L’hydrogène dans notre air : une menace cachée qui aggrave le changement climatique ?
Auteur: Mathieu Gagnon
On parle beaucoup du dioxyde de carbone, le fameux CO₂, comme le grand méchant du réchauffement climatique. Et c’est vrai. Mais dans l’ombre, un autre gaz, bien plus léger et discret, joue un rôle de plus en plus inquiétant : l’hydrogène.
Attention, il ne réchauffe pas la planète directement comme le CO₂. Non, son action est plus sournoise. Il modifie la chimie de notre atmosphère et, ce faisant, il aide d’autres gaz à effet de serre à faire encore plus de dégâts. Une étude toute récente, qui a réussi à remonter le temps sur plus de 1000 ans, nous montre à quel point sa présence a augmenté et pourquoi on doit s’en préoccuper sérieusement.
Une augmentation qui ne trompe pas
Les chiffres sont assez frappants. Les scientifiques ont découvert que la quantité d’hydrogène dans l’air a grimpé en flèche. Pour vous donner une idée, avant l’époque des usines et des machines, on mesurait environ 280 parties par milliard. Aujourd’hui ? On est à près de 530. C’est une augmentation de presque 60 % depuis le début de l’ère industrielle.
Ce n’est pas une coïncidence. Cette courbe suit parfaitement celle de notre utilisation des énergies fossiles. Quand on brûle du charbon, du pétrole, du gaz, ou même du bois, on libère de l’hydrogène sans le vouloir. C’est un sous-produit invisible de notre monde moderne.
Le secret caché dans la glace du Groenland
Mais comment savoir quelle quantité d’hydrogène il y avait dans l’air il y a des centaines d’années ? La réponse se trouve dans la glace ancienne. Le problème, c’est que l’hydrogène est une toute petite molécule, très agitée. Elle s’échappe des échantillons de glace pendant leur long voyage du Pôle Nord jusqu’aux laboratoires. C’était un vrai casse-tête.
Alors, une équipe de chercheurs a eu une idée brillante. Plutôt que de ramener la glace au laboratoire, ils ont emmené le laboratoire sur la glace ! Directement au Groenland. À peine un échantillon de glace était foré, qu’il était immédiatement analysé sur place. Fini les fuites. C’est grâce à cette technique, menée par le scientifique John Patterson, qu’on a pu enfin reconstituer l’histoire de l’hydrogène sur plus de 1000 ans.
Un avertissement venu du passé
Ce voyage dans le temps nous a réservé une surprise. L’augmentation n’a pas été constante. Il y a eu une période, entre le 16ème et le 19ème siècle, qu’on appelle le « Petit Âge Glaciaire », où la quantité d’hydrogène a chuté d’environ 16 %. C’est étrange, n’est-ce pas ?
Les scientifiques pensent que la diminution des feux de forêt à cette époque n’explique pas tout. Cela suggère que la nature elle-même, à travers la biologie des sols ou la chimie des océans, joue un rôle majeur dans la régulation de l’hydrogène. Un rôle qu’on commence à peine à comprendre et qui semble très sensible aux changements de climat. On dirait que la Terre a ses propres mécanismes, et qu’on les a déréglés.
L'effet indirect : un coup de pouce au redoutable méthane
Alors, concrètement, quel est le problème avec cet hydrogène ? Comme on l’a dit, il ne piège pas la chaleur. Son rôle est plus pervers. Dans l’atmosphère, il y a une sorte de « police de nettoyage », des molécules appelées radicaux hydroxyles, qui détruisent les gaz polluants, notamment le méthane, un gaz à effet de serre très puissant.
Le souci, c’est que l’hydrogène et le méthane se disputent l’attention de cette police de nettoyage. S’il y a plus d’hydrogène, les nettoyeurs sont plus occupés avec lui et ont moins de temps pour s’occuper du méthane. Résultat : le méthane reste plus longtemps dans l’atmosphère et son effet réchauffant est prolongé. On estime que l’hydrogène est responsable d’environ 2 % du réchauffement climatique causé par l’homme. C’est peu, mais ce n’est certainement pas rien.
L'hydrogène vert, une solution à double tranchant ?
Aujourd’hui, on parle beaucoup de « l’économie de l’hydrogène ». Utiliser de l’hydrogène propre, dit « vert », pour remplacer l’essence ou le gaz dans les transports et l’industrie. C’est une excellente idée sur le papier. Mais il y a un hic : les fuites.
Même avec les meilleures technologies, il y aura toujours de petites fuites d’hydrogène dans l’atmosphère. Et comme on vient de le voir, chaque fuite aggravera le problème du méthane. C’est un peu un cercle vicieux. Que faire alors ? L’idée n’est pas de tout abandonner. John Patterson insiste : l’hydrogène reste bien meilleur que les énergies fossiles. Le message est simple : il faut l’utiliser intelligemment, là où c’est vraiment utile, concevoir des systèmes quasi parfaits pour éviter les fuites, et en parallèle, réduire drastiquement nos émissions de méthane.
Conclusion : un outil puissant à manier avec précaution
Cette découverte sur l’hydrogène nous rappelle que le climat est une machine incroyablement complexe. Chaque petit rouage compte. L’augmentation de l’hydrogène est un fait, et ce n’est pas anodin, même s’il n’est pas l’ennemi public numéro un.
Il agit comme un complice, rendant le méthane plus dangereux. La voie à suivre est claire : il faut continuer à se sevrer des énergies fossiles, qui sont la source principale du problème. Et pour l’hydrogène de demain, il faudra le traiter comme un outil de précision : très puissant, très utile, mais à condition de l’utiliser avec le plus grand soin. Il ne s’agit pas d’avoir peur de l’hydrogène, mais de le respecter et d’être bien plus malin que nous ne l’avons été jusqu’à présent.
Selon la source : earth.com