Échouages mystérieux : des dauphins atteints d’Alzheimer ? Les chercheurs s’interrogent
Auteur: Adam David
L’image est aussi familière que déchirante : un dauphin, échoué sur une plage, luttant pour sa survie loin de son élément. Depuis des décennies, ce mystère hante les biologistes. Une nouvelle étude, publiée dans Communications Biology, avance aujourd’hui une hypothèse aussi fascinante que troublante : et si la clé de ces échouages se cachait dans un mal que l’on croyait réservé aux humains, la maladie d’Alzheimer ?
Le poison invisible des océans
Le coupable désigné par les chercheurs n’est pas un prédateur, mais un ennemi microscopique : les cyanobactéries. Ces micro-organismes, dont les proliférations sont favorisées par le réchauffement et la pollution, produisent un cocktail de neurotoxines redoutables, dont la fameuse BMAA. Ces substances s’accumulent patiemment tout au long de la chaîne alimentaire, du plus petit plancton jusqu’au sommet, où se trouvent les dauphins.
Pour ces mammifères, l’exposition devient chronique. Les toxines s’infiltrent dans leur organisme et, comme le révèle l’étude, semblent s’attaquer directement à ce qui fait leur force : leur cerveau extraordinairement complexe.
Un cerveau assiégé, des symptômes connus
En analysant les cerveaux de vingt grands dauphins retrouvés en Floride, les scientifiques ont fait une découverte stupéfiante. Ils y ont retrouvé les signatures pathologiques de la maladie d’Alzheimer : ces fameuses plaques de protéine bêta-amyloïde et ces enchevêtrements de protéine tau qui, chez l’homme, étranglent littéralement les neurones et provoquent la démence. La désorientation, la perte de repères… Soudain, le scénario d’un dauphin se perdant jusqu’à l’échouage prend un sens tragique.
Plus inquiétant encore, les chercheurs ont mis en évidence une autre protéine, la TDP-43, dont l’accumulation est associée à des formes particulièrement sévères de maladies neurodégénératives. Le tableau clinique est complet, et il fait froid dans le dos.
La floride, un laboratoire à ciel ouvert
C’est dans les eaux du lagon de l’Indian River, en Floride, que l’étude a pris toute sa dimension. La région est tristement célèbre pour ses blooms de cyanobactéries, alimentés par les rejets agricoles et les eaux du lac Okeechobee. Le constat est sans appel : les dauphins échoués pendant ces pics de prolifération présentaient des concentrations de toxines radicalement plus élevées. Le chiffre donne le vertige : jusqu’à 2 900 fois plus de 2,4-DAB, un des composés toxiques, que chez les animaux retrouvés hors saison.
Le dauphin, notre canari dans la mine de charbon
Cette découverte dépasse largement le cadre de la biologie marine. En tant que prédateurs au sommet de la chaîne alimentaire, les dauphins agissent comme des sentinelles. Ils concentrent les polluants et nous alertent sur la santé de l’écosystème. Le Dr David Davis, l’un des auteurs, met les choses en perspective : « Il existe des inquiétudes concernant les problèmes de santé humaine associés aux blooms cyanobactériens ».
Son analyse suggère que si de nombreuses voies peuvent mener à Alzheimer, l’exposition à ces toxines environnementales apparaît de plus en plus comme un facteur de risque à ne pas négliger. D’autres études, comme celles menées sur l’île de Guam, ont déjà lié une exposition alimentaire à ces mêmes toxines à une explosion de maladies neurologiques chez les habitants.
un destin partagé ?
Loin d’être une simple tragédie animale, l’échouage de ces dauphins au cerveau malade nous renvoie à notre propre fragilité. Ces mammifères marins, si proches de nous par leur intelligence et leur complexité sociale, pourraient bien être les premiers témoins visibles d’un péril environnemental qui nous concerne tous. En les observant, c’est peut-être une partie de notre avenir que nous contemplons. Le sort de ces dauphins désorientés pourrait bien être le miroir de notre propre vulnérabilité face à un environnement que nous malmenons.
Selon la source : geo.fr