Des excréments de 1300 ans révèlent les maladies qui frappaient les enfants du Mexique
Auteur: Simon Kabbaj
Introduction : une « capsule temporelle biologique » peu ragoûtante
On n’aime pas trop y penser, mais nos excréments sont une véritable mine d’or pour les scientifiques. Et quand ils ont 1300 ans, ils deviennent une ‘capsule temporelle biologique’ qui nous en dit long sur la vie de nos ancêtres. Des chercheurs viennent d’analyser du ‘paléocaca’ retrouvé dans un lieu au nom sinistre, la ‘Grotte des Enfants Morts’ au Mexique. Comme le rapporte une nouvelle étude publiée le 22 octobre dans la revue PLOS One, leurs découvertes sont fascinantes et assez dégoûtantes : il y a plus d’un millénaire, les habitants de cette région étaient en permanence aux prises avec de vilaines infections intestinales.
La « Grotte des Enfants Morts » et le peuple Loma San Gabriel
Le lieu de la découverte a de quoi faire frissonner. La ‘Grotte des Enfants Morts’, située dans la vallée du Rio Zape au nord-ouest du Mexique, a été nommée ainsi par les archéologues après y avoir trouvé des squelettes d’enfants. Elle était utilisée par un peuple préhistorique, la culture Loma San Gabriel, qui vivait entre 725 et 920 de notre ère. C’étaient des agriculteurs à petite échelle, connus pour leurs céramiques uniques, qui vivaient dans de petits villages et, détail glaçant, ‘pratiquaient occasionnellement le sacrifice d’enfants‘. Dans les années 1950, les archéologues y ont trouvé un grand dépotoir contenant des ossements, des restes de plantes, et ces fameux excréments humains et animaux parfaitement conservés par le climat aride.
L’analyse high-tech d’un déchet millénaire

Des études précédentes avaient déjà trouvé des œufs de parasites (ankylostomes, trichocéphales) dans ces excréments. Mais aujourd’hui, la technologie a fait un bond de géant. Une équipe dirigée par Drew Capone, de l’Université de l’Indiana, a utilisé des techniques d’analyse moléculaire de pointe sur 10 échantillons de ‘paléocaca’. Ils ont extrait l’ADN et utilisé la fameuse technique PCR (réaction en chaîne par polymérase) pour ‘amplifier’ l’ADN des microbes présents, un peu comme on monterait le volume d’un son très faible pour l’entendre clairement. ‘Il y a un grand potentiel dans l’application des méthodes moléculaires modernes pour éclairer les études du passé’, a souligné le co-auteur Joe Brown.
Le résultat est sans appel et assez peu appétissant. Chaque échantillon contenait au moins un pathogène ou un microbe intestinal. Les deux plus courants étaient le parasite intestinal Blastocystis, qui peut causer des troubles gastro-intestinaux, et de multiples souches de la tristement célèbre bactérie E. coli, trouvées dans 70% des échantillons. Les chercheurs ont également identifié de l’ADN d’oxyures (des vers intestinaux), ainsi que des bactéries responsables de maladies intestinales sévères comme Shigella et le parasite Giardia.
La cause probable : de très mauvaises conditions sanitaires
Comment expliquer une telle concentration de maladies ? Pour les chercheurs, la conclusion est évidente. Le nombre élevé de microbes ‘suggère de mauvaises conditions sanitaires chez la culture Loma San Gabriel’, écrivent-ils. Il est très probable que ces personnes ingéraient constamment ces pathogènes via ‘de l’eau, de la nourriture ou de la terre contaminée par des matières fécales‘. Une leçon d’hygiène publique qui nous vient tout droit d’il y a 1300 ans, nous rappelant à quel point l’accès à l’eau potable est fondamental pour la santé humaine.
Conclusion : la partie visible de l’iceberg
Ce qui est encore plus frappant, c’est que cette liste de maladies n’est probablement que la partie visible de l’iceberg. Les chercheurs notent que de nombreux autres pathogènes ont pu être présents, mais que leur ADN s’est décomposé au fil des siècles et n’est plus détectable aujourd’hui. Malgré tout, cette analyse a permis d’identifier pour la première fois dans ces échantillons des agents pathogènes comme Blastocystis et Shigella. Cette étude est une nouvelle fenêtre fascinante sur le passé, nous montrant non pas comment les rois vivaient, mais comment le peuple luttait au quotidien contre des ennemis invisibles qui rendaient leur vie bien difficile.