Un rôle bien plus grand qu’on ne l’imaginait

On savait déjà que les baleines étaient importantes, bien sûr. Mais on commence à peine à comprendre à quel point. Pendant longtemps, les scientifiques se doutaient que ces géants des mers jouaient un rôle dans le grand cycle de la vie marine en « recyclant » des éléments nutritifs. Une sorte de compostage géant, si vous voulez. Mais c’était une idée un peu floue. Personne n’avait vraiment mis de chiffres dessus. Eh bien, une nouvelle étude vient de changer la donne, et les résultats sont assez incroyables. Il semblerait que les baleines, par leurs simples déjections, donnent un coup de pouce considérable à la productivité des océans.
Qu’est-ce que la productivité primaire ?

Alors, ce terme, la « productivité primaire », ça peut paraître un peu compliqué. Mais en fait, c’est assez simple. Imaginez l’océan comme un immense jardin. La productivité primaire, c’est la capacité des plantes de ce jardin – principalement le phytoplancton, des organismes microscopiques – à transformer l’énergie du soleil en nourriture. C’est la toute première brique de la chaîne alimentaire. Plus il y a de phytoplancton, plus il y a à manger pour tout le monde, des plus petites créatures jusqu’aux poissons que nous connaissons. C’est la base de tout.
Le problème, c’est que pour pousser, ce phytoplancton a besoin d’engrais : de l’azote, du phosphore, du fer… Or, dans beaucoup de zones de l’océan, surtout près de la surface, ces nutriments sont rares. Ils viennent un peu des côtes, un peu des profondeurs, mais ce n’est pas toujours suffisant.
Le « cadeau » inattendu des baleines

Et c’est là que nos baleines entrent en scène. Plus précisément, les baleines à fanons, comme le rorqual commun, la baleine bleue ou la baleine à bosse. Une équipe de chercheurs a eu l’idée, pour la première fois, d’aller mesurer directement ce qu’il y avait dans leurs déjections. Oui, oui, vous avez bien lu. Ils ont analysé l’urine et les excréments de rorquals pour y trouver de l’azote, du phosphore, du fer et tout un tas d’autres oligo-éléments.
Le résultat est sans appel : les déchets des baleines sont un véritable cocktail nutritif pour l’océan. C’est un peu comme si elles prenaient leur repas dans les profondeurs et remontaient à la surface pour le… restituer, mais sous une forme directement utilisable par le phytoplancton. Rien ne se perd, tout se transforme.
Des chiffres qui donnent le vertige

Quand on regarde les chiffres de l’étude, on comprend mieux l’impact. Dans les mers de Norvège et du Groenland, pendant la saison où elles viennent se nourrir, les baleines recyclent chaque jour plus de 815 tonnes d’azote et 325 tonnes de phosphore. C’est colossal. L’étude montre que l’azote est principalement libéré par l’urine, tandis que le phosphore et les autres éléments se trouvent dans les excréments.
Évidemment, toutes les baleines ne contribuent pas de la même manière. Une baleine bleue ou un rorqual boréal, vu leur taille, relâche une quantité énorme de nutriments par individu. Mais, et c’est là que c’est intéressant, ce sont les petits rorquals qui, au final, ont le plus grand impact. Pourquoi ? Simplement parce qu’ils sont beaucoup, beaucoup plus nombreux. C’est la force du nombre.
Un coup de fouet saisonnier pour l’océan

Cet apport de nutriments n’est pas constant toute l’année. Les baleines à fanons sont de grandes voyageuses. Elles passent l’hiver dans des eaux plus chaudes pour se reproduire et migrent vers les pôles en été pour se nourrir. C’est donc en été, à partir du mois de mai, que leur contribution est la plus forte, avec un pic à la fin de l’été, en août.
Et ça se voit ! Dans certaines zones, surtout au large où les nutriments sont rares, la production de phytoplancton a augmenté de 10 % en août. Dans des régions comme le nord de la mer de Barents, où la lumière est faible et les nutriments peu abondants, l’effet est encore plus marqué. On dirait bien que les baleines ciblent, sans le savoir, les zones qui ont le plus besoin d’aide.
Un effet domino bénéfique pour tous

Cet enrichissement a des conséquences sur toute la chaîne alimentaire. Qui dit plus de phytoplancton, dit plus de nourriture pour le zooplancton, ces petites bêtes qui sont le repas de base de nombreux poissons. L’étude a constaté une augmentation de la biomasse de zooplancton allant jusqu’à 10 %. C’est un maillon essentiel.
Les scientifiques pensent que cela pourrait même expliquer certaines observations passées, comme des changements dans les migrations des harengs ou des difficultés pour les saumons norvégiens. Quand le garde-manger est bien rempli à la base, tout le monde en profite. Et ce n’est pas tout. En stimulant la croissance du phytoplancton, les baleines contribuent aussi à capter le dioxyde de carbone de l’atmosphère. Une aide précieuse pour le climat.
Conclusion : Protéger les baleines, c’est protéger l’océan tout entier

Finalement, cette étude nous rappelle une chose essentielle : dans la nature, tout est lié. Chaque créature, même par ses fonctions les plus triviales, a un rôle à jouer. Le rôle des baleines est bien plus qu’symbolique. Ce sont de véritables ingénieures des écosystèmes marins. Les protéger, ce n’est pas seulement sauver une espèce majestueuse ; c’est préserver la santé et l’équilibre de nos océans, et par extension, de notre planète.
Il reste encore des choses à découvrir, bien sûr. Mais une chose est certaine : la prochaine fois que vous verrez une baleine, souvenez-vous qu’elle est aussi une jardinière de l’océan. Et ça, c’est une pensée plutôt réconfortante, non ?