On pensait tenir là l’une des clés pour boucler l’équation climatique : capturer le CO₂ à la sortie des usines et l’enfouir profondément sous terre. Mais une étude publiée dans la prestigieuse revue Nature vient de porter un coup quasi fatal à cette stratégie. Les capacités mondiales de stockage géologique seraient en réalité bien plus faibles que ce que les modèles les plus optimistes nous laissaient espérer.
Des chiffres qui changent tout
La claque est sévère. Alors que les projections tablaient sur une capacité de stockage allant de 11 780 à 40 000 gigatonnes de CO₂, les nouvelles estimations, portées notamment par l’IFP Énergies nouvelles, ramènent ce chiffre à seulement 1 460 gigatonnes. Un chiffre qui, une fois filtrées les zones géologiquement trop risquées, avoisine les 1 600 gigatonnes.
Concrètement, qu’est-ce que cela signifie ? Que même en exploitant tout ce potentiel, on parviendrait à peine à limiter le réchauffement planétaire de 0,7 °C. Un chiffre dérisoire au regard des ambitions affichées par les accords internationaux. L’idée d’une solution technique miracle pour compenser nos émissions vient de prendre du plomb dans l’aile.
Une solution au potentiel inégal et risqué
Le problème ne s’arrête pas à la quantité. La répartition de ces sites de stockage potentiels est aussi une source d’inquiétude. Près de 70 % se trouvent sous les continents, le reste sous les fonds marins. Cela veut dire que de nombreuses régions très industrialisées, et donc fortes émettrices, n’ont tout simplement pas la géologie adéquate à proximité pour envisager de tels projets.
S’ajoute à cela la question des risques écologiques. Les chercheurs sont formels : pour garantir un stockage sûr, sans fuites ni réactions chimiques imprévues, le volume total tombe à moins de 1 500 gigatonnes. Cette contrainte de sécurité réduit encore davantage la portée d’une technologie déjà surévaluée.
Un électrochoc pour les stratégies climatiques
Pour les gouvernements et les industries qui misaient sur la capture et le stockage du carbone (CSC) pour atteindre la neutralité carbone, la nouvelle est brutale. Le CSC était perçu comme le joker technologique qui permettrait de continuer à émettre tout en respectant les objectifs climatiques. Comme le souligne le Financial Times, cette béquille s’avère bien plus fragile que prévu.
Cette révélation force à un changement de paradigme. Plutôt que de chercher à cacher nos déchets carbonés sous le tapis, l’urgence est plus que jamais de réduire drastiquement les émissions à la source. C’est tout un pan de la planification écologique qui doit être repensé.
Le retour forcé à la réduction à la source
Si l’on ne peut pas stocker le CO₂, que reste-t-il ? La réponse est à la fois simple et terriblement complexe : il faut cesser d’en émettre. La sobriété énergétique et l’accélération de la transition vers les énergies renouvelables ne sont plus des options, mais des impératifs absolus.
Les investissements massifs prévus dans les technologies de capture du carbone pourraient, et devraient sans doute, être réorientés. Les décideurs politiques se retrouvent face à un mur. Ils doivent désormais arbitrer en faveur de solutions dont l’efficacité est prouvée, même si elles sont politiquement plus difficiles à mettre en œuvre.
un avenir à réécrire
Cette étude ne ferme pas complètement la porte au stockage géologique, qui pourrait jouer un rôle marginal pour certaines industries spécifiques. Mais elle nous oblige à regarder la réalité en face : il n’y aura pas de solution magique pour effacer notre dette carbone. L’heure n’est plus aux paris technologiques hasardeux.
Les politiques climatiques mondiales sont à la croisée des chemins. La question n’est plus de savoir *si* nous devons changer de cap, mais à quelle vitesse et avec quel courage nous allons le faire. La réponse déterminera le monde que nous laisserons aux générations futures.
Selon la source : le-gaz.fr