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La mort silencieuse du point-virgule, ce mal-aimé de notre langue
Crédit: freepik

Un pilier de notre grammaire s’efface sans un bruit

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Il est là, mais on ne le voit presque plus. Le point-virgule, autrefois marque d’une prose soignée, disparaît de nos textes avec une discrétion déconcertante. Son agonie lente ne fait pas la une des journaux, et pourtant, elle en dit long sur la manière dont notre rapport à l’écrit se transforme, privilégiant l’immédiateté à la nuance.

Un casse-tête à l’école, un fantôme à l’université

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Sa mission, à l’origine, était pourtant noble : articuler des idées complexes au sein d’une même phrase, créer un rythme, une respiration. Mais aujourd’hui, il semble surtout semer la confusion. Une enquête menée par Babbel en 2025 auprès d’étudiants britanniques brosse un portrait peu flatteur : plus de la moitié d’entre eux ignorent quand l’utiliser, et 67 % avouent ne s’en servir que très rarement, voire jamais.

Ce n’est pas qu’une affaire britannique. Ce flou grammatical trahit une tendance de fond dans notre système éducatif, où l’on valorise davantage l’efficacité du message que la subtilité de sa construction. Le point-virgule y fait figure de vestige, un outil jugé trop complexe pour un monde qui va vite.

Quand la culture populaire s’en mêle

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Longtemps associé à un certain raffinement littéraire, le point-virgule est aujourd’hui presque devenu un signe de prétention. Certains grands noms de la littérature n’ont pas aidé à sa cause. L’écrivain américain Kurt Vonnegut, par exemple, ne s’est jamais privé de dire tout le mal qu’il en pensait, le qualifiant d’ornement inutile.

Dans son sillage, des auteurs contemporains comme Cormac McCarthy ou R.L. Stine l’ont quasiment banni de leur prose, préférant la frappe sèche de la phrase courte. On a même reproché à E.L. James, l’autrice de *Cinquante Nuances de Grey*, de l’avoir systématiquement remplacé par de simples virgules, appauvrissant la structure de ses phrases.

L’accélération numérique, le coup de grâce ?

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Si la littérature a commencé à le bouder, le coup de grâce est peut-être venu du numérique. Sur les réseaux sociaux, sous la dictature de la concision des 280 caractères de Twitter, il n’a tout simplement plus sa place. L’écriture se fait plus directe, plus hachée, plus proche de l’oral.

Le constat n’est pas nouveau. Déjà en 2018, une chronique du journal *Le Monde* s’inquiétait de sa quasi-disparition dans la presse internationale. L’auteur y relevait péniblement une seule occurrence en cinq pages du *Times*, et aucune dans le *New York Times* ou *Le Monde* du jour. Plus récemment, en 2025, *Ouest-France* tirait à son tour la sonnette d’alarme, le décrivant comme un signe oublié des auteurs comme des lecteurs.

Une disparition chiffrée

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Les chiffres confirment cette impression diffuse. L’étude de Babbel est formelle : alors qu’on trouvait en moyenne un point-virgule tous les 205 mots dans les livres de langue anglaise en l’an 2000, cette fréquence est tombée à un tous les 390 mots en 2025. C’est une chute de près de 50 % en une génération. La tendance est claire, et elle est massive.

Conclusion : un simple outil à ne pas jeter aux oubliettes

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Alors, le point-virgule est-il condamné ? Pas si sûr. Un léger frémissement se fait sentir dans certains cercles de l’édition, où des auteurs redécouvrent son élégance et sa capacité à équilibrer la phrase. Il ne s’agit pas d’en faire un emblème nostalgique d’une langue figée, mais de se souvenir de sa fonction.

Le défendre n’est pas un combat d’arrière-garde, mais plutôt un plaidoyer pour la nuance. Une langue qui perd ses outils est une pensée qui risque de se rétrécir. Le point-virgule n’est ni meilleur ni moins bon qu’un autre signe ; il est juste différent. Un outil de plus dans notre boîte à penser, qu’il serait dommage de laisser rouiller.

Selon la source : science-et-vie.com

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