Le secret caché des océans : de minuscules microbes qui aggravent le réchauffement climatique
Auteur: Mathieu Gagnon
On nous parle beaucoup du dioxyde de carbone, le fameux CO2, comme principal coupable du réchauffement climatique. Et c’est vrai. Mais il existe d’autres gaz, plus discrets, qui sont en réalité bien plus redoutables. L’un d’eux est le protoxyde d’azote, aussi appelé N2O. Pour vous donner une idée, sur une période de 100 ans, son pouvoir de réchauffement est près de 273 fois supérieur à celui du CO2. C’est énorme.
Ce qui est encore plus surprenant, c’est qu’une nouvelle étude vient de révéler que les océans, que l’on imagine si purs, en produisent plus que ce que l’on croyait. Et les responsables sont de minuscules organismes, des microbes, qui travaillent en secret dans les profondeurs.
Plongée dans les zones où l'oxygène se fait rare
Imaginez des couches d’eau de mer, au large de la Californie ou du Mexique, où l’oxygène est si rare qu’on les appelle des « zones à minimum d’oxygène ». On pourrait croire que la vie y est absente, mais c’est tout le contraire. Ces zones abritent des communautés de microbes très actives.
C’est dans cet environnement particulier qu’une équipe de chercheurs, menée par Claudia Frey de l’Université de Bâle, a décidé de mener l’enquête. Leur but ? Comprendre comment ces microbes marins fabriquent ce fameux protoxyde d’azote.
Pour y parvenir, ils ont passé six semaines en mer, travaillant jour et nuit pour prélever des centaines d’échantillons d’eau à différentes profondeurs. Un travail de fourmi, sur un bateau qui tangue, pour préserver l’état naturel de ces microbes.
Le processus chimique des microbes : une source inattendue d'émissions
Alors, comment font ces microbes ? Quand l’oxygène manque, ils doivent bien trouver un moyen de respirer et de produire de l’énergie. Pour cela, ils utilisent un processus appelé la « dénitrification ». C’est un peu compliqué, mais en gros, ils transforment le nitrate présent dans l’eau en plusieurs composés, dont le protoxyde d’azote, avant de finir avec de l’azote gazeux, inoffensif.
Les chercheurs se demandaient si les microbes prenaient parfois un raccourci pour économiser de l’énergie. La réponse est non. Ils suivent le chemin complet, ce qui veut dire qu’ils produisent systématiquement du protoxyde d’azote. Pas de chance pour nous.
La grande surprise : les microbes défient les règles de l'oxygène
Jusqu’à présent, les scientifiques pensaient que ce processus ne pouvait se produire que dans des eaux quasiment dépourvues d’oxygène. Mais l’équipe a découvert quelque chose d’assez troublant : les microbes continuaient à produire du protoxyde d’azote même à des niveaux d’oxygène plus élevés que prévu.
Comment est-ce possible ? Grâce à la nourriture. Quand des particules organiques fraîches, comme de petites algues mortes, descendent dans ces zones, elles servent de carburant aux microbes. Ce surplus d’énergie leur permet de tolérer plus d’oxygène et de continuer leur travail de production de gaz. C’est un peu comme si une usine, qui devrait normalement s’arrêter par manque de conditions optimales, continuait de tourner à plein régime parce que ses ouvriers sont sur-alimentés.
Les conséquences concrètes pour le climat et la couche d'ozone
Cela peut sembler être un détail de laboratoire, mais les conséquences sont mondiales. L’océan est responsable d’environ 40 % des émissions naturelles de protoxyde d’azote. Un petit changement dans le fonctionnement de ces zones peut donc avoir un écho énorme sur le climat. D’ailleurs, les niveaux de ce gaz dans l’atmosphère ont atteint des records en 2023. Ce n’est vraiment pas une bonne nouvelle.
Et ce n’est pas tout. Le protoxyde d’azote n’est pas seulement un puissant gaz à effet de serre ; il s’attaque aussi à la couche d’ozone qui nous protège des rayons ultraviolets du soleil. C’est même devenu la principale substance qui la détruit au 21e siècle. Comme le dit la Dr. Frey, « l’émission de ce gaz à effet de serre presque oublié est décisive pour le climat mondial ».
Conclusion : Pourquoi cette recherche change notre vision des choses
Finalement, que faut-il retenir de tout ça ? Eh bien, que la nature est bien plus complexe que nos modèles ne le suggèrent. On ne peut plus simplement dire : « pas d’oxygène, donc production de gaz ». La réalité, c’est que la quantité de nourriture disponible pour les microbes joue un rôle crucial.
Cette étude, publiée dans la prestigieuse revue Nature Communications, nous montre que les zones de production de ce gaz dangereux sont probablement plus étendues que ce que nous pensions. À mesure que les océans se réchauffent et que la pollution par les nutriments augmente, ces zones pauvres en oxygène risquent de s’agrandir, et avec elles, les émissions de protoxyde d’azote.
C’est un avertissement important pour les climatologues. Il est urgent de mieux surveiller ces zones marginales de l’océan, car elles cachent peut-être une partie de la clé de notre avenir climatique. Une chose est sûre, les plus petites créatures de la planète peuvent avoir les plus grands impacts.
Selon la source : earth.com