ou réalité ?

Derrière toutes ces recherches, un objectif commence à émerger : créer un outil capable de traduire automatiquement le langage des animaux, un peu comme une machine à traduire universelle. C’est le pari du projet Earth Species Project, qui développe un programme d’intelligence artificielle appelé NatureLM. Ce programme analyse les sons produits par différentes espèces animales, puis les compare à ceux que les humains utilisent pour parler, chanter ou même aux bruits de la nature, afin de mieux comprendre ce que veulent dire les animaux.
Voici la démo
Un miroir de notre propre complexité

Ces découvertes révèlent une chose étonnante : les animaux ont des systèmes de communication bien plus riches et nuancés qu’on ne le pensait. Certains experts estiment que cela change notre perception de leur intelligence, de leur sensibilité, et peut-être même de leurs droits. L’IA ne fait pas que décrypter des sons : elle révèle un univers social qui nous échappait jusque-là.
Les questions que la science ne peut trancher seule

Mais à côté des avancées technologiques se posent de profonds dilemmes éthiques. Peut-on “interrompre” une conversation animale ? Devons-nous intervenir dans leurs échanges naturels ? Un article scientifique récent a pointé six risques majeurs, dont la perte de vie privée des animaux, le danger de les mal interpréter, ou le fait de trop s’appuyer sur la technologie au lieu de préserver leurs milieux.
Écouter, comprendre… mais faut-il répondre ?

Nous approchons d’un tournant. L’intelligence artificielle peut désormais entendre et décrypter une grande partie du monde animal. Mais une question fondamentale reste en suspens : voulons-nous transformer ces informations en conversations ? Peut-être que la meilleure manière de respecter ces êtres, c’est de les écouter… sans forcément leur parler.
Source : earthspecies.org