Climat : une étude met en évidence le rôle écologique des huîtres face au réchauffement planétaire
Auteur: Adam David
On les déguste à Noël, on les associe au terroir et aux embruns de l’Atlantique. Pourtant, derrière leur coquille nacrée, les huîtres traînaient une réputation peu flatteuse sur le plan environnemental. On les accusait de contribuer, à leur petite échelle, au réchauffement climatique. Une récente étude vient de jeter un pavé dans la marre, et si c’était tout le contraire ?
Sur le banc des accusés : la fabrication de la coquille
D’où vient cette mauvaise réputation ? Tout part d’un processus naturel et vital pour le coquillage : la calcification. Pour construire leur armure de calcaire, les huîtres doivent puiser des ions dans l’eau de mer. Cette réaction chimique, bien connue des biologistes, a un effet secondaire : elle libère du dioxyde de carbone (CO₂) dans l’océan.
Le raisonnement était simple : en relâchant ce CO₂, l’océan devenait localement plus acide et sa capacité à absorber le carbone de l’atmosphère s’en trouvait diminuée. L’huître, par le simple fait d’exister, était donc perçue comme une petite usine à gaz à effet de serre. Une vision qui a longtemps prévalu dans une partie de la communauté scientifique.
Le coup de théâtre venu de Chine
Pourtant, une étude publiée récemment dans la prestigieuse revue *Proceedings of the National Academy of Sciences (PNAS)* vient complètement rebattre les cartes. Des chercheurs chinois ont décidé de regarder le bilan carbone de l’huître sur l’ensemble de son cycle de vie, et pas seulement durant la fabrication de sa coquille. Et leurs conclusions sont pour le moins surprenantes.
Leur découverte est frappante : au cours de sa croissance, une huître capture et stocke dans sa chair et sa coquille jusqu’à 2,4 fois plus de CO₂ qu’elle n’en a émis pour se construire. Le bilan net est donc largement positif. Loin d’être une source de pollution, elle serait en réalité un formidable puits de carbone.
Nos parcs à huîtres, des forêts sous-marines ?
L’implication est potentiellement énorme. Si ces résultats se confirment, cela signifie que les vastes fermes ostréicoles, comme celles du bassin d’Arcachon, de la Bretagne ou de la Normandie, ne sont pas seulement des lieux de production gastronomique. Elles agiraient comme de véritables aspirateurs à carbone, contribuant activement à mitiger les effets du réchauffement climatique.
On pourrait presque voir ces parcs comme des forêts sous-marines, capturant le carbone pour le transformer en matière vivante. Une perspective qui change radicalement le regard que l’on porte sur cette activité. Mais, comme souvent en science, il faut se garder de tout triomphalisme hâtif.
La douche froide d'un chercheur français
C’est là qu’intervient le regard critique de Fabrice Pernet, chercheur à l’Institut français de recherche pour l’exploitation de la mer (Ifremer). N’ayant pas participé à l’étude, il a pu l’analyser avec distance pour le média *Mongabay*, et il soulève deux limites de taille qui invitent à la plus grande prudence.
Premièrement, la période d’étude. Les mesures n’ont été effectuées qu’entre juin et octobre, en pleine journée. Or, c’est le moment où la photosynthèse du plancton bat son plein, aspirant massivement le CO₂ de l’eau. Cela pourrait, selon lui, surestimer l’absorption de carbone et sous-estimer ce que l’huître relâche réellement, notamment la nuit.
Un seul lieu, une seule vérité ?
Le second bémol, et non des moindres, est géographique. L’étude a été menée sur un seul et unique site en Chine. Il est donc impossible, à ce stade, d’en tirer une conclusion universelle. Les conditions de température, de salinité, ou encore l’espèce d’huître étudiée, peuvent tout changer.
Le superpouvoir de l’huître est-il valable pour toutes ses cousines à travers le monde, ou est-ce une spécificité locale ? C’est toute la question. On ne peut pas encore affirmer que les huîtres d’Arcachon ou de Cancale se comportent exactement de la même manière.
une piste à creuser, sans crier victoire
Alors, faut-il sabrer le champagne ou garder la tête froide ? Probablement un peu des deux. Cette étude a l’immense mérite d’ouvrir une brèche et de nous forcer à reconsidérer le rôle écologique de l’ostréiculture. L’idée que nos bassins ostréicoles puissent être des alliés dans la lutte climatique est enthousiasmante.
Mais le chemin est encore long avant de pouvoir l’affirmer avec certitude. Il faudra d’autres études, menées sur des cycles annuels complets et dans différents endroits du globe. En attendant, on peut continuer de les déguster, avec peut-être un peu moins de culpabilité et un peu plus d’espoir.
Selon la source : science-et-vie.com