Comment les premiers humains sont-ils arrivés en Amérique ? Pendant des décennies, la théorie du pont terrestre de Béring a dominé. Mais une nouvelle étude génétique vient de bouleverser nos certitudes. Des scientifiques ont découvert une connexion génétique surprenante entre les Amérindiens, la Chine et le Japon, suggérant au moins deux vagues de migration le long de la côte du Pacifique, dont une en pleine ère glaciaire. ‘L’ascendance asiatique des Amérindiens est plus compliquée qu’on ne le pensait’, a déclaré Yu-Chun Li, l’un des auteurs de l’étude. Une découverte qui réécrit une partie de notre histoire.
Sur la piste de l'ADN : comment les scientifiques ont remonté le temps
Pour arriver à cette conclusion, les chercheurs ont mené une enquête génétique digne d’un détective. Ils se sont concentrés sur l’ADN mitochondrial, qui est transmis uniquement par la mère, ce qui permet de remonter des lignées ancestrales avec une grande précision. Ils ont analysé une quantité colossale d’échantillons : 100 000 d’aujourd’hui et 15 000 anciens. Leur but ? Traquer une lignée fondatrice rare mais spécifique des Amérindiens (appelée D4h). Ils ont réussi à identifier 216 individus contemporains et 39 anciens partageant cette lignée, ce qui leur a permis de cartographier ses chemins de migration à travers le temps et l’espace.
Deux vagues de migration, dont une en pleine ère glaciaire
L’étude a révélé deux grandes vagues de migration depuis la côte nord de la Chine. La première est la plus surprenante. Elle aurait eu lieu il y a entre 19 500 et 26 000 ans, en plein cœur de la dernière période glaciaire, une époque où le climat était extrêmement rude. La seconde vague se serait produite plus tard, il y a entre 19 000 et 11 500 ans, alors que le climat se réchauffait et que les populations humaines se développaient. Et le point le plus révolutionnaire, c’est que dans les deux cas, le voyage ne se serait pas fait uniquement par le fameux pont terrestre de Béring, mais en suivant la côte du Pacifique, probablement à l’aide d’embarcations.
Plus que des gènes : une culture d'outils partagée de part et d'autre du Pacifique
Ce lien génétique est renforcé par des preuves archéologiques. Les scientifiques ont noté des similitudes frappantes entre les outils de pierre de cette époque. Des ‘pointes de projectiles à tige‘ trouvées sur tout le pourtour du Pacifique, du Japon à l’Amérique du Sud, présentent des ‘affinités étroites’ les unes avec les autres. Les pointes trouvées en Amérique du Nord ressemblent plus à celles trouvées au Japon qu’à celles de l’Asie du Nord continentale. Pour les chercheurs, cette similarité technologique, couplée aux liens génétiques, est la preuve d’une ‘connexion probable au Pléistocène entre ces régions’.
Un lien surprenant avec le Japon et le peuple Aïnou
L’étude a réservé une autre surprise. Cette même source génétique venue de la côte chinoise n’a pas seulement contribué au peuplement de l’Amérique, elle a aussi contribué au patrimoine génétique du Japon, et en particulier du peuple indigène Aïnou. ‘Cela suggère que la connexion au Pléistocène entre les Amériques, la Chine et le Japon n’était pas confinée à la culture, mais aussi à la génétique’, ajoute Yu-Chun Li. Cette découverte vient éclaircir le débat sur les similitudes entre certaines cultures amérindiennes et japonaises, comme les Jōmon, qui seraient donc dues à une ascendance commune bien plus ancienne.
Conclusion : une histoire plus complexe et fascinante que prévu
Au final, cette étude, publiée dans la revue Cell Reports, nous le prouve : l’histoire du peuplement des Amériques est bien plus complexe et fascinante qu’une simple traversée d’un pont de terre. Elle est faite de multiples vagues, de voyages maritimes audacieux en pleine ère glaciaire, et de connexions inattendues entre des peuples séparés par le plus grand océan du monde. Chaque nouvelle découverte génétique est comme une nouvelle page qui s’ajoute à la grande épopée de l’humanité, nous rappelant à quel point nos origines sont riches et interconnectées.
Selon la source : cell.com