Un parasite contre les fourmis folles : La parade inattendue des scientifiques pour contrer cette espèce invasive
Auteur: Mathieu Gagnon
Le fléau des fourmis folles, un casse-tête du sud des États-Unis

Mais, tenez-vous bien, une équipe de scientifiques semble avoir trouvé la méthode miracle. Ce n’est ni un piège high-tech, ni un produit chimique agressif. Non. C’est une maladie naturelle, un parasite, qui ne touche qu’elles. Une solution étonnante, si l’on arrive à réunir les bonnes conditions de propagation, bien sûr.
L’étrange fonctionnement de la « supercolonie »

Imaginez : une fourmi d’un nid en Louisiane est accueillie par une autre fourmi d’un nid en Floride comme si elles étaient de la famille. C’est la même unité, peu importe la distance. Cela rend leur contrôle incroyablement difficile. On ne peut pas simplement viser un nid isolé et s’attendre à ce que tout rentre dans l’ordre.
En plus de cela, elles sont agressives. Elles chassent les espèces de fourmis indigènes et s’attaquent même à de plus gros insectes ou à de petits animaux. Leurs effectifs peuvent facilement atteindre des millions d’individus lors d’une seule invasion. C’est pourquoi nous en parlons comme d’un fléau.
L’arme naturelle : une maladie microscopique

Ce qu’il y a de génial avec ce pathogène, c’est qu’il ne s’attaque qu’aux fourmis folles fauves. Il laisse les autres insectes et animaux tranquilles. Il se cache à l’intérieur des cellules des fourmis et se transmet lorsque les adultes s’occupent des larves – c’est-à-dire les jeunes fourmis.
Dès lors, c’était un candidat parfait pour le contrôle biologique. Des fourmis malades pourraient contaminer des colonies saines. Si suffisamment de jeunes attrapaient le mal, la colonie finirait par s’affaiblir, puis s’effondrer. C’était l’espoir.
Le mur invisible : l’échec des premières tentatives sur le terrain

Il y avait un problème de contact. Les fourmis infectées n’arrivaient pas à s’approcher suffisamment des larves, du couvain. Et c’est pourtant essentiel pour que la maladie se propage.
Les chercheurs ont réalisé que le comportement des fourmis, la structure même de leur nid, était un obstacle. Dans la nature, les nids de fourmis folles sont complexes. Il y a des tunnels et des chambres qui séparent les groupes. Les ouvrières chargées de prendre soin du couvain restent au centre, bien à l’abri. D’autres s’occupent des poubelles ou vont chercher de la nourriture à l’extérieur. C’est en fait une technique de protection très maline contre les menaces comme les moisissures ou les champignons, mais aussi, semble-t-il, contre les maladies.
Quand les fourmis pratiquent la « distanciation sociale »

Ce travail, mené par Edward LeBrun, un scientifique de l’Université d’Austin (UT Austin), a mis en évidence ce qu’il appelle l’« immunité architecturale ». C’est fascinant, non ?
« C’est la première fois qu’on démontre que dans les sociétés de fourmis, l’organisation spatiale du nid est primordiale pour que les comportements immunitaires sociaux empêchent les maladies d’atteindre le cœur de la colonie, là où résident la reine et le couvain », a expliqué LeBrun. Les fourmis ont des réflexes de confinement bien avant nous, je suppose !
Un instinct de quarantaine pour protéger la communauté

Ce n’était pas du hasard. Cela ressemblait fortement à de l’auto-isolement, une sorte de mise en quarantaine version fourmi. D’ailleurs, les fourmis saines les attaquaient parfois, comme si elles sentaient qu’il y avait quelque chose qui n’allait pas.
Les fourmis malades semblaient même faire la police en nettoyant les corps des autres fourmis infectées pour protéger le reste du groupe. Ces comportements avaient déjà été observés, mais contre des menaces externes, comme de la moisissure. Cette étude montre qu’elles utilisent ces mêmes méthodes contre des infections internes, ce qui est quand même incroyable ! Oui, comme nous, les fourmis ont mis en place des systèmes pour protéger leur communauté lors d’une épidémie : séparer les malades et nettoyer les sources d’infection.
Changer la stratégie : forcer la cohabitation

« La méthode actuelle, c’est que nous détruisons le nid – on le met en pièces – et ensuite seulement, on introduit les fourmis infectées », explique Edward LeBrun. Il faut être un peu radical, j’imagine.
Toutes les fourmis se retrouvent alors mélangées. Elles doivent déménager en catastrophe et trouver un nouvel endroit. « Et elles doivent faire cela toutes ensemble, que ce soit les infectées ou les saines. Cela permet de contourner cette période d’auto-isolement et la tendance à ne faire des tâches qu’à l’endroit où elles ont été introduites », précise-t-il.
C’est un peu comme si on les forçait à faire un voyage en groupe. Les barrières sociales s’écroulent, ce qui donne une chance réelle au parasite de se répandre. Et, au final, de provoquer l’effondrement de la colonie. LeBrun assure que grâce à ces résultats, ils peuvent maintenant introduire le pathogène de façon très fiable dans les supercolonies non infectées sur le terrain. C’est une grande nouvelle!
Les fourmis folles ont trouvé leur maître

Ce que cette recherche démontre, c’est que même les problèmes qui semblent insolubles – comme une invasion de millions de fourmis – peuvent être résolus en comprenant profondément les mécanismes de la nature, y compris ceux qui sont au cœur de la société animale. Pour les propriétaires de maison et pour les écosystèmes le long du golfe du Mexique, cette nouvelle approche signifie peut-être enfin le début de la fin de l’invasion des fourmis folles fauves.