On imagine souvent le Groenland comme un désert d’un blanc immuable, une immensité figée. Pourtant, sous cette surface en apparence inerte, des chercheurs viennent de découvrir un acteur microscopique qui pourrait jouer un rôle crucial, et totalement inattendu, dans la régulation de la fonte des glaces. Une découverte qui lie le monde invisible des virus à l’un des plus grands enjeux climatiques de notre époque.
Un monde viral foisonnant sous la glace
Loin d’être un vide biologique, la calotte groenlandaise abrite une vie étonnamment active. C’est en analysant des échantillons de neige rouge et de glace sombre que des scientifiques ont mis au jour l’existence de virus géants. Ces colosses, appartenant à la famille des NCLDVs, sont si grands qu’ils rivalisent en taille et en complexité génétique avec certaines bactéries. On ne s’attendait tout simplement pas à les trouver là.
Mais la vraie surprise, c’est qu’ils sont bien vivants. Les analyses, publiées dans la revue Microbiome, confirment une activité biologique intense. Ce ne sont pas de simples fossiles d’ADN piégés dans la glace, mais des prédateurs qui infectent les micro-organismes locaux, en particulier les algues qui prolifèrent à la surface.
Le ballet des couleurs et de l'albédo
Pour comprendre leur impact, il faut d’abord parler couleur. En été, de vastes étendues de la calotte se teintent de rouge ou de vert. La cause ? Des proliférations massives d’algues microscopiques, gorgées de pigments. Or, dans ces paysages d’une blancheur quasi absolue, la moindre tache a des conséquences.
Cette pigmentation assombrit la surface et réduit sa capacité à réfléchir la lumière du soleil, un phénomène que les scientifiques appellent l’albédo. Plus la glace est sombre, moins elle renvoie l’énergie solaire, et plus elle chauffe. La fonte s’accélère alors de manière significative. C’est un cercle vicieux bien connu des climatologues.
Quand le prédateur devient un protecteur
C’est précisément ici que nos virus géants entrent en scène. En infectant et en détruisant les algues responsables de cette coloration, ils agissent comme des régulateurs naturels. Ils limitent l’expansion de ces « marées » algales et, par conséquent, freinent l’assombrissement de la glace. Un mécanisme de contrôle qu’on connaissait déjà dans les océans, mais dont on découvre à peine l’importance sur les glaciers.
En clair, en jouant leur rôle de prédateurs, ces virus contribuent indirectement à maintenir la blancheur de la calotte, et donc à préserver son précieux albédo. Ils participent à un équilibre fragile qui aide à stabiliser les processus de fonte saisonnière.
Une cohabitation vieille comme les glaces
Cette relation entre virus et algues n’a rien d’une rencontre fortuite. Les analyses génétiques révèlent que les échanges sont si anciens et si profonds qu’ils ont laissé des traces durables. Les chercheurs ont retrouvé des séquences d’ADN viral directement intégrées dans le génome de plusieurs espèces d’algues polaires.
C’est une sorte de cicatrice génétique, la preuve d’une longue histoire commune et d’une coévolution qui s’est jouée sur des milliers d’années. Cette danse entre le prédateur et sa proie est un pilier fondamental de cet écosystème que l’on croyait désertique.
Conclusion : changer notre regard sur l'Arctique
Au-delà de la curiosité scientifique, cette découverte nous force à reconsidérer la calotte groenlandaise non plus comme une simple masse de glace inerte, mais comme un écosystème vivant, complexe et autorégulé. Ces virus, en influençant le cycle du carbone et les équilibres biologiques locaux, sont une nouvelle pièce dans le puzzle climatique mondial.
Leur impact réel sur la fonte à grande échelle reste à quantifier, mais une chose est sûre : pour anticiper l’avenir de notre planète, il faudra désormais regarder aussi dans l’infiniment petit. Et l’exploration de ce monde viral ne fait que commencer.
Selon la source : science-et-vie.com