L’Islande était célèbre pour être l’un des derniers refuges sur Terre épargnés par les moustiques. Ce statut unique vient de voler en éclats. La découverte récente de spécimens vivants sur l’île, une première historique, est un signe tangible et déconcertant que le réchauffement climatique est en train de transformer rapidement des écosystèmes jusqu’ici considérés comme inviolables.
Cette apparition, directement liée à la hausse des températures, rend l’île désormais hospitalière pour ces insectes exotiques. Avec l’abondance de zones humides propices à la reproduction, la prolifération pourrait être rapide, illustrant la vitesse vertigineuse avec laquelle l’impact anthropique redessine la géographie biologique mondiale.
Quand l'arctique dépasse les bornes
Pour comprendre cette migration, il faut regarder vers le nord. L’Arctique se réchauffe à un rythme effarant, environ quatre fois plus vite que le reste de la planète. L’Islande a ressenti de plein fouet cette accélération. Les températures, qui dépassaient rarement les 20 °C en mai, ont atteint cette année des niveaux record.
Des vagues de chaleur, traditionnellement courtes, ont perduré dix jours consécutifs dans plusieurs régions du pays. Le pic a été atteint à l’aéroport d’Eglisstaðir, qui a enregistré 26,6 °C, sa journée de mai la plus chaude jamais observée. Ce bouleversement thermique ne favorise pas seulement les moustiques ; il a déjà permis la migration d’espèces, comme le maquereau, autrefois confinées aux eaux plus chaudes.
Une découverte citoyenne sur un piège à papillons
L’observation initiale n’a pas été faite par une mission scientifique, mais par Björn Hjaltason, un scientifique citoyen local. L’homme utilisait des cordes imprégnées de vin fermenté, un appât classique pour attirer les papillons de nuit et autres insectes nocturnes, lorsqu’il a fait sa trouvaille.
« Le 16 octobre, au crépuscule, j’ai aperçu une mouche étrange sur un ruban de vin rouge », a-t-il raconté. Hjaltason a immédiatement compris la gravité de la situation, attrapant rapidement la créature. C’était une femelle. Il en capturera deux autres avant de les envoyer sans tarder à un centre de recherche pour identification.
La résistance d'une espèce peu commune : Culiseta annulata
L’entomologiste Matthías Alfreðsson, de l’Institut des sciences naturelles d’Islande, a confirmé les observations. Les trois spécimens (deux femelles et un mâle) ont été identifiés comme appartenant à l’espèce Culiseta annulata. Ce n’est pas le plus célèbre des moustiques, mais il présente une caractéristique inquiétante : il est particulièrement résistant au froid.
Même si les températures islandaises restent globalement fraîches, cette espèce parvient à survivre. Les caves à vin, les granges et autres abris humains offrent des refuges suffisamment tempérés pour lui permettre de passer les périodes froides. L’espèce est commune dans une partie de l’Europe et de l’Afrique du Nord, ce qui soulève la question de son arrivée.
Le moustique, vecteur de dangers et passager clandestin
Au-delà de l’anecdote scientifique, cette découverte rappelle le danger que représentent les moustiques dans l’écosystème global. Les Culicidés, bien qu’essentiels pour la pollinisation et la chaîne alimentaire, sont surtout les animaux les plus meurtriers de la planète, dépassant les grands prédateurs et même les serpents venimeux. Les femelles, ayant besoin de sang pour la maturation des œufs, sont des vecteurs redoutables de maladies (paludisme, Zika, dengue), responsables de centaines de milliers de décès chaque année.
Reste à déterminer comment ce passager clandestin est parvenu à franchir l’Atlantique Nord. L’hypothèse la plus probable, soulevée par Hjaltason et rapportée par la presse locale, est une introduction accidentelle. L’espèce aurait pu voyager via des bateaux ou des conteneurs en provenance du port de Grundartangi, situé à seulement quelques kilomètres du lieu de la découverte.
la fin d'une frontière climatique
Alors que des études complémentaires sont lancées pour confirmer si Culiseta annulata a réussi à s’implanter durablement sur l’île, le simple fait de sa présence constitue déjà un signal d’alarme. Pendant des siècles, le climat rigoureux de l’Islande a servi de frontière naturelle, protégeant l’île des espèces invasives les plus redoutables.
Aujourd’hui, cette barrière est clairement affaiblie. L’arrivée des moustiques en Islande n’est pas seulement un fait divers entomologique ; c’est une preuve supplémentaire et très visible que les conséquences du réchauffement d’origine humaine se manifestent là où l’on s’y attendait le moins, transformant radicalement les équilibres écologiques de notre planète.
Selon la source : trustmyscience.com