Aller au contenu
ADN ancien : l’histoire retrouvée des Sarmates, ce peuple oublié des steppes
Crédit: freepik

Sur les traces d’un peuple fantôme

credit : freepik

On parle souvent des Romains, des Huns, des Celtes… Mais qui se souvient des Sarmates ? Ce peuple nomade, redoutable guerrier des steppes, semble s’être évaporé des pages de l’histoire. Un peu comme un cousin éloigné dont on a oublié le nom. Pourtant, ils ont marqué l’Europe de leur empreinte pendant des siècles. Heureusement, la science moderne, et plus précisément la génétique, vient de lever un coin du voile sur leurs mystères. Une étude récente menée par le Dr Oszkár Schütz et son équipe a analysé 156 génomes anciens, nous offrant enfin des réponses sur leurs origines et leur héritage. C’est un peu comme ouvrir une capsule temporelle vieille de 2000 ans.

Qui étaient vraiment les Sarmates ?

credit : freepik

Alors, qui étaient-ils, ces fameux Sarmates ? Imaginez des tribus de cavaliers nomades, originaires de la région du sud de l’Oural, en Russie actuelle. Entre le 4ème et le 2ème siècle avant notre ère, ils ont commencé à bouger. Beaucoup. Ils ont traversé les steppes, longé les grands fleuves comme le Don et la Volga, pour finalement arriver jusqu’au Danube et dans le bassin des Carpates au 1er siècle. Ils se sont installés dans ce qui est aujourd’hui la Grande Plaine hongroise.

Ils n’étaient pas là pour faire du tourisme. Les Sarmates sont rapidement devenus un ennemi redoutable pour l’Empire romain, s’alliant parfois à des tribus germaniques comme les Vandales ou les Quades. Certains pensent même, et c’est assez fascinant, qu’ils auraient pu inspirer la légende des chevaliers du roi Arthur. Et pourtant, aujourd’hui, aucune nation ne les revendique comme ancêtres directs. Un vrai peuple oublié.

Pourquoi sont-ils tombés dans l’oubli ?

credit : freepik

C’est la grande question. Pourquoi un peuple si influent a-t-il pu être ainsi effacé ? Le Dr Schütz a quelques pistes. D’abord, les sources historiques dont on dispose viennent principalement des Romains. Et, disons-le, ils n’étaient pas toujours objectifs. Ils avaient tendance à tout généraliser et à décrire les autres peuples avec leurs propres préjugés. Il est donc possible que les Sarmates n’aient jamais été un groupe politiquement unifié, une sorte de « nation » soudée, ce qui a limité leur influence culturelle à long terme.

Et puis, il y a eu l’arrivée d’un nouveau poids lourd dans la région : les Huns. À la fin du 3ème siècle, ils ont déferlé et pris le contrôle de tous les territoires sarmates. Le paysage politique et culturel a été complètement bouleversé. L’ombre des Huns a, en quelque sorte, recouvert l’héritage sarmate, le rendant moins visible pour les générations futures. Bref, une combinaison de facteurs qui a contribué à leur anonymat.

Ce que l’ADN nous raconte : une histoire de migration masculine

credit : freepik

C’est là que l’étude publiée dans la prestigieuse revue Cell devient passionnante. En analysant les 156 échantillons prélevés en Hongrie et en Roumanie, les chercheurs ont pu reconstituer le puzzle génétique. Le résultat est assez clair : les Sarmates du bassin des Carpates descendent bien de groupes venus des steppes de l’Oural et du Kazakhstan. Les Sarmates de Roumanie ont même servi de « pont » génétique entre les deux.

Mais le plus surprenant, c’est que la composante génétique venue des steppes a diminué avec le temps. Cela suggère ce qu’on appelle un « effet fondateur » : un groupe initial, pas si nombreux, qui s’est installé. Et ce groupe était principalement masculin. L’analyse a révélé une arrivée soudaine et une diffusion rapide d’un marqueur génétique paternel spécifique (le fameux haplogroupe R1a du chromosome Y). En revanche, du côté maternel, l’ascendance était majoritairement européenne locale. Le scénario se dessine : des guerriers sarmates ont migré vers l’ouest et se sont mariés avec des femmes locales, transmettant leur signature génétique paternelle. Étrangement, les plus anciens cimetières sarmates contiennent pourtant une majorité de tombes de femmes…

Un peuple de métissages et de continuité

credit : freepik

L’étude a aussi confirmé des hypothèses basées sur les pratiques funéraires. Il n’y a pas eu une, mais deux vagues de migration simultanées : une venant du nord-ouest de l’Europe et une autre de l’est, depuis les steppes. Plus tard, au 4ème siècle, des personnes venues des provinces romaines se sont également installées dans la région. Tout ce petit monde s’est mélangé, créant une population à l’ascendance très diverse qui servira plus tard de base au peuple hongrois médiéval.

Et même lorsque les Huns sont arrivés, on a souvent imaginé un remplacement total de la population. Eh bien, non. Les données montrent une continuité génétique notable. Les Sarmates ont survécu à l’ère hunnique. D’après les textes, ils auraient même conservé une certaine indépendance politique jusqu’aux années 470, avant de finalement s’intégrer au royaume des Gépides après la chute de l’empire hunnique. Ils ne se sont pas juste évaporés.

Les mystères qui restent à percer

credit : freepik

Bien sûr, cette étude est une avancée majeure, mais elle soulève de nouvelles questions. Le Dr Schütz l’admet volontiers : si l’on sait maintenant que l’ascendance des steppes a diminué, on ne sait pas encore précisément qui étaient ces populations locales avec lesquelles les Sarmates se sont mélangés. Qui étaient-elles ?

Les sources historiques mentionnent des Celtes, des tribus germaniques, et les Daces. Le problème, c’est qu’on a très peu de données génétiques sur ces groupes pour cette période. C’est un peu comme avoir une pièce du puzzle sans connaître l’image complète. Les futures recherches devront se concentrer sur ces populations locales, mais aussi sur les territoires occupés par les Romains, pour mieux comprendre les interactions de part et d’autre de la frontière, le fameux limes. Heureusement, c’est déjà en cours. L’histoire n’a pas fini de nous surprendre.

Conclusion : L’ADN, machine à remonter le temps

credit : freepik

Finalement, que retenir de tout ça ? Que les Sarmates, ce peuple longtemps resté dans l’ombre, reprennent enfin leur place dans la grande histoire de l’Europe. Grâce à la génétique, on sait maintenant d’où ils venaient, comment ils se sont déplacés et comment ils se sont intégrés. Cette étude dessine le portrait d’une migration principalement masculine, de guerriers des steppes qui ont fondé de nouvelles familles avec des femmes européennes.

Elle nous montre aussi que l’histoire est bien plus une affaire de mélanges et de continuités que de remplacements brutaux. Loin d’avoir été anéantis par les Huns, les Sarmates ont continué à vivre et à transmettre une partie de leur héritage. Ils ne sont peut-être plus un peuple « oublié », mais plutôt un chapitre fascinant de notre passé commun que la science vient tout juste de commencer à relire.

Selon la source : phys.org

facebook icon twitter icon linkedin icon
Copié!
Plus de contenu