Un lac fantomatique en Californie inquiète les scientifiques et qui hante encore ses habitants
Auteur: Adam David
Imaginez un instant le début des années 1900. Los Angeles n’est encore qu’une petite ville qui rêve de grandeur, mais elle a un problème : elle manque d’eau. C’est là qu’un homme, William Mulholland, a une idée. Il regarde à plus de 300 kilomètres de là, vers une région appelée Owens Valley, où se trouve un grand lac. À l’époque, le maire de Los Angeles aurait envoyé des agents pour convaincre, parfois avec des ruses, les agriculteurs de vendre leurs terres. Pourquoi ? Pour leur eau.
Mulholland a promis cette eau aux habitants de Los Angeles « pour toujours ». En 1913, après avoir construit un immense aqueduc, un sorte de canal géant, la ville a commencé à pomper tellement d’eau que le lac Owens s’est tout simplement asséché. Ce geste a déclenché des batailles juridiques et la colère des habitants, mais surtout, il a créé une catastrophe écologique qui, plus de 100 ans plus tard, n’est toujours pas résolue.
Le souffle toxique du lac fantôme
Quand le lac a disparu, il a laissé derrière lui un lit de sel et de produits chimiques. Le vent, en soufflant sur cette immense surface, a commencé à soulever une poussière incroyablement fine et toxique. On l’appelle la poussière PM10. C’est si petit que quand on la respire, elle va se loger directement au fond des poumons. Pour vous donner une idée, la région est devenue l’endroit le plus poussiéreux de tous les États-Unis.
Cette poussière peut provoquer de graves problèmes de santé, comme des bronchites, de l’asthme ou d’autres maladies pulmonaires. Le plus triste, c’est que pendant des dizaines d’années, personne n’a vraiment semblé s’en soucier. Il a fallu attendre les années 1980 pour que les scientifiques commencent enfin à étudier sérieusement ces tempêtes de poussière.
Une solution à plus de 2 milliards de dollars
Finalement, à partir de l’an 2000, les autorités ont mis en place un plan gigantesque : le Programme de réduction de la poussière du lac Owens. L’idée est simple mais coûteuse : inonder légèrement certaines parties du lac asséché pour empêcher la poussière de s’envoler. Ils ont installé un système complexe de tuyaux et d’arroseurs sur une surface grande comme la ville de San Francisco.
Ce programme a coûté la somme folle de 2,5 milliards de dollars et utilise chaque année assez d’eau pour alimenter 240 000 familles. Et il faut le dire, les résultats sont là. Avant, le lac crachait environ 62 000 tonnes de poussière par an. En 2023, ce chiffre est tombé à seulement 355 tonnes. Les responsables sont plutôt optimistes, et on peut les comprendre.
Alors, tout est réglé ? Pas si vite...
Même avec ces améliorations, le combat est loin d’être gagné. Des experts, comme Valerie Eviner du comité scientifique du lac Owens, tirent la sonnette d’alarme. La qualité de l’air dépasse encore régulièrement les normes de sécurité pour la santé. Le problème, c’est que la poussière ne vient pas seulement du lit du lac.
Il y a d’autres sources à proximité, comme les dunes de Keeler et d’Olancha, qui continuent de libérer de la poussière. Les activités humaines et les dépôts laissés par les inondations jouent aussi un rôle. Donc, même si la source principale est mieux contrôlée, le danger pour les 40 000 habitants de la région reste bien réel.
Une injustice qui frappe et un climat qui menace
Ce qui rend la situation encore plus grave, c’est qu’elle touche de manière disproportionnée certaines populations. Comme le souligne Mme Eviner, c’est aussi une question de justice sociale, car une grande partie de la population locale est amérindienne (13,8 % contre 1,7 % dans le reste de l’État).
Et comme si ça ne suffisait pas, le changement climatique vient tout compliquer. Les tempêtes, plus violentes, inondent de nouvelles zones qui, en séchant, deviennent de nouvelles sources de poussière. La chaleur plus intense assèche les sols et tue les plantes qui aidaient à retenir la terre. Et avec les sécheresses, il y a moins d’eau qui descend des montagnes pour alimenter la vallée. C’est un véritable cercle vicieux.
Quel avenir pour le lac et ses habitants ?
La loi oblige la ville de Los Angeles à contrôler la poussière du lac Owens pour toujours. Mais la vraie question est : comment ? Surtout avec l’eau qui se fait de plus en plus rare. Cette eau n’est pas seulement utile contre la poussière. Elle est vitale pour des dizaines de milliers d’oiseaux migrateurs qui viennent de très loin, parfois du Canada ou d’Amérique du Sud, pour se reposer et se nourrir ici.
Les lois actuelles ne prennent pas toujours en compte les catastrophes dites « naturelles » comme les tempêtes, même si l’activité humaine les aggrave. En gros, on demande aux gens de rester chez eux quand l’air est mauvais, mais on ne s’attaque pas à toutes les causes. Mme Eviner garde un peu d’espoir. Elle pense que la tâche est immense, surtout avec le climat qui change, mais elle conclut : « cela ne veut pas dire que c’est impossible ». L’avenir du lac Owens reste une page blanche, remplie d’incertitudes mais aussi d’une lueur d’espoir.
Selon la source : sfgate.com