Le secret génétique de la canne à sucre, une clé inattendue face au réchauffement climatique
Auteur: Adam David
La canne à sucre est bien plus qu’une simple source de douceur ; elle représente la pierre angulaire de 80 % de la production mondiale de sucre. Or, comme toute culture intensive, elle subit de plein fouet les assauts du changement climatique. Récemment, des chercheurs ont entrepris de plonger dans l’histoire génétique de cette plante essentielle, cherchant dans son passé une résilience vitale pour notre avenir.
Une meilleure compréhension de l’évolution de la canne à sucre permettrait en effet de développer des variétés capables de résister aux nouvelles conditions environnementales. Les travaux menés par le Centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement (CIRAD) pourraient tracer une voie inattendue vers l’adaptation.
Une énigme génomique sans précédent
Ce travail d’investigation n’a rien d’une promenade de santé. Le génome de la canne à sucre moderne est notoirement complexe, sans doute l’un des plus difficiles à décoder dans le règne végétal. Angélique d’Hont, qui a coordonné l’étude menée par le CIRAD, souligne que la plante possède un nombre de chromosomes extraordinairement élevé, issus du croisement de plusieurs espèces sauvages.
C’est cette architecture génétique foisonnante qui, jusqu’à présent, a rendu difficile la compréhension claire de l’origine de la canne à sucre, de sa diversité, et finalement, de son exploitation optimale. La recherche d’un ancêtre commun relevait presque de l’archéologie moléculaire.
8000 ans d'histoire retracés
Après un effort colossal – l’analyse de près de 390 échantillons différents réalisée par les équipes du CIRAD et du Joint Genomic Institute –, les chercheurs sont finalement parvenus à lever le voile sur les débuts de cette culture. Leurs résultats convergent vers un événement de domestication initial survenu il y a environ 8 000 ans.
Ce berceau d’origine se situerait en Nouvelle-Guinée et dans les îles environnantes. C’est là que cette longue épopée génétique, qui a mené à la plante que nous connaissons aujourd’hui, a vraiment pris son envol.
Les routes de la diversification
L’histoire de la canne à sucre n’est pas linéaire. L’étude a révélé l’existence de deux foyers de diversification majeurs qui ont façonné les variétés contemporaines. Le premier correspond à l’introduction, il y a environ 3 000 ans, de plusieurs espèces en Asie continentale. Cette diffusion fut largement facilitée par les déplacements et les échanges humains, marquant une première phase d’expansion.
À la recherche de l'ancêtre inconnu
Le second foyer, peut-être le plus intrigant, se situe en Mélanésie. Les données suggèrent qu’entre 3 500 et 500 ans avant notre ère, les variétés de canne à sucre utilisées localement se seraient hybridées avec un ancêtre commun encore inconnu. Pour la première fois, le CIRAD affirme que ces résultats permettent de tracer avec précision le fil génétique reliant cet héritage lointain aux cultivars modernes.
Ce croisement ancien est la clé de la diversité que nous exploitons aujourd’hui. Il représente un moment critique où l’espèce a puisé dans un réservoir génétique externe, un acte de survie qui pourrait être reproduit.
Un réservoir de résilience face au climat
C’est précisément cette diversité génétique, héritée des espèces sauvages et des ancêtres oubliés, qui intéresse les agronomes face à l’urgence climatique. Olivier Garsmeur, l’un des auteurs de l’étude, rappelle que les espèces sauvages constituent de puissantes réserves d’« allèles » – des variations génétiques cruciales – capables d’améliorer la résistance aux stress environnementaux comme la sécheresse ou les maladies.
L’enjeu est désormais de taille : il faudrait retrouver ce contributeur inconnu, s’il existe toujours à l’état sauvage. Il représente un trésor biologique, détenant potentiellement les gènes nécessaires pour créer la canne à sucre de demain, capable de prospérer malgré l’accélération du réchauffement.
Conclusion : Accélérer l'amélioration variétale
Retracer l’histoire d’une plante aussi complexe n’est pas qu’un exercice académique ; c’est une quête pratique de survie pour l’économie agricole mondiale. En comprenant mieux comment la canne à sucre a évolué et s’est adaptée au fil des millénaires, les scientifiques espèrent pouvoir accélérer le processus d’amélioration variétale.
Le passé génétique de cette culture pourrait ainsi garantir que notre approvisionnement en sucre, et potentiellement en biocarburants, ne soit pas brisé par les turbulences écologiques qui s’annoncent. C’est la force tranquille du patrimoine génétique, mise au service de l’adaptation.
Selon la source : geo.fr