On y entre souvent pour une bricole, on en ressort les bras chargés. Les magasins à bas prix, de Dollar Tree à Action, exercent une attraction quasi magnétique sur le consommateur. Mais derrière les étiquettes à un ou deux euros se cache une mécanique bien huilée, avec ses astuces et ses zones d’ombre, que seuls ceux qui y travaillent connaissent vraiment.
Le premier piège : l'achat compulsif déguisé en bonne affaire
« C’est le grand classique, et tout le monde tombe dedans », confie Bryan Waring, un ancien employé de Dollar Tree. Le mécanisme est simple : quand tout semble si peu cher, on perd le sens de la valeur et on accumule des objets dont on n’a pas réellement besoin. Son conseil, qui relève du bon sens mais qu’on oublie vite : entrer avec une liste de courses précise. C’est la seule façon de ne pas se laisser déborder par l’illusion d’économies sans fin.
D’autant que le prix bas cache souvent une autre réalité : la taille des produits. Pour maintenir des tarifs planchers, les formats sont fréquemment plus petits que dans les supermarchés traditionnels. Un calcul à faire au poids ou au litre pour savoir si l’affaire est si bonne qu’elle en a l’air.
Les vrais bons plans (si on sait quand chercher)
Alors, tout est à jeter ? Loin de là. Selon les initiés, certains rayons valent vraiment le détour. Bryan Waring pointe notamment les produits ménagers : papier toilette, éponges, produits de nettoyage… « Les grandes surfaces vendent ces articles à des prix cinq fois supérieurs à ce qu’ils devraient être », assure-t-il.
Le timing est aussi crucial. Patricia, une employée saisonnière, révèle que la période post-fêtes de fin d’année est une mine d’or. « Après Noël, tous les papiers cadeaux passent à 50 centimes, et les décorations sont à moitié prix ». Une patience qui peut diviser la note par deux sur de nombreux articles.
Ce qu'il faut regarder à deux fois avant de passer en caisse
Pour d’autres produits, la prudence est de mise. En tête de liste : l’alimentaire. Vérifier systématiquement la date de péremption est un réflexe indispensable. Si les conserves ou les bouillons ont une longue durée de vie, les chips ou les confiseries peuvent être proches de leur date limite. C’est l’une des contreparties du modèle.
Méfiance également sur les produits de marque. Contrairement à ce que l’on pourrait croire, on peut souvent les trouver moins chers ailleurs, au gré des promotions des grandes surfaces. Enfin, même pour un produit aussi simple que le savon pour les mains, un manager de Dollar Tree admettait sur Reddit qu’un achat en gros dans un autre magasin revenait souvent moins cher.
Derrière le comptoir, des employés sur tous les fronts
Si les prix sont bas, c’est aussi parce que les coûts de personnel sont optimisés à l’extrême. Les employés de ces chaînes sont souvent de véritables couteaux suisses, jonglant entre la caisse, la mise en rayon et le nettoyage. Plusieurs enseignes ont d’ailleurs été critiquées pour la charge de travail imposée à leurs managers, une manière de limiter les effectifs.
Et ne vous attendez pas à ce que les salariés bénéficient de réductions avantageuses. La plupart des enseignes n’offrent aucun rabais à leur personnel, sauf, dans de rares cas, sur des articles déjà endommagés. Une réalité qui contraste avec l’image de la « bonne affaire » permanente.
Un public bien plus large qu'on ne l'imagine
On pourrait croire ces magasins réservés aux ménages les plus modestes. C’est une erreur. Selon le New York Times, près d’un quart des clients réguliers de ces enseignes aux États-Unis gagnent plus de 70 000 dollars par an. Une étude de Forbes révèle même que près de 30 % des jeunes ménages gagnant plus de 100 000 dollars y font leurs courses.
Le phénomène touche donc toutes les classes sociales, attirées par l’aspect pratique ou la chasse à la bonne affaire sur des produits de base. Le « smart shopping » n’a pas de frontières sociales.
Un modèle en pleine expansion qui se réinvente sans cesse
Loin d’être un épiphénomène, le modèle du discount est une lame de fond. Aux États-Unis, le nombre de « dollar stores » a dépassé celui des pharmacies. Entre 2010 et 2013, la chaîne Family Dollar a ouvert plus d’un magasin par jour. Et cette croissance ne semble pas prête de s’arrêter, portée par les crises économiques et l’inflation.
Le secret de cette endurance ? Un renouvellement constant de l’offre. « Ce qui est amusant, c’est que les articles changent tout le temps. Je pense que c’est ce qui plaît aux clients », glisse Patricia. C’est cette chasse au trésor permanente qui les fait revenir, encore et encore, pour une bricole… ou bien plus.
Selon la source : rd.com