Selon l’AIE, la capacité mondiale en énergies renouvelables devrait plus que doubler d’ici 2030 — mais reste loin de l’objectif d’un triplement
Auteur: Adam David
C’était l’un des engagements phares de la COP28 à Dubaï : tripler la capacité mondiale d’énergies renouvelables d’ici 2030. Un objectif ambitieux, mais jugé atteignable. Pourtant, le dernier rapport de l’Agence internationale de l’énergie (AIE) vient jeter une ombre sur cette belle promesse. La croissance sera massive, certes, mais sans doute pas suffisante.
Un objectif manqué, mais une croissance toujours massive
Le rêve d’un triplement, qui semblait encore à portée de main il y a un an, s’est quelque peu évaporé. L’AIE table désormais sur une multiplication par 2,6 des capacités de 2022 d’ici la fin de la décennie. Concrètement, cela représente 4 600 gigawatts (GW) de nouvelles installations, alors qu’on espérait en voir fleurir plus de 5 500 GW. C’est une révision à la baisse de 5 % par rapport aux prévisions passées, mais cela reste une addition colossale, l’équivalent de toute la puissance électrique de la Chine, de l’Union européenne et du Japon réunis.
Pourquoi ce coup de frein ? Washington et Pékin en ligne de mire
Alors, que s’est-il passé ? L’AIE pointe du doigt deux géants. D’abord, les États-Unis, où la suppression anticipée de certaines incitations fiscales fédérales a conduit l’agence à sabrer de près de moitié ses prévisions de croissance pour le marché américain. Ensuite, la Chine, qui modifie son système de soutien aux renouvelables. Le passage de tarifs garantis à un système d’enchères rend les projets potentiellement moins rentables, et a donc logiquement freiné les projections de l’AIE pour le pays.
Un monde à plusieurs vitesses : l'Europe et l'Inde en première ligne
Mais ce tableau, un peu sombre, cache des dynamiques bien plus contrastées. Si les deux leaders mondiaux ralentissent la cadence, d’autres accélèrent. L’Inde est ainsi en passe de devenir le deuxième marché le plus dynamique au monde, avec une capacité qui devrait être multipliée par 2,5 en seulement cinq ans. L’Europe n’est pas en reste, avec des prévisions revues à la hausse, notamment grâce à l’Allemagne, l’Espagne, l’Italie et la Pologne. Le Moyen-Orient et l’Afrique du Nord voient même leurs perspectives bondir de 25 %.
Le solaire en tête, mais des fortunes diverses pour les autres technologies
Sans surprise, le solaire photovoltaïque reste le roi incontesté de cette expansion, captant à lui seul 80 % de la croissance mondiale. Derrière, l’éolien poursuit sa route et devrait presque doubler sa capacité d’ici 2030, malgré des vents contraires : problèmes de chaîne d’approvisionnement et hausse des coûts. Fait notable, l’hydroélectricité revient en force, appréciée pour sa capacité à stabiliser les réseaux, tandis que la géothermie connaît un essor inédit dans des pays comme les États-Unis ou le Japon. Seul l’éolien en mer voit ses perspectives légèrement réduites, victime lui aussi de changements politiques.
Le vrai défi de demain : adapter nos réseaux électriques
Cette montée en puissance des renouvelables, qui devraient fournir près de 30 % de l’électricité mondiale en 2030, pose une question de fond : celle de leur intégration. Car on sait que le soleil ne brille pas la nuit et que le vent est capricieux. L’AIE tire la sonnette d’alarme sur le manque de flexibilité des réseaux électriques, un problème qui se manifeste déjà par des épisodes de production coupée ou de prix négatifs quand l’offre submerge la demande. Des solutions existent pourtant, du stockage par batterie aux chargeurs intelligents pour véhicules électriques, mais leur déploiement devient urgent.
plus de renouvelables, mais un système à réinventer
Le message de l’AIE est donc double. D’un côté, la transition énergétique avance à une vitesse sans précédent, améliorant notre sécurité d’approvisionnement et réduisant notre dépendance aux fossiles. De l’autre, elle se heurte aux réalités politiques et techniques. La question n’est donc plus seulement de savoir si l’on peut produire de l’énergie verte, mais comment l’intégrer intelligemment dans un système pensé pour le siècle dernier. C’est peut-être là que se jouera la véritable réussite de la décennie.
Selon la source : geo.fr